PollutionNos déchets plastiques vont nous survivre durant des millénaires sur Terre

Même si on arrêtait d’en produire aujourd’hui, les plastiques mettraient des millénaires à être digérés par la Terre

PollutionUne étude menée par des scientifiques toulousains montre pour la première fois le cycle complet de vie des plastiques et microplastiques, que ce soit dans l’air, sous terre ou dans les océans, et leurs conséquences à long terme sur les écosystèmes
Une étude vient de montrer le cycle global des plastiques et microplastiques dans l'environnement.
Une étude vient de montrer le cycle global des plastiques et microplastiques dans l'environnement. - P. Malczyk / Canva
Béatrice Colin

Béatrice Colin

L'essentiel

  • Une étude réalisée par des scientifiques toulousains montre à l’échelle globale où, et à quelle hauteur, sont stockées les pollutions plastiques sur Terre.
  • Si on a beaucoup parlé de la pollution des océans, celle des sous-sols est plus importante et souvent mal gérée ces dernières années.
  • Grâce à des calculs, cette étude montre que même si on arrêtait la production de plastique dans deux ans, la pollution se poursuivra durant des millénaires.

«Le plastique, c’est fantastique »… Sauf pour notre bonne vieille planète. Pratique, résistant, aux propriétés multiples, cette matière fait partie de notre quotidien depuis des décennies. Mais depuis quelques années, diverses études scientifiques ont démonté leur nocivité pour les écosystèmes. Que ce soit pour les océans à travers le fameux continent « plastique » qui, images à l’appui, a marqué les esprits. Ou encore des microplastiques retrouvés récemment jusque dans l’air pur des Pyrénées.

Mais aucune étude globale n’avait encore scruté le cycle de vie de cette matière à un niveau global, que ce soit dans l’air, sur et sous-terre ou encore dans les abysses de l’océan. Ni de ce qu’il est advenu des 9,2 milliards de tonnes de plastiques produits entre 1950 et 2017, soit une tonne par personne vivant actuellement sur Terre, et dont on sait que moins de 10 % ont été recyclés.



Une équipe de scientifiques toulousains s’est donc attelée à la tâche. Et les conclusions que tirent ces membres du Laboratoire d’écologie fonctionnelle et environnement et du Laboratoire Géosciences et environnement sont loin d’être encourageantes.

Des millénaires pour « digérer » les microplastiques

« Notre étude montre que, même si nous arrêtons d’en produire en 2025, ils vont continuer à se disperser dans l’environnement, notamment à partir des sols. Et ils vont mettre des décennies pour s’éliminer de manière visible des systèmes terrestres, et des centaines, voire des milliers d’années pour que les abysses océaniques intègrent et digèrent ces plastiques », explique Gaël Le Roux, directeur de recherche au CNRS et coauteur de l’étude paru dans la revue spécialisée Microplastics and Nonaplastics.


Prévision de dispersion des plastiques dans les sols, les océans et l'atmosphère entre 1950 et l'an 20.000 si la  production et les rejets s'arrêtaient en 2025.
Prévision de dispersion des plastiques dans les sols, les océans et l'atmosphère entre 1950 et l'an 20.000 si la production et les rejets s'arrêtaient en 2025. - CNRS

Pour y parvenir, ils ont compulsé toutes les données existantes sur la présence de ces plastiques, sous toutes leurs formes, du gros plastique au nanoplastique, dans les zones urbaines, la campagne, les zones éloignées de pollution évidentes, les océans profonds ou les océans de surface, mais aussi dans l’atmosphère. Ils ont ensuite estimé les stocks et les réservoirs dans ces différentes zones, en prenant en compte les phénomènes progressifs et lents de dégradations de cette matière polluante. Et ils ont fait tourner leurs modèles mathématiques.

La problématique des sols

On s’aperçoit ainsi qu’en 2015, selon leurs calculs, il y avait 3.500 millions de tonnes de déchets plastiques « stockés » dans le sol, nettement plus que dans les abysses qui en dénombrent 82 millions de tonnes, les plages (1,8 million) ou encore la surface des Océans (0,3 million).


Schéma du cycle de vie des plastiques et microplastiques entre terre, air et mer.
Schéma du cycle de vie des plastiques et microplastiques entre terre, air et mer. - CNRS

Si les pouvoirs publics ont décidé d’agir sur partie visible du problème en prenant des décisions notamment en matière de sachets plastiques ou d’emballages ménagers, la difficulté aujourd’hui se trouve à l’échelle microscopique. « Or, dans les sols ils mettent très longtemps à s’éliminer parce qu’il faut qu’il y ait de l’érosion, qu’ils soient transportés dans les rivières, puis à l’océan qui prend du temps pour le "digérer", et les faire plonger dans les abysses. Et en plus, une partie des plastiques présents dans l’océan sont réémis dans l’atmosphère, donc on a un véritable cycle qui prend du temps à s’amenuiser », poursuit Gaël Le Roux.

S’il y a des signes de prise de conscience, il faudra aller beaucoup plus loin que la simple interdiction des emballages plastiques en France. D’autant que la tendance ces dernières années allait déjà dans ce sens-là puisque au cours des vingt dernières années, la planète a produit plus de plastique que durant les cinquante années précédentes.

« Dans les préconisations simples qui pourraient être prises, il y a celle de ne plus intégrer dans les sols des plastiques ou des déchets sans être certains qu’ils ne comportent plus de micropolluants. Il y a pas mal de process, comme les boues d’épuration, qui ont tendance à être utilisées dans les sols agricoles et pour lesquels on a aucune visibilité. Il faut aussi que l’on puisse estimer d’où viennent les sources de pollution et de quels types de plastiques il s’agit : de polypropylène, de polyéthylène ou des mélanges de polymères », conclut le scientifique toulousain. Pour lui, ces questions pourront faire l’objet d’une nouvelle étude.

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