Des intelligences artificielles bientôt capables de générer de nouveaux médicaments à la chaîne ?

© Anna Shvets

IA, dessine-moi un médicament. Nous n’en sommes pas tout à fait là, mais presque. Des laboratoires planchent sur des modèles capables de générer de toutes nouvelles protéines qui pourraient être intégrées à des médicaments plus efficaces.

« Créer une protéine qui se fixe à un récepteur d’insuline. » Et en moins d’une minute, une intelligence artificielle s’exécute et crée un échantillon de molécules jamais vues auparavant. Deux laboratoires américains ont présenté à quelques jours d’intervalles des modèles de ce type. La startup de Boston Generate Biomedicine à l’origine de Chroma, l’un de ces modèles, le compare au « Dall-E 2 de la biologie », en référence aux IA génératives qui créent des images à la chaîne à partir d’une simple description. 

Les protéines, c’est fantastique

Chroma fait effectivement plus ou moins la même chose que Dall-E 2 avec des protéines. Cette IA est capable de générer des molécules répondant à des caractéristiques – une taille et une forme spécifiques – renseignées par les chercheurs. De quoi permettre le développement de nouveaux médicaments plus efficaces, estime l’entreprise. « Nous pouvons découvrir en quelques minutes ce qui a pris des milliards d'années à l'évolution », avance Gevorg Grigoryan, directeur technique de Generate Biomedicines au MIT Technology Review. Une équipe de l’université de Washington a mis au point un programme similaire baptisé RoseTTAFold Diffusion. Et l'université de Stanford et le laboratoire de Microsoft seraient aussi sur le coup, rapporte le Boston Globes.

Les protéines sont la matière première de bon nombre de médicaments récents. « Dans la nature, les protéines servent à peu près à tout », explique Gevorg Grigoryan. Elles digèrent la nourriture, contractent les muscles, combattent des infections, pilotent notre système immunitaire… Pour concevoir de nouveaux médicaments, les laboratoires pharmaceutiques piochent dans une bibliothèque de protéines existantes. Ces outils de génération de nouvelles protéines permettront d’étendre considérablement cette bibliothèque. 

Plus efficaces que les médicaments actuels ?

Ce n’est pas la première fois que l’IA sert à générer de nouvelles molécules. Mais la particularité de ces deux nouveaux modèles réside dans la quantité de données sur laquelle ils ont été entraînés. Les modèles sont ainsi capables de générer des protéines aux formes et aux tailles extrêmement variées, jamais vues dans la nature, et désignées pour des fonctions très précises. Elles seraient donc potentiellement plus efficaces pour lutter contre une pathologie particulière, que celles trouvées dans la nature puis modifiées dans un but précis. Sur son site, Generate Biomedicine montre notamment une série de protéines en forme de lettres de l’alphabet pour montrer les prouesses de son outil. Celles-ci en particulier n’ont sans doute pas une grande utilité, mais la structure d’une protéine est particulièrement intéressante à maîtriser puisqu’elle détermine sa fonction. 

Genarate Biomedicine comme l’équipe de l’université de Washington ont conduit des simulations numériques pour vérifier que les protéines générées par IA étaient viables. Elles le sont – pour une partie d’entre elles du moins. L’équipe de Washington est allée un cran plus loin en produisant certaines protéines en laboratoire. Ils ont notamment généré puis testé une nouvelle protéine qui se fixe à l'hormone parathyroïdienne, en charge du contrôle du niveau de calcium dans le sang. « Nous avons simplement donné au modèle l'hormone à laquelle la protéine devait se fixer, et rien d'autre », explique David Baker, le chercheur en charge de ce projet. Lorsqu'ils ont testé la nouvelle protéine en laboratoire, ils ont constaté qu'elle se fixait à l'hormone plus efficacement que les médicaments existants. 

Si ces résultats sont une étape importante, il faudra encore quelques années d’essais et de production à grande échelle avant de voir ces médicaments générés par IA sur le marché. Certes les IA génératives d’images ont prouvé qu’elles étaient capables de rendus bluffants – mais pas dénués de bugs – donc on aimerait mieux que celles dédiées à la génération de protéines, qui pourraient se trouver un jour dans notre corps soient parfaitement au point…

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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commentaires

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  1. Avatar Cédric GRIGNARD dit :

    Si la nature n'a pas créer depuis plusieurs milliards d'années certaines structures telles que modélisées par l'IA, n'y a-t-il tout simplement pas une bonne raison. Cette nature qui a créé l'humain et tout le vivant... pourquoi penser qu'elle aurait manqué d'inventer des complexes protéiniques que l'IA (l'homme) construit tels des legos. Et si l'objectif est de mieux guérir des maux engendrés par l'humain dus à nos modes de vie (alimentation, pollution...), peut-être est-il plus sage de s'attaquer aux causes plutôt que de croire en des solutions miracles du fameux Dr Huxley (cf. Lucky Luke)
    Apprentis sorciers, nous voilà - malheureusement, possiblement pour le pire
    Bref, ne laissons pas la discussion se fermer devant ces quelques déclarations triomphalistes!

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