À moins que le gouverneur du Missouri, Mike Parson, ne lui accorde sa clémence, Amber McLaughlin, 49 ans, deviendra la première femme ouvertement transgenre exécutée aux États-Unis. Condamnée pour le viol et le meurtre à l’arme blanche de son ancienne petite amie en 2003, elle devrait mourir par injection mardi 3 janvier 2023. Elle est aujourd’hui détenue dans une prison pour hommes, où elle a commencé sa transition il y a quatre ans, “après qu’une décision de justice dans une affaire distincte a permis à tous les détenus d’avoir accès à l’hormonothérapie”, relate le site d’information juridique Law & Crime.

Parvenus au bout des procédures d’appel, ses avocats font valoir que leur cliente “n’a jamais eu de chance”. Selon Law & Crime, leur demande de clémence détaille la vie de McLaughlin, “pleine d’abus et de négligences” depuis la petite enfance, autant de la part de ses parents biologiques que de ses différentes familles adoptives. Elle souffrirait également d’un “trouble de la personnalité borderline” et aurait été “diagnostiquée avec des lésions cérébrales”. Des arguments que le jury n’a jamais entendus lors de son procès et qui mériteraient, selon la défense, d’être pris en compte par le gouverneur, le seul qui peut aujourd’hui sauver Amber McLaughlin.

Une de ses amies, rencontrée en prison et elle aussi transgenre, raconte à la chaîne de télévision CBSNews avoir vu “sa personnalité s’épanouir lors de sa transition sexuelle”. Libérée en janvier 2022, Jessica Hicklin, 43 ans, a poursuivi le Missouri en 2016 pour forcer cet État très conservateur du sud des États-Unis à autoriser les détenus à avoir recours à l’hormonothérapie. “Elle a remporté le procès en 2018 et est devenue le mentor d’autres détenus transgenres, dont McLaughlin”, précise CBSNews. “Nous nous retrouvions une fois par semaine et avions ce que j’appelais une conversation entre filles”, déclare Hicklin, qui aimerait que soit donnée à son amie une seconde chance.

Amber McLaughlin, 49 ans, dans le couloir de la mort à Saint Louis, Missouri, en 2023.
Amber McLaughlin, 49 ans, dans le couloir de la mort à Saint Louis, Missouri, en 2023. HANDOUT / AFP

“2022, l’année des exécutions bâclées”

Dans un plaidoyer demandant au Missouri d’“empêcher la première exécution d’une femme transgenre dans le pays”, le quotidien national USA Today donne d’abord quelques statistiques intéressantes. Selon le Centre d’information sur la peine de mort, une organisation anti-peine capitale qui recueille des données sur la peine capitale, “les femmes sont rarement condamnées à mort aux États-Unis et les exécutions sont encore plus rares”. Ainsi, seules 50 des plus de 2 400 personnes condamnées à mort dans le pays sont des femmes.

Et si sa vie s’arrête mardi, précise le journal réputé centriste, “McLaughlin ne serait que la 18e femme exécutée dans ce pays depuis 1976”. Elle n’est toutefois pas la seule femme transgenre dans le couloir de la mort, puisqu’en octobre 2022 la Cour suprême de l’Ohio a confirmé la condamnation à mort de Victoria Drain. “Mais la demande de clémence de McLaughlin n’a pas grand-chose à voir avec son sexe”, affirme Austin Sara, éditorialiste pour USA Today. “Elle repose plutôt sur l’espoir que [le gouverneur] Parson reconnaisse les circonstances tragiques de sa vie et la façon dont elles ont façonné la personne qu’elle est devenue.

Cette clémence serait d’autant plus la bienvenue que l’année passée fut celle “des exécutions bâclées”, estimait le New York Times le 16 décembre, rappelant que “plus d’un tiers des tentatives d’exécution en 2022 ont été mal gérées”, même si le nombre total d’exécutions est resté “parmi les plus bas depuis une génération” : dix-huit – soit le plus petit nombre depuis 1991, à l’exclusion des deux années de pandémie – dans six États seulement, sur les vingt-sept où la peine capitale est légale.

“Le recul atrocement lent de la peine de mort”

Un de ces États, l’Alabama, s’est montré particulièrement cruel avec deux de ses condamnés à mort, au point que la gouverneur républicaine, Kay Ivey, a été contrainte d’adopter un moratoire sur les exécutions et une réévaluation du protocole. Mais plutôt que d’“abandonner complètement la peine de mort”, l’Alabama choisit “l’innovation technique plutôt que morale”, déplore le magazine The Atlantic. Dans son reportage, la journaliste Elizabeth Bruenig explique que cet État du Sud va expérimenter “un nouveau type d’exécution au gaz létal” qui utilise l’azote gazeux afin de “remplacer suffisamment d’oxygène pour tuer par hypoxie”. Elle conclut qu’“il faudrait une certaine audace pour être le premier État à tester un moyen d’exécution inconnu immédiatement après trois exécutions bâclées d’affilée. Mais les administrateurs de l’Alabama ne sont rien sinon audacieux.

Rappelant de son côté que “plus de la moitié des États appliquent toujours la peine de mort et qu’une poignée continue de l’appliquer régulièrement”, le Los Angeles Times plaide également contre cette disposition “injuste et irréparable”, qui “transforme les États en tueurs au nom de la vengeance contre des tueurs” et qui “tue de manière erratique, mettant certes fin à la vie de tueurs de sang-froid, mais aussi de malades mentaux et potentiellement d’innocents”. Par ailleurs, précise le LA Times, “plus de la moitié des personnes condamnées à tort sont noires”, ce qui fait de la peine capitale un outil particulièrement raciste.

Dans cet éditorial collectif, le quotidien californien se lamente que “le recul de la peine de mort [soit] atrocement lent” et fait la liste des gouverneurs qui y sont opposés (Nevada, Oregon) mais qui attendent trop souvent la fin de leur mandat pour la suspendre dans leur État, de peur des retombées politiques. Car la peine de mort, c’est un fait, reste populaire aux États-Unis : un sondage Gallup d’octobre a révélé que 55 % des Américains soutenaient la peine de mort pour les personnes reconnues coupables de meurtre.