LAÏCITÉ - À l’occasion de la journée nationale de la laïcité, ce vendredi 9 décembre, l’Ifop et la revue Ecran de Veille a interrogé 1 009 enseignants du primaire et du secondaire sur l’expression du fait religieux à l’école et les atteintes à la laïcité. Parmi les tendances soulignées par l’enquête : une recrudescence des contestations d’enseignements pour des motifs religieux et une appréhension chez les enseignants à l’idée d’aborder certains sujets.
Dans l’école publique, 60 % des enseignants ont ainsi déjà observé au moins une contestation d’enseignements au cours de leur carrière. Pour la plupart, cela est arrivé au cours des 15 derniers mois. Trois enseignants du public sur dix (31 %) – et jusqu’à 37 % dans le secondaire – ont en effet été confrontés à des contestations d’enseignements au nom de la religion depuis septembre 2021.
Dans le secteur public, la proportion d’enseignants ayant observé des formes de contestations pour des motifs religieux est en hausse dans tous les domaines. Mais, selon l’étude, ces contestations sont surtout notables dans les enseignements relatifs aux relations de genre - que ce soit en matière de mixité filles-garçons ou de cours dédiés à la lutte contre les stéréotypes de genre - et à l’histoire humaine ou naturelle, comme durant les cours d’histoire-géographie.
L’assassinat de Samuel Paty toujours présent dans les mémoires
Les pratiques d’évitement sur les sujets liés à la laïcité se seraient multiplier dans le corps enseignant depuis l’assassinat de Samuel Paty. Selon une étude de l’Ifop pour le Comité National d’Action Laïque datant de 2018, 36% des professeurs du public admettaient alors s’être déjà autocensurés pour éviter des incidents sur les questions de religion. Ils sont aujourd’hui 56 %, selon l’Ifop.
Par ailleurs, les trois quarts des enseignants (77 %) estiment que le ministère de l’Éducation nationale n’a pas tiré les enseignements de l’assassinat de Samuel Paty.
Et si la moitié des profs a peur au point d’éviter certains sujets (52 % en moyenne, contre 43 % fin 2020), cette appréhension se fait particulièrement ressentir chez les jeunes professeurs (60 % chez les moins de 30 ans) et dans les rangs de ceux enseignant l’histoire-géographie (64 %).
De fait, 62 % des enseignants craignent de présenter des caricatures de personnages religieux à leurs élèves. 59 % appréhendent de devoir gérer des situations d’élèves qui veulent porter des tenues traditionnelles et/ou religieuses dans leur classe, et 47 % ont peur d’aborder les motifs de l’assassinat de Samuel Paty avec leur classe.
71% confrontés à au moins une atteinte à la laïcité depuis 2004
Selon la loi du 15 mars 2004 qui garantit le respect du principe de laïcité dans les institutions scolaires, il est interdit de porter des signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, tels que le voile, la kippa, le turban sikh, le bindi hindou ou une croix de dimension excessive.
« Nous avons aussi considéré que les demandes particulières au nom de la religion étaient des atteintes à la laïcité car elles sont contradictoires à l’obligation de neutralité de l’institution publique, précise François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualités à l’Ifop, au HuffPost. Cela peut être d’exiger de manger de la viande halal ou casher, ou de ne pas participer aux cours de piscine lorsque l’on est une jeune fille, au nom de la religion. »
Selon ces critères, près des trois quarts des enseignants du public (71 %) rapportent avoir déjà observé au moins une atteinte à la laïcité dans l’enceinte de leur établissement depuis l’application de la loi de 2004. 47% affirment y avoir été confrontés au moins une fois au cours des quinze derniers mois.
Selon l’étude, c’est dans les zones d’éducation prioritaire que les atteintes au principe de laïcité seraient les plus massives.
Favorables à un assouplissement des règles de la laïcité
L’étude s’intéresse aussi au point de vue des enseignants sur les règles de la laïcité à l’école. Selon l’enquête, les jeunes professeurs seraient particulièrement ouverts à un assouplissement des directives. En effet, 29 % des enseignants de moins de 30 ans estiment que les tenues traditionnelles, telles que les abayas et djellaba, sont des tenues « culturelles » et non pas forcément religieuses, et qu’elles ont donc leur place dans l’espace public.
Une large majorité des professeurs de moins de 30 ans (62 %, contre 54 % des plus de 50 ans) soutiennent l’introduction de menus à caractère confessionnel, comme de la viande halal ou casher, dans les cantines scolaires. 51 % des moins de 30 ans souhaitent également que l’école autorise les parents accompagnateurs ou les intervenants extérieurs à porter des signes religieux ostensibles, contre 17 % des plus de 50 ans.
À voir également sur Le HuffPost :