Pays hôte de la COP26, le Royaume-Uni s'est imposé comme l'un des leaders sur le climat, faisant la guerre aux énergies fossiles et enjoignant les pays du Sud à en sortir. Mais le gouvernement britannique vient d'envoyer un bien mauvais signal en validant un projet de mine de charbon dans le nord-ouest de l'Angleterre. Bien que celle-ci servira à alimenter la sidérurgie, et non à produire de l'électricité, elle suscite de vives critiques au niveau national comme à l'international.

Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. C’est ainsi qu’on pourrait résumer l’attitude du Royaume-Uni, hôte de la COP26 sur le climat et fer de lance de la transition énergétique dans les pays du Sud. Le gouvernement britannique vient d’approuver un projet souterrain de mine de charbon, dans le comté de Cumbria (nord-ouest de l’Angleterre), premier projet de ce type en trente ans dans le pays. Elle devrait fonctionner jusqu’en 2049 et servirait non pas à produire de l’électricité mais à alimenter l’industrie de la sidérurgie. L’objectif pour la mine est d’extraire environ 2,7 millions de tonnes de charbon par an, avec à la clé la création de 500 emplois, afin de fournir des aciéries au Royaume-Uni et en Europe.
"Cette décision est une trahison complète de l’engagement du gouvernement de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C", a dénoncé Lyndsay Walsh, de l’ONG Oxfam. "L’augmentation de la production du combustible fossile le plus sale, alors que l’urgence climatique croissante plonge des millions de personnes de plus en plus profondément dans la faim et la pauvreté, est injustifiable", a-t-elle ajouté. Même son de cloche du côté de Greenpeace, qui dénonce "l’hypocrisie" du gouvernement du Premier ministre Rishi Sunak, qui "il y a à peine un mois affirmait vouloir faire du Royaume-Uni une superpuissance des énergies propres".

80 % du charbon extrait sera exporté


Ce projet de mine souterraine avait d’abord été approuvé par le gouvernement début 2021. Les autorités locales avaient ensuite décidé de le réexaminer, avant que l’exécutif ne reprenne la main en annonçant une enquête publique. A l’issue de cette procédure, un inspecteur de l’urbanisme a finalement tranché en faveur du projet, au motif que la stratégie de décarbonation industrielle du Royaume-Uni n’interdit pas l’utilisation de charbon dans la métallurgie, selon un document publié par le gouvernement. Mais selon des révélations publiées dans la presse britannique, celui-ci a travaillé chez British Coal de 1980 à 1989, et n’est donc pas insensible à la question.
Outre les critiques sur l’impact climatique d’un tel projet et les possibles conflits d’intérêt, ses détracteurs pointent le fait que le charbon extrait de cette mine sera à plus de 80% exporté vers l’Europe. En effet, les deux sidérurgistes britanniques British Steel et Tata Steel assurent qu’ils ne s’approvisionneront peu ou pas auprès de cette mine. Le premier a tout simplement exclu l’utilisation du charbon en raison de sa teneur trop élevée en soufre, et le second va peu à peu se tourner vers la production d’acier vert, comme le font aussi les sidérurgistes européens. Le charbon à coke semble donc avoir un avenir limité à l’heure de la transition énergétique, quand bien même il serait "neutre en carbone" grâce à la technologie de captage et stockage de CO2. Une technologie qui est aujourd’hui immature et coûteuse. 

"Hypocrisie"


À l’international, cette décision est largement critiquée. Le leadership climatique acquis par le Royaume-Uni en prend un sérieux coup. Un journaliste de Climate home news a répertorié dans un fil Twitter les réactions en provenance du monde entier. Elles sont cinglantes. "Un mois seulement après la COP27" ; "Vous aussi ?" ; "Est-ce que c’est le futur pour lequel on s’est battus dans le Pacte de Glasgow ?", interroge le Premier ministre des Fidji.


Alors que le Royaume-Uni est notamment engagé dans un partenariat de transition énergétique juste avec l’Afrique du Sud et l’Indonésie pour aider ces pays à sortir du charbon, la réouverture d’une mine de charbon sur son sol est pour le moins ironique. "L’hypocrisie stupéfiante d’exiger que d’autres pays réduisent progressivement le charbon, juste au moment où nous le remettons en place, envoie un message vraiment terrible aux pays du Sud et fait de cette décision un crime climatique contre l’humanité", fustige dans une tribune au Guardian la députée verte Caroline Lucas.
Concepcion Alvarez @conce1 avec AFP

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