Janvier pour Janus, le dieu romain des passages

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Janvier pour Janus, le dieu romain des passages

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Gravure de Janus. Dans la religion et le mythe romain ancien, Janus est le dieu des commencements et des transitions, donc aussi des portes, des passages, des fins et du temps. Il est généralement représenté comme ayant deux visages.
Gravure de Janus. Dans la religion et le mythe romain ancien, Janus est le dieu des commencements et des transitions, donc aussi des portes, des passages, des fins et du temps. Il est généralement représenté comme ayant deux visages.
© Getty - Duncan1890

Notre mois de janvier doit son nom à Janus, le dieu romain des transitions, des commencements mais aussi des fins... Une divinité à deux visages, l'un tourné vers le passé, l'autre vers l'avenir, à célébrer pour démarrer l'année sous les meilleurs auspices - ou essayer de le faire.

Elle fut des plus éprouvantes mais s'est enfin achevée ! 2020 appartient au passé et c'est avec l'espoir -vite douché- d'une sortie des multiples crises frappant la planète que s'est ouvert 2021. Le mois de janvier est pour ainsi dire, plus que jamais, porteur de bien des espoirs et garant de nombre de nos attentes. Et pour cause, c'est le mois de Janus, dieu latin des passages, des commencements comme des fins. Et si, en cette période charnière, où il est de coutume de faire le point sur ce qui vient de s'achever pour se projeter vers un avenir des plus radieux, nous le faisions sous l'égide de cette divinité latine ? Afin qu'en 2021, toutes les chances soient de notre côté...  

Mais quel dieu es-tu, Janus à double forme ? Comment le dirai-je ?   
En effet la Grèce n’a aucune divinité qui te ressemble.   
Dévoile aussi la raison : pourquoi seul des immortels,   
tu vois en même temps ce qui est dans ton dos et ce qui est devant toi.
Ovide, Fastes, Livre I, vers 89-92 (trad. A. C)

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Connaître le passé pour regarder vers l'avenir

Ancienne monnaie romaine - deux têtes Janus - Illustrations
Ancienne monnaie romaine - deux têtes Janus - Illustrations
© Getty - Nastasic

Janus est ce que l'on appelle bifrons, il a donc deux visages. Ce qui signifie qu'il pouvait à la fois avoir une vision vers l'avant et vers l'arrière, une connaissance du passé et du futur. Ce double regard c'est aussi celui qui a été le nôtre au cours des dernières semaines, entre rétrospectives et hypothèses prospectives…

Toutefois, il arrive à Janus d'être quadrifrons, à quatre visages. Et il en est ainsi lorsqu'on lui érige des sanctuaires situés à des carrefours. Le dieu est alors une allégorie tant spatiale que temporelle. Car son regard se porte également vers l'intérieur et l'extérieur. Divinité typiquement italique, sans aucun équivalent grec, sa figure ornait par conséquent la devanture de certaines portes à Rome, où il était très populaire. 

Ses origines sont néanmoins assez troubles, honoré par les Etrusques, sous le nom de "Culsans", mais également par les peuples du Latium et par les Samnites, on suppose qu'il aurait été introduit par le fondateur de la cité, Romulus, lui-même. Il devint dès lors, le "Dieu des dieux" (Deorum deus), consacré sous Numa Pompilius (753-673 av. J.C.) , deuxième roi de Rome qui lui érigea un temple sur le Forum.  

Un souverain, ami de Saturne

Saturne (temps) et Historia, mythologie grecque, peinte par Paolo Veronese - Illustrations
Saturne (temps) et Historia, mythologie grecque, peinte par Paolo Veronese - Illustrations
© Getty - ZU_09, DigitalVision Vectors

Selon la légende, Janus régnait dans le Latium, au centre de l'Italie. Son palais surplombait la région, depuis l'une des sept collines de Rome, le mont Janicule, sur la rive ouest du Tibre. On raconte qu'il y accueillit Saturne, chassé de l'Olympe par son propre fils, Jupiter. Pour l'en remercier, le Titan déchu lui transmit le savoir-faire agricole et lui enseigna la construction navale. Aussi, il lui apprit à battre la monnaie. 

Janus est alors devenu l'objet d'un jeu de "pile ou face",  très apprécié des enfants romains. C'est ce que raconte l'écrivain latin Macrobe, (env. 370-430) dans son ouvrage _Saturnales (_livre I, 7) : 

Janus fut le premier qui frappa des monnaies de bronze et il témoigna un tel respect pour Saturne qu’il fit frapper d’un côté un navire, parce que Saturne était arrivé sur un bateau, et de l’autre l’effigie du dieu à deux têtes, pour transmettre son souvenir à la postérité. On en trouve une preuve dans cette espèce de jeu de hasard où les enfants jettent des deniers en l'air en disant "capita aut navia" ("têtes ou vaisseaux").

