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Ukraine : sur la trace des enfants volés par les Russes

En robe à pois, Maria Lvova-Belova et deux des 24 enfants envoyés en Russie, le 13 octobre. Ils sont présentés comme des orphelins de la région annexée de Louhansk.
En robe à pois, Maria Lvova-Belova et deux des 24 enfants envoyés en Russie, le 13 octobre. Ils sont présentés comme des orphelins de la région annexée de Louhansk. © Sputnik/ABACA
Manon Quérouil-Bruneel. Enquête Sergey Shestak et Jean-Marc Adolphe , Mis à jour le

On l’a surnommée «Bloody Mary». Maria Lvova-Belova organise le transfert en Russie d’enfants et d’adolescents. Pour y être adoptés de force.

Les poussettes ont été abandonnées dans l’arrière-cour envahie de feuilles mortes. Par la fenêtre du bâtiment cadenassé, on distingue des tables à langer et des rangées de petits lits désertés. Aucune trace des 58 pensionnaires, âgés de 0 à 4 ans, qui vivaient dans cette pouponnière du centre-ville de Kherson. « On était habitués à les entendre rire et pleurer. Du jour au lendemain, un profond silence s’est installé dans le quartier », témoigne une voisine visiblement émue. D’abord réticente, la femme finit par raconter la rafle qui s’est déroulée sous ses fenêtres le 2 novembre dernier, quelques jours avant le retrait des troupes russes. 

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Vers 10 heures, un blindé et un pick-up ont encerclé l’orphelinat. Une douzaine de soldats, cagoulés et équipés de fusils d’assaut, se sont engouffrés à l’intérieur tandis que trois bus, rideaux tirés, stationnaient à l’entrée. « En moins d’une heure, tous les enfants ont été embarqués », souffle-t-elle au bord des larmes. Les véhicules ont ensuite franchi le fleuve Dniepr à bord de chalands convoyant des lance-missiles, opportunément protégés d’éventuelles attaques par la présence des jeunes passagers. « Non seulement les Russes volent nos enfants, mais ils sont cyniques au point de se servir d’eux comme boucliers humains pour transporter leurs engins de mort ! » s’indigne Alexey Fedchenko, directeur de l’ONG Save Ukraine. L’homme est venu spécialement de Kiev enquêter sur ce rapt collectif. « Toutes les précautions avaient pourtant été prises pour éviter ce scénario catastrophe », se désespère-t-il. 

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Captures d’écran d’une vidéo de propagande postée sur le Telegram de Maria Lvova-Belova. Dans un orphelinat de l’oblast de Zaporijjia, on la voit saisir un bébé et le passer à un soldat, le 11 novembre
Captures d’écran d’une vidéo de propagande postée sur le Telegram de Maria Lvova-Belova. Dans un orphelinat de l’oblast de Zaporijjia, on la voit saisir un bébé et le passer à un soldat, le 11 novembre © DR


Inquiet du sort que les forces d’occupation pourraient leur réserver, dès le 28 février, le personnel de la pouponnière avait en effet pris l’initiative de cacher ces enfants dans les sous-sols d’une église de Kherson. Afin de ne pas éveiller les soupçons, pyjamas et grenouillères séchaient à même les tuyaux d’aération de la cave. Et des religieuses assuraient discrètement le ravitaillement, dissimulant couches et pots de lait sous leurs chasubles. Jusqu’au jour où le secret, jalousement gardé pendant près de deux mois, fut exposé sur les réseaux sociaux. Probablement le fait d’un « collabo » désireux de se faire bien voir des nouveaux maîtres de la ville… 

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Vêtue de robes à fleurs, les bras chargés de peluches, elle visite les orphelinats comme on fait ses courses
Vêtue de robes à fleurs, les bras chargés de peluches, elle visite les orphelinats comme on fait ses courses © DR


« Aussitôt, les Russes se sont mis à fouiller partout. Ils ont retourné chaque église et fini par les trouver », poursuit Alexey Fedchenko. Quand leur bataillon a pris possession du bâtiment, des snipers étaient positionnés sur les toits des immeubles alentour. Sous la menace des armes, l’évêque a été contraint de ramener les enfants à l’orphelinat. Détail troublant : le gradé chargé de l’opération s’est annoncé comme le « représentant du président de la Fédération de Russie aux Affaires humanitaires », autant dire l’émissaire de Vladimir Poutine. Selon les dernières informations, les petits se trouveraient probablement dans un sanatorium en Crimée. 

