L’UE doit mettre fin à la stérilisation des personnes handicapées, selon un rapport du Parlement européen

La stérilisation des personnes handicapées est légale dans treize pays en Europe, selon l'European Disability Forum. [Try_my_best/Shutterstock]

Le Parlement européen a adopté à une large majorité mardi un rapport sur l’égalité d’accès aux droits des personnes handicapées. Le rapport dénonce notamment la stérilisation des personnes souffrant d’un handicap mental, encore autorisée dans certains pays de l’UE.

Les eurodéputés ont présenté mardi 13 décembre, dans un rapport adopté par 526 voix pour, 10 contre et 83 abstentions, une série de propositions pour défendre les droits des personnes handicapées au sein de l’UE et lutter contre les discriminations.

« Pendant trop longtemps, les difficultés des personnes handicapées ont été ignorées au sein de l’UE. Ce sont des citoyens dont les droits sont violés au quotidien », déclare à EURACTIV France la rapporteure Anne Sophie Pelletier (La Gauche).

Dans le rapport, les violences basées sur le genre, le manque d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive et la stérilisation forcée font l’objet d’une attention particulière.

« Peut-on imaginer qu’aujourd’hui encore la stérilisation forcée existe sur les personnes en situation de handicap ? Pourtant c’est le cas dans au moins 13 États membres de l’Union européenne »,poursuit Mme Pelletier.

La stérilisation des personnes handicapées est légale au Portugal, en Finlande, en Bulgarie, en Croatie, à Malte, en République tchèque, à Chypre, au Danemark, en Estonie, en Hongrie, en Lettonie, en Lituanie et en Slovaquie.

Si la pratique est rare en Europe, elle n’en reste pas moins taboue et hautement controversée.

« Les gouvernements pensent protéger les personnes handicapées, mais elles sont capables de prendre ces décisions elles-mêmes. C’est une violation des droits humains », dénonce de son côté Marine Uldry, chargée de plaidoyer au sein de l’European Disability Forum, contactée par EURACTIV France.

Tuteurs légaux, médecins et tribunal

La stérilisation concerne majoritairement les femmes en situation de handicap mental, comme l’autisme, placées sous la tutelle d’un proche.

« Dans les pays où la pratique est légale, les tuteurs légaux des personnes en situation de handicap peuvent prendre la décision de faire stériliser la personne dont ils ont la charge », confirme Marine Uldry.

Mais la stérilisation suit un protocole strict. Elle est utilisée dans les cas d’extrême urgence, s’il existe un danger pour la femme, et ne peut se faire qu’après l’avis d’un médecin ou d’un gynécologue et d’un tribunal spécialisé.

Bien souvent, les familles ou proches qui ont à leur charge une personne handicapée décident d’avoir recours à la stérilisation car ils pensent que la personne elle-même n’est pas capable d’élever un enfant.

Il existe encore trop peu de professionnels pour accompagner les femmes en situation de handicap intellectuel qui souhaitent avoir un enfant, regrette Marine Uldry.

Il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur le nombre de femmes stérilisées à cause de leur handicap mental. Les données fournies par les pays qui l’autorisent mélangent tout type de stérilisation : de la vasectomie volontaire d’un homme qui ne veut plus d’enfants, à la stérilisation forcée d’une femme en situation de handicap.

Au-delà du manque d’accompagnement des femmes handicapées dans la maternité, l’absence d’accès aux services de santé sexuelle et reproductive est un problème majeur.

« Les établissements spécialisés manquent de moyens humains et financiers pour faire de l’éducation à la sexualité », regrette Mme Pelletier qui demande dans le rapport une législation européenne pour mettre fin à la stérilisation forcée, jugée « inhumaine ».

Or, des cours d’éducation à la sexualité permettraient d’évoquer la contraception, l’avortement, ou encore la grossesse et de donner toutes les clés aux femmes en situation de handicap pour gérer au mieux leur vie sexuelle.

La Commission européenne a présenté une proposition de directive sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique au Parlement européen et au Conseil le 8 mars 2022.

Alors que des amendements à cette directive sont attendus début 2023, l’European Disability Forum exige que la stérilisation forcée soit interdite et criminalisée par l’UE et tous les États membres.

Plus d’inclusivité dans l’éducation et le monde du travail

Plus globalement, dans le rapport les eurodéputés appellent à plus d’inclusivité pour les personnes en situation de handicap, avec un accès aux services, aux soins et au marché du travail, conformément à la stratégie relative aux droits des personnes handicapées. 

Côté éducation, le rapport préconise d’obliger les Etats membres à mettre en place des quotas dans les établissements d’enseignement général. Selon les Nations unies, moins de 5% des enfants et des adolescents souffrant d’un handicap ont accès à l’éducation et à la formation.

Quant aux femmes, elles se trouvent face a d’importantes barrières lorsqu’il s’agit de participer à la vie sociale et au développement.

« Je me réjouis que le débat sur ce rapport puisse marquer un progrès vers une réelle égalité pour tous », conclut Anne Sophie Pelletier.

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire