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Opposant à Ramzan Kadyrov, le blogueur tchétchène Tumso Abdurakhmanov assassiné en Suède
Tumso Abdurakhmanov avait obtenu le statut de réfugié politique après avoir été victime d’une première tentative d’assassinat à son domicile suédois en février 2020. Le tribunal suédois avait conclu que l’ordre de tuer « remontait à Grozny ».
TT News Agency via AFP

Opposant à Ramzan Kadyrov, le blogueur tchétchène Tumso Abdurakhmanov assassiné en Suède

"Vendetta par le sang"

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Tumso Abdurakhmanov, 36 ans, le blogueur d'opposition le plus célèbre de Tchétchénie, connu pour ses critiques virulentes et sarcastiques du régime de l'autocrate sanguinaire Ramzan Kadyrov, a été assassiné dans la nuit du 1er au 2 décembre, selon ses collègues et ses proches. Il vient s'ajouter à la longue liste des opposants tchétchènes en exil assassinés en Europe au cours de la décennie écoulée.

Âgé de 36 ans, le blogueur d'opposition le plus célèbre de Tchétchénie, Tumso Abdurakhmanov, fort de 475 000 abonnés sur sa chaîne Youtube où il s’exprimait en russe, commentait avec ironie l’actualité tchétchène. Il dénonçait sans relâche les enfreintes aux droits de l’homme commises par le sanglant dictateur Ramzan Kadyrov. Dans la nuit du 1er au 2 décembre, il aurait été assassiné en Suède, selon plusieurs sources proches du blogueur, qui s’inquiétaient de ne plus pouvoir le joindre. Les autorités suédoises n’ont pour l’heure pas officiellement confirmé son décès.

Tumso Abdurakhmanov avait obtenu le statut de réfugié politique après avoir été victime d’une première tentative d’assassinat à son domicile suédois en février 2020. Il avait alors réussi à maîtriser son agresseur, un Tchétchène, arrêté et condamné à douze ans de prison en 2021. Le tribunal suédois avait conclu que l’ordre de tuer « remontait à Grozny », et que le commanditaire aurait promis 60 000 dollars au tueur. Une tentative d’attentat contre son frère cadet, en Allemagne, avait heureusement été arrêtée à temps.

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L’opposant, qui avait participé à la création du parti d’opposition en exil La voix de la Tchétchénie, en octobre dernier, avait quitté la Russie en 2015, après avoir été persécuté et torturé par les autorités. À l’origine de ces persécutions, une rencontre malheureuse avec un parent de Ramzan Kadyrov, dans une rue de Groznyï, qui voyait dans sa barbe un signe d’islamisme. Parti en exil avec sa famille proche, il avait ensuite eu le plus grand mal à trouver refuge en Europe, à cause de cette accusation infamante, diffusée par le pouvoir à Groznyï. « La manière dont Kadyrov utilise la religion, là où cela l’arrange, est de l'hypocrisie. Il jongle avec les lois de la Russie, les usages tchétchènes et la religion, en les appliquant selon la situation, uniquement dans son propre intérêt », avait déclaré en 2020 le blogueur dans un entretien à Marianne.

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Le président du parlement tchétchène, Magomed Daudov, l’avait longuement appelé au téléphone, lui annonçant ouvertement qu’une « vendetta par le sang » était lancée contre lui. Plusieurs opposants tchétchènes en exil ont été assassinés en Europe : Oumar Israelov à Vienne en 2009, Zelimkhan Khangochvili en 2019 à Berlin, ou encore Imran Aliev à Lille en 2020. D’autres tentatives ont heureusement échoué. Dans sa dernière vidéo, postée le 7 novembre, Tumso Abdurakhmanov expliquait de façon très didactique la création du parti d’opposition La voix de Tchétchénie. Dans son dernier message sur Telegram, le 30 novembre, il commentait avec ironie les récents propos du pape à propos de la cruauté des combattants tchétchènes et bouriates en Ukraine, selon lui opposée à la tradition russe. « Quoique tu fasses pour nourrir les Tchétchènes et les Bouriates, ils restent cruels », plaisantait-il.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne