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De sa prison, une militante iranienne dénonce dans une lettre torture et aveux forcés

« Il a crié pendant plusieurs heures, peut-être même toute une journée ou plus, j’ai perdu la notion du temps », écrit notamment Sepideh Gholian à propos d'un homme torturé et flagellé.

Une jeune femme aux cheveux bruns, portant un foulard jaune au cou, regarde à gauche.

La militante iranienne Sepideh Gholian a été condamnée à cinq ans de prison en 2018 pour avoir soutenu un mouvement de grève.

Photo : Sepideh Gholian/Twitter

Dans une lettre clandestine envoyée de la prison d’Evin, près de Téhéran, une militante iranienne décrit comment les autorités ont recours à la torture pour obtenir des aveux forcés.

Sepideh Gholian a été arrêtée fin 2018 et condamnée à cinq ans de prison pour avoir soutenu un mouvement de grève d’employés d’une usine de sucre de l’ouest de l’Iran qui protestaient contre le non-versement de leurs salaires.

Dans sa lettre, dont la BBC et Iran International, une chaîne de télévision en persan basée à Londres, ont obtenu copie, la militante, qui a entamé des études en droit depuis son incarcération, raconte avoir subi avec d’autres détenus des interrogatoires musclés assimilés à des séances de torture.

Selon elle, l’une des ailes de la prison, généralement utilisée pour les études, a été transformée en un centre de torture et d’interrogatoires brutaux. La salle d’examen est remplie de jeunes hommes et femmes, et des cris résonnent, écrit-elle.

Une femme portant une fausse potence fait le signe de la victoire.

Des personnes manifestent contre le régime iranien à Londres.

Photo : AFP / JUSTIN TALLIS

Elle décrit aussi une scène, qui s’est déroulée le 28 décembre dernier, au cours de laquelle un jeune homme, les yeux bandés, a été soumis à un interrogatoire et contraint à faire des aveux sous la torture.

Il faisait très froid ce jour-là, il neigeait dehors, [...] le jeune homme ne portait qu’un t-shirt gris. Assis face à son interrogateur, il tremblait et jurait n'avoir jamais battu de [policiers], mais l’interrogateur insistait pour une confession.

Une citation de Sepideh Gholian, militante iranienne

Des tyrans!

Sepideh Gholian, qui affirme avoir vu cette scène alors qu’une gardienne l’emmenait vers la salle d’examen, s’était alors écriée : Ne fais pas de faux aveux, [...] ce sont des tyrans!

Mais la gardienne a vite couvert ma bouche avec ses mains, me traînant au loin, écrit-elle encore dans sa lettre.

La militante a été arrêtée avant le déclenchement du mouvement de contestation qui secoue depuis septembre dernier la République islamique, après la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini, décédée alors qu’elle était en détention pour avoir enfreint le strict code vestimentaire imposé aux femmes dans le pays.

Les autorités sont accusées de mener une répression sanglante contre les manifestants dans le but d’étouffer le mouvement de contestation. Au moins 458 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations, selon un bilan établi par l'ONG Iran Human Rights (IHR), et au moins 14 000 autres ont été arrêtées, d’après l’ONU.

Des manifestants courent dans une rue de Téhéran.

Des manifestants courent dans une rue de Téhéran. (Archives)

Photo : AP

Des groupes pour la défense des droits de la personne accusent par ailleurs Téhéran d’utiliser la peine de mort comme tactique d’intimidation : au total, 17 personnes ont été condamnées à la peine capitale en lien avec les manifestations en Iran, selon un décompte de l’AFP. Parmi elles, quatre ont été exécutées et deux ont vu leur peine confirmée par la Cour suprême. Les autres attendent de nouveaux procès ou peuvent faire appel.

Au moins 109 manifestants actuellement en détention font face à des accusations passibles de la peine de mort, selon IHR, basée à Oslo.

Privée de sommeil

Dans sa lettre, Sepideh Gholian évoque avoir elle-même été forcée de faire de faux aveux en 2018, peu après son arrestation. Elle affirme avoir été interrogée pendant des heures, les yeux bandés, par une femme qui l’a insultée et accusée d’avoir eu des relations sexuelles hors mariage, un crime passible d’une sentence particulièrement lourde en Iran.

Une manifestation contre le régime iranien en France.

Un peu partout dans le monde, comme en France, des manifestants ont dénoncé la répression du régime iranien.

Photo : Getty Images / AFP / Jean-Philippe Ksiazek

Mme Gholian a ensuite été enfermée pendant des heures dans des toilettes qui se trouvaient dans une autre salle d’interrogatoire, où elle pouvait entendre les cris d’un homme torturé et flagellé.

Il a crié pendant plusieurs heures, peut-être même toute une journée ou plus, j’ai perdu la notion du temps.

Une citation de Sepideh Gholian, militante iranienne

Elle n’a été autorisée à sortir des toilettes qu’après trois jours d’interrogatoire consécutifs où elle a été privée de sommeil. Elle s’est retrouvée dans une salle face à une caméra. J’étais semi-consciente, j’ai pris la confession écrite sur la table et je l’ai lue devant la caméra.

La militante termine sa lettre en qualifiant les manifestations en cours de révolution.

Après quatre ans de détention, je peux enfin entendre les pas de la libération dans tout l’Iran. [...] Le cri de "Femme, vie, liberté" − le slogan de la contestation iranienne − transperce les murs épais de la prison d’Evin.

Une citation de Sepideh Gholian, militante iranienne

Aujourd’hui, les cris entendus dans les rues de Marivan, d’Izeh, de Racht, du Sistan-Baloutchistan et du reste de l’Iran sont plus forts que les cris des salles d’interrogatoire. Ce sont les cris de la révolution, conclut-elle.

Avec les informations de Agence France-Presse

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