Si la page Telegram de Maria Lvova-Belova ne compte que quelque 5400 abonnés, elle y étale ses bienfaits : distribution de nourriture, de médicaments, de jouets… Le tout « au nom du président ». Elle remercie «du fond du cœur» le ministère de l’Intérieur d’accorder la citoyenneté russe aux orphelins du Donbass. Et se réjouit d’avoir déjà trouvé des « parents » à près de 300 enfants et adolescents. Ils ont été dispersés dans une quinzaine de régions de la Fédération de Russie.
Si la page Telegram de Maria Lvova-Belova ne compte que quelque 5400 abonnés, elle y étale ses bienfaits : distribution de nourriture, de médicaments, de jouets… Le tout « au nom du président ». Elle remercie «du fond du cœur» le ministère de l’Intérieur d’accorder la citoyenneté russe aux orphelins du Donbass. Et se réjouit d’avoir déjà trouvé des « parents » à près de 300 enfants et adolescents. Ils ont été dispersés dans une quinzaine de régions de la Fédération de Russie. © DR


À mesure que les troupes du Kremlin refluent des territoires occupés émerge un nouvel aspect, glaçant, du conflit : l’existence d’une politique systématique de déportation de mineurs, planifiée au plus haut niveau de l’État russe. Entrepris dès 2014 dans les régions occupées du Donbass sous le nom de code « Train de l’espoir », ces transferts forcés d’enfants se sont poursuivis dans les « nouveaux territoires » conquis depuis février dernier. Les médias officiels russes s’en font régulièrement l’écho, se réjouissant de l’arrivée sur leur territoire de plusieurs milliers de gamins ukrainiens depuis le début de la guerre. De leur côté, les autorités ukrainiennes évoquent 11 225 cas ayant pu être jusqu’à présent documentés. 

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Un nombre inconnu d’enfants auraient été abusivement séparés de leurs familles après un passage par des « camps de filtration »


La majorité d’entre eux ont été raflés dans des structures d’accueil – orphelinats, internats et établissements spécialisés – situées en zone de combat. Les autorités russes justifient leur évacuation au nom d’un motif humanitaire, alors même que leurs troupes pilonnent sans scrupule des écoles et des maternités. Le 22 août, le département de la famille et de l’enfance de la ville de Krasnodar, dans le sud-ouest de la Russie, publiait sur son site Internet une étrange annonce, retirée depuis : se vantant d’avoir déjà placé mille enfants « libérés » de Marioupol, l’administration proposait à l’adoption 300 bébés supplémentaires. Non sans préciser que les familles d’accueil percevraient une rémunération.

Grâce au téléphone de notre reporter, le 17 novembre, Svetlana peut enfin parler à sa fille aînée.
Grâce au téléphone de notre reporter, le 17 novembre, Svetlana peut enfin parler à sa fille aînée. © Frédéric Lafargue


Signé en mai par Vladimir Poutine, le décret simplifiant l’obtention de la nationalité russe pour les mineurs ukrainiens « considérés comme orphelins » facilite ces adoptions sauvages – y compris dans les cas où les parents ne sont pas morts. Un nombre inconnu d’enfants auraient ainsi été abusivement séparés de leurs familles après un passage par des « camps de filtration ». Selon nos informations, la plupart auraient transité par la ville de Donetsk, transformée en vaste gare de triage, avant d’être dispatchés sur tout le territoire russe, jusqu’en Sibérie.

Souvenir de l’été 2021, à droite, Eva, alors âgée de 11 ans, et Yana, 14 ans.
Souvenir de l’été 2021, à droite, Eva, alors âgée de 11 ans, et Yana, 14 ans. © DR


Faute de place, Timofey et cinq de ses frères et sœurs ont été parqués plus de trois mois dans un centre pour tuberculeux, attendant là que les forces d’occupation statuent sur leur sort. Aujourd’hui réfugié en France, le grand gaillard de 17 ans relate timidement ce calvaire. Né d’une mère toxicomane décédée quand il avait 5 ans, Timofey a été placé en famille d’accueil à la mort de sa grand-mère qui l’élevait. Chaque hiver, avec sa fratrie recomposée, il avait l’habitude de séjourner deux mois dans une clinique de Marioupol spécialisée dans le traitement des maladies pulmonaires. Mais cette fois, un mois après leur arrivée, les troupes russes encerclaient la ville, s’attachant à la rayer de la carte. 