Ainsi, Janus et Saturne auraient gouverné ensemble, au cours d'une période faste, caractérisée par l'abondance mais aussi par un idéal d'honnêteté, de justice et de paix. Afin de perpétuer le souvenir de cette époque prospère, la fête des Saturnales était célébrée à Rome entre le 17 et le 24 décembre.  

La victoire contre les Sabins 

L'Intervention des Sabines, tableau de Jacques-Louis David, 1799, reproduction gravure
L'Intervention des Sabines, tableau de Jacques-Louis David, 1799, reproduction gravure
© Getty - Nastasic

Les Romains attribuaient aussi à Janus, un concours des plus miraculeux durant la guerre qui les opposait au peuple italique des Sabins, peu après la fondation de la cité par Romulus en 753 av. J.-C. 

Tandis que les Sabins s'infiltraient dans la citadelle du Capitole, le mythe raconte que le dieu aurait créé une source d’eau bouillante provoquant ainsi la fuite des assaillants. Pour rendre hommage à cette intervention divine, l'on décida de toujours laisser ouvertes les portes du temple de Janus en temps de guerre. Il pouvait ainsi aisément en sortir pour porter secours à son peuple. Quand les combats cessaient, on en refermait les portes pour garantir une paix durable.

La divinité des passages 

Arc de Janus, Rome. Contrairement à la plupart des arcs conservés de l'époque de Rome, c'est le seul arc de triomphe quadrifronnique conservé à Rome. Il a donc quatre entrées.
Arc de Janus, Rome. Contrairement à la plupart des arcs conservés de l'époque de Rome, c'est le seul arc de triomphe quadrifronnique conservé à Rome. Il a donc quatre entrées.
© Getty - Thomas Roche

Dieu des transitions, des commencements et des passages, des entrées mais également des fins et des sorties, il bénit tout ce qui les symbolise. C'est donc très naturellement qu'on retrouve Janus au-dessus des "ianua", (avec un "i", le "j" n'existant pas en latin), les portes, auxquelles son nom est étymologiquement lié. Il monte la garde devant le seuil de chaque maison, mais également devant celui des villes, dont les entrées sont marquées par de grands arcs de pierre. 

Il est ainsi désigné comme le "ianitor", à savoir le portier, le gardien des portes du ciel et de la terre. Pour cette raison, Janus dispose de deux attributs : un bâton à la main droite, et une clé à la main gauche, de quoi montrer la bonne direction à ceux qui partent et d'ouvrir à ceux qui viennent.

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Le culte de janvier  

Au VIIe siècle, dans le temple dédié à Janus sur le _Forum Holitorium (_celui des marchands de légumes), douze autels furent construits, un pour chaque mois de l'année, ce qui renforça l'importance de la divinité au sein du nouveau calendrier romain. Le calendrier archaïque étant lui constitué de dix mois à peine, l'on comprend ainsi pourquoi, aujourd'hui encore, le neuvième mois porte le nom de septembre et le onzième celui de novembre. C'est donc véritablement avec le règne de Numa Pompilus (753-673 av. J.C.) qu'ont été introduits janvier et février. Le mois dédié au dieu Janus a alors été choisi comme le début de la nouvelle année, un choix loin d'être anodin.  

Les Romains invoquaient déjà Janus aux calendes, soit durant les premiers jours de chaque mois, et même à la première heure de chaque jour. Dès lors, de la même manière que nous célébrons le  Jour de l'An, ils fêtaient sous les auspices de ce dieu solaire les calendes de janvier, tandis que les nuits commençaient à raccourcir. Car si l'on fête cette période depuis l'Antiquité c'est avant tout parce qu'elle arrive après le solstice d'hiver.  

Ainsi, le poète Martial (40 - 104) fit de Janus "l’ancêtre et le père des années".  Un rôle qui fut consolidé dès 153 avant J.C., où à Rome, les magistrats de la République, les consuls, étaient investis de leurs fonctions aux Calendes de janvier. On adressait alors des prières à Janus, et les prêtres préparaient en son honneur un mélange d’épeautre et de sel ainsi que le "ianula", le gâteau d’orge traditionnel. Et comme il était le gardien des portes du ciel, on passait par lui pour accéder aux autres dieux. Dans son texte De Agri cultura, Caton l’Ancien raconte les honneurs qui lui étaient rendus par des offrandes effectuées avant la récolte, afin que celle-ci soit fructueuse. Des offrandes que l'on renouvelait également à chaque début d'année.

Pour la placer sous de bons augures, les Romains avaient ainsi pour habitude de se livrer à tout un cérémonial lié au culte de Janus. Les portes des maisons s'ornaient de branches de laurier, une plante toujours verte, des lanternes y étaient également suspendues. Présents, embrassades, vœux et salutations étaient échangés. Enfin du miel, des dattes et des figues sèches étaient distribués pour que la période qui s'ouvrait soit des plus douces, tout comme le don de pièces de monnaie venait garantir la prospérité de chacun.

Ce sont les strenae... Soit les étrennes, dont nous avons également conservé la tradition !

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