Le nombre de victimes de violences conjugales a explosé en 2021. Les services de police et de gendarmerie ont recensé 208 000 cas l’année dernière, en hausse de 21 % par rapport à 2020, selon les données du service statistique du ministère de l’intérieur (SSMSI) diffusées jeudi 15 décembre.

Deux tiers de ces violences sont des violences physiques, un peu moins d’un tiers sont des violences psychologiques ou verbales, note le SSMSI, qui ajoute que les violences sexuelles conjugales enregistrées sont très peu fréquentes (4 % des victimes). « Dans 85 % des cas, il s’agit d’un viol ou d’une tentative de viol », détaille le rapport.

Cette augmentation ne surprend pas Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes qui gère le 3919. « Nous faisons le même constat dans nos enquêtes sur la ligne d’écoute 3019 et dans nos associations, souligne-t-elle. En 2021, nous avons enregistré une augmentation des appels et une hausse de 14 % des violences conjugales par rapport à 2019. »

La libération de la parole

Qu’ils viennent du gouvernement ou des associations, ces chiffres correspondent-ils à une augmentation des violences où reflètent-ils une libération de la parole des femmes ? Le ministère met en avant l’évolution des mentalités et une meilleure prise en charge. « Dans un contexte de libération de la parole et d’amélioration des conditions d’accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie », « le nombre d’enregistrements a pratiquement doublé depuis 2016 », note-t-il, soulignant que « la part des faits anciens (commis avant leur année d’enregistrement) est passée de 18 % en 2016 à 28 % en 2021 ».

Françoise Brié, elle, s’interroge : « Si le mouvement #MeToo et la mise en place de brigades spécialisées avec des personnels mieux formés peuvent encourager les femmes à parler, au 3919, nous constatons une aggravation des situations de violences, avec une hausse des tentatives de féminicides, des viols conjugaux et des menaces de mort qui amène à se demander si le taux de violences n’est pas lui aussi en augmentation. »

89 % des agresseurs sont des hommes

Si de plus en plus de victimes se décident à porter plainte longtemps après les faits, moins d’une victime de violences conjugales sur quatre a porté plainte en 2020, selon l’enquête du ministère. « Cette démarche reste compliquée pour beaucoup de femmes parce qu’elles ont peur de leur agresseur ou parce qu’il n’y a pas de service disponible au moment où elles veulent le faire, rappelle Françoise Brié. Elles hésitent aussi à franchir le pas parce que le traitement judiciaire derrière ne suit pas. Il y a beaucoup de classements sans suite ou d’enquêtes qui n’aboutissent pas faute de moyens ».

D’après le SSMSI, les victimes sont dans leur grande majorité des femmes (87 %), pour moitié âgée de 25 à 39 ans, et les agresseurs des hommes (89 %). « La Guyane, la Seine-Saint-Denis, le Nord, La Réunion, le Pas-de-Calais et le Lot-et-Garonne sont les départements où le nombre de femmes victimes enregistrées pour 1 000 habitantes est le plus élevé. »