Dès l’arrivée dans leur centre, les Russes nous ont conseillé d’oublier nos familles

Timofey


« Je n’avais aucun moyen de les sortir de cet enfer : les routes étaient bombardées et jalonnées de barrages militaires », explique leur tutrice, Olga Lopatkina, alors elle-même retranchée dans la cave de sa maison de Vouhledar, à une centaine de kilomètres de Marioupol. Sous le feu incessant des obus, les jeunes pensionnaires ont passé de longues semaines à se terrer dans les sous-sols de l’établissement, sans eau ni électricité, avant d’être évacués en ambulance direction Zaporijjia. Stoppés à un checkpoint par des militaires russes, ils furent déroutés vers Donetsk. 

Au bord de la mer Noire, l’ancien « sanatorium de l’amitié », près de Yevpatoriya, sur la côte ouest de la Crimée, où certains enfants ukrainiens sont retenus en « colonie de vacances ».
Au bord de la mer Noire, l’ancien « sanatorium de l’amitié », près de Yevpatoriya, sur la côte ouest de la Crimée, où certains enfants ukrainiens sont retenus en « colonie de vacances ». © DR


« Dès l’arrivée dans leur centre, confie Timofey, les Russes nous ont conseillé d’oublier nos familles. Chaque jour, ils nous répétaient que plus personne ne se souciait de nous et qu’ils nous trouveraient bientôt de nouveaux parents. » Entre-temps réfugiée à Loutsk, dans l’ouest de l’Ukraine, avec son mari et leurs deux enfants biologiques, Olga constate, impuissante, les effets dévastateurs de ce patient travail de sape : « Quand je parlais à Timofey au téléphone, je sentais qu’il m’en voulait beaucoup. Pour lui, c’était comme un second abandon. » Sur son portable, elle tient à montrer les dizaines de messages envoyés au directeur de l’hôpital pour récupérer ses protégés. 

Les filles de Svetlana, à Kherson, pendant le tournoi de foot de l’été 2021. Au premier rang, cheveux relevés, Eva. Derrière, l’aînée, la brune Yana.
Les filles de Svetlana, à Kherson, pendant le tournoi de foot de l’été 2021. Au premier rang, cheveux relevés, Eva. Derrière, l’aînée, la brune Yana. © DR


Alors que les pensionnaires sont progressivement déplacés au fil des semaines vers d’autres établissements en Russie, elle a continué de remuer ciel et terre, refusant de fournir les copies de leurs cartes d’identité tant réclamées. « Je savais qu’en l’absence de documents officiels il serait compliqué de les transférer pour les faire adopter. » Le stratagème finira par payer : de guerre lasse, en juin, le directeur a rendu à Olga les enfants. Des centaines d’autres n’auront jamais cette chance. 

Les foyers pauvres de la région de Kherson se sont vu proposer des colonies de vacances tous frais payés au bord de la mer Noire…


Dans un souci constant d’efficacité, Moscou a déployé une stratégie plus retorse l’été dernier. Après l’annonce de la fermeture prolongée des écoles jusqu’en novembre, les foyers pauvres de la région de Kherson se sont vu proposer des colonies de vacances tous frais payés au bord de la mer Noire… dont les enfants ne sont pas revenus. Selon la presse locale, plus de 5 000 mineurs ukrainiens auraient ainsi été envoyés en Crimée afin de « bénéficier du bon air de la mer ». Certains articles affirment même que ces derniers, conquis par les charmes de la région, refusent à présent de la quitter. 

La Maison de l’enfant, rue Zalaeherseh, au cœur de Kherson, où, le 3 novembre, trois bus entourés d’hommes en armes sont venus chercher 46 orphelins.
La Maison de l’enfant, rue Zalaeherseh, au cœur de Kherson, où, le 3 novembre, trois bus entourés d’hommes en armes sont venus chercher 46 orphelins. © Frederic Lafargue


Dans son studio de 18 mètres carrés d’un quartier populaire de Kherson où trônent les portraits de deux adolescentes, Svetlana semble rongée autant par le chagrin que par la culpabilité. « Quand le directeur du collège m’a proposé d’envoyer mes filles trois semaines au bord de la mer, j’y ai vu l’opportunité de les protéger de tous ces soldats ivres qui traînaient dans les rues », explique cette mère célibataire en refoulant ses larmes. « Depuis que j’ai perdu mon emploi, j’avais du mal à subvenir à leurs besoins », ajoute-t-elle avant de composer le numéro de Yana, sa fille aînée. 

Mars 2022, à Kherson, quand les enfants étaient cachés dans les sous-sols de l’église baptiste du Golgotha. Ils seront ramenés de force à l’orphelinat sur ordre d’un certain Navigator, se présentant comme l’envoyé de Poutine.
Mars 2022, à Kherson, quand les enfants étaient cachés dans les sous-sols de l’église baptiste du Golgotha. Ils seront ramenés de force à l’orphelinat sur ordre d’un certain Navigator, se présentant comme l’envoyé de Poutine. © Frédéric Lafargue


Au bout du fil, l’adolescente de 15 ans donne le change pour ne pas inquiéter sa mère : « Tout va bien », ment-elle sans parvenir à masquer des sanglots. « Pourquoi tu pleures ? s’affole Svetlana. Quelqu’un t’a fait du mal ? » Yana, sans doute surveillée, hésite avant de murmurer : « Je veux rentrer à la maison. » « Qu’est-ce que les Russes vous racontent ? lui demande sa mère. Vous sortez parfois du centre ? Comment va ta sœur ? » Les réponses de la jeune sont évasives. Elle relate que sa cadette ne peut pas parler car elle est en cours avant de raccrocher, en pleurs. Comme sa mère…

La prétendue opération de « dénazification » de l’Ukraine se double d’une stratégie de russification à marche forcée


Plus d’un mois que les deux sœurs sont parties. Les rares fois où Svetlana est parvenue à joindre un fonctionnaire de l’établissement, le même argument lui a été opposé : les conditions de sécurité ne permettent pas d’envisager un retour « dans l’immédiat ». Pendant que les familles désespèrent, l’administration russe met à profit ces « vacances prolongées » pour endoctriner les pensionnaires. L’accent est mis sur l’enseignement de la « grande guerre patriotique », régulièrement évoquée par Poutine pour justifier l’invasion de l’Ukraine, et l’amour de la « mère patrie ». Le but : leur faire oublier leur culture, leur histoire, leur langue. 

Au Kremlin, le 9 mars. « Les Russes font déjà la queue pour s’occuper de ces enfants… Ceux qui ont la nationalité russe pourraient s’installer définitivement », observe Maria Lvova-Belova. Réponse de Poutine : «Pourquoi seulement ceux qui ont la nationali
Au Kremlin, le 9 mars. « Les Russes font déjà la queue pour s’occuper de ces enfants… Ceux qui ont la nationalité russe pourraient s’installer définitivement », observe Maria Lvova-Belova. Réponse de Poutine : «Pourquoi seulement ceux qui ont la nationali © Sputnik/ABACA


Les plus réfractaires sont envoyés dans ces camps de rééducation ou intégrés dans les rangs de l’Armée des jeunes, un mouvement de jeunesse militaro-patriotique destiné à former à la guerre les adolescents. De futures recrues qui, au regard des lourdes pertes essuyées par Moscou, risquent d’être envoyées en première ligne aux côtés des repris de justice extirpés des prisons, pour servir de chair à canon… 
Les idéologues du Kremlin n’en ont jamais fait mystère : loin de se cantonner aux conquêtes militaires, la prétendue opération de « dénazification » de l’Ukraine se double d’une stratégie de russification à marche forcée de toute une génération, considérée comme « dévoyée ». L’objectif est limpide : éradiquer l’ennemi en effaçant son identité. Alors que le discours de libération avancé par le régime pour justifier la guerre est mis à mal par le mauvais accueil réservé à ses troupes d’occupation, ces enfants revenus dans le giron russe deviennent un élément central de la propagande officielle. 

Ancienne chanteuse pop, la mystérieuse Maria Lvova-Belova a été nommée commissaire aux Droits des enfants en octobre 2021 par Vladimir Poutine


Cette opération de la plus haute importance a été confiée à une jeune femme : la mystérieuse Maria Lvova-Belova, nommée commissaire de la Fédération de Russie aux Droits des enfants en octobre 2021 par Vladimir Poutine. Après une carrière avortée de chanteuse pop, cette épouse d’un prêtre orthodoxe s’est reconvertie dans le domaine caritatif. Elle n’y aurait pas laissé que de bons souvenirs. La gestion de sa première institution, la Maison de Veronika, est entachée de soupçons de détournements de fonds destinés aux enfants handicapés ; un pensionnaire y a également été trouvé mort, vraisemblablement en raison de mauvais traitements.

Sur sa chaîne Telegram, Ramzan Kadyrov diffuse des images. Il les commente : «Un travail préventif sera effectué à des fins d’éducation militaro-patriotique. »
Sur sa chaîne Telegram, Ramzan Kadyrov diffuse des images. Il les commente : «Un travail préventif sera effectué à des fins d’éducation militaro-patriotique. » © DR


Un ancien collègue, originaire de sa région natale de Penza, la dépeint sous les traits d’une pasionaria qui a mal tourné : « Maria était animée de bonnes intentions, avant de devenir un pur produit du système Poutine. Cela dit, rester humain au sein du Kremlin relève de l’impossible… » Également élue à la Douma sous la bannière de Russie unie (le parti au pouvoir), la députée milite pour le rétablissement d’une formation militaire dans les écoles afin de « créer des figures de héros dont les enfants puissent s’inspirer ».
Adepte de la ligne dure défendue par son patron, la jolie blonde au visage de madone a hérité, en Ukraine, d’un surnom peu avenant : « Bloody Mary ». « C’est un peu exagéré, ironise depuis Moscou Alexeï Miniailo : elle n’a tué personne de ses propres mains, même si elle participe à ce que la convention des Nations unies reconnaît comme un acte génocidaire, soit le fait de déplacer de manière forcée des enfants d’un groupe ethnique vers un autre. » Amené à collaborer avec Maria Lvova-Belova dans le cadre de ses activités associatives, ce député de l’opposition a d’abord applaudi des deux mains à sa nomination. Avant de déchanter en la découvrant qui posait tout sourire aux côtés du président tchétchène Ramzan Kadyrov. 


C’est aux bons soins de cet homme peu réputé pour ses qualités de pédagogue qu’elle a confié un groupe d’adolescents « difficiles » originaires de Louhansk et de Donetsk, afin qu’ils soient « rééduqués » dans un camp militaro-patriotique. « Ces enfants négatifs insultaient Poutine, chantaient l’hymne ukrainien… Au bout de quelques semaines, ils exprimaient leur amour pour la Russie », s’enthousiasme la commissaire sur sa chaîne Telegram. 

Maria Lvova-Belova documente elle-même le détail de ses crimes sur son site officiel

Kateryna Rashevska


Mère de famille nombreuse – dont un garçon de Marioupol récemment adopté – Maria Lvova-Belova s’acquitte avec dévouement de la basse besogne qui lui échoit, effectuant la tournée des orphelinats vêtue de belles robes fleuries, les bras chargés d’ours en peluche. Le 11 novembre, sous bonne escorte, elle visitait ceux des régions de Kherson et de Zaporijjia. Sur les images tournées par Zvezda, la chaîne des forces armées russes, on la voit caresser quelques têtes blondes puis s’emparer d’un bébé dans son berceau pour le remettre aussitôt à un militaire. 


« Le sentiment d’impunité et le mépris des lois internationales ont atteint un degré tel que Maria Lvova-Belova documente elle-même le détail de ses crimes sur son site officiel », s’indigne Kateryna Rashevska, du Centre régional des droits de l’homme. En l’absence d’ONG libres en Russie, la prolixité de la commissaire sur les réseaux sociaux représente une chance inespérée. La juriste compile précieusement chacun de ses posts comme autant de preuves de crimes qu’elle espère voir punis. En attendant, « Bloody Mary », visée par des sanctions internationales, vient d’annoncer la création d’une base de données censée permettre aux familles ukrainiennes de retrouver leurs enfants « égarés ». Selon Kateryna Rashevska, celle-ci servirait en réalité à faciliter leur adoption définitive par des familles russes, dernière étape d’un trafic d’État à grande échelle. 

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