INTERNATIONAL - Huit inspecteurs de l'Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et leurs cinq accompagnateurs ukrainiens sont retenus depuis vendredi par des séparatistes pro-russes à Slaviansk, à l'est de l'Ukraine.
Accusées d'être des "espions de l'Otan", les observateurs ne seront libérés qu'en échange de "nos propres prisonniers", ont fait savoir samedi 26 avril les séparatistes de cette ville en état de siège depuis un assaut bref et meurtrier lancé par des blindés ukrainiens.
Au cours d'une conversation téléphonique avec son homologue russe, John Kerry a "exprimé son inquiétude concernant les mouvements de troupes russes provocateurs à la frontière ukrainienne, le soutien de la Russie aux séparatistes et sa rhétorique incendiaire qui sapent la stabilité, la sécurité et l'unité de l'Ukraine", selon un communiqué du département d'Etat.
Kerry a également demandé le "soutien sans conditions" de Moscou aux efforts de l'OSCE et du gouvernement ukrainien pour libérer les 13 observateurs de l'organisation "qui sont retenus en otage par des séparatistes pro-russes à Slavyansk", dans l'est de l'Ukraine.
"Espions de l'Otan"
"Hier nous avons arrêté des espions de l'Otan", a lancé Denis Pouchiline, l'un des leaders des séparatistes au passé trouble. "Ils ne seront pas remis en liberté. Ils seront échangés contre nos propres prisonniers. Je ne vois pas d'autre solution", a-t-il ajouté devant le siège des services de sécurité (SBU) à Slaviansk. Les barricades ont été renforcées devant le bâtiment samedi matin. Trois blindés étaient garés à proximité.
En mars dernier, envoyés en Crimée quand des séparatistes pro-russes appuyés par la Russie avaient saisi des bâtiments officiels, des observateurs de l'OSCE avaient été plusieurs fois bloqués au moment d'entrer dans la péninsule ukrainienne.
Les séparatistes ont montré à une chaîne de télévision russe les badges et cartes des observateurs de l'OSCE. Parmi eux se trouvent quatre Allemands, un Tchèque, un Danois, un Polonais et un Suédois.
Samedi en fin de matinée, la Russie a indiqué qu'elle "fera tout ce qui est en son pouvoir pour aider à obtenir la libération des observateurs de l'OSCE". "Nous pensons que ces personnes doivent être relâchées dès que possible", a dit Andreï Kelin, représentant russe auprès de l'organisation internationale, à l'agence officielle russe RIA Novosti. "Nous ne savons pas ce qu'il leur est arrivé ni où ils se trouvent actuellement. Mais, comme les autres membres de l'OSCE, nous sommes très préoccupés par cet événement", a-t-il ajouté.
Le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk, en visite à Rome pour assister dimanche à la canonisation de Jean XXIII et Jean Paul II, a quant à lui décidé d'écourter son voyage "en raison de la situation", a annoncé à l'AFP son porte-parole. Le pape François a par ailleurs assuré samedi le Premier ministre qu'il ferait "tout son possible" pour la paix en Ukraine.
"Blocus" à Slaviansk
Le gouvernement ukrainien a indiqué vendredi avoir mis en place "un blocus" de Slaviansk, tandis que les insurgés ont juré de défendre la ville. "L'opération anti-terroriste est en cours mais notre préoccupation principale est d'éviter de faire des victimes", a déclaré à la presse le vice-ministre des affaires étrangères ukrainien Danylo Lubkivsky. "Nous protégerons notre population des dangers et des provocations des séparatistes pro-russes mais de manière civilisée, en évitant tout bain de sang".
La Russie a de son côté appelé les autorités de Kiev à cesser "toute action militaire" dans l'Est de l'Ukraine. "Cela aboutirait à un début de désescalade" poursuit le ministère, qui ajoute que la Russie soutient toujours la "pleine mise en œuvre" de l'accord de Genève, qui prévoit notamment le désarmement des groupes armés illégaux et l'évacuation des bâtiments occupés dans les villes ukrainiennes, dans la capitale comme dans l'Est.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a, pour sa part, souligné vendredi, lors d'un entretien téléphonique avec son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier, "le rôle important de l'OSCE dans le dialogue entre les autorités de Kiev" et les insurgés.
Violation de l'espace aérien... démentie
Tandis que les autorités ukrainiennes exigent le retrait des troupes russes massées près de la frontière ukrainienne, un porte-parole du Pentagone a affirmé vendredi que des avions russes ont violé l'espace aérien de l'Ukraine "à plusieurs reprises" au cours des dernières 24 heures.
Ces manoeuvres sont réalisées "dans le seul but de pousser l'Ukraine à déclencher une guerre", a affirmé samedi à Rome le Premier ministre ukrainien. Quelques minutes plus tard, la Russie a nié officiellement avoir violé l'espace aérien ukrainien.
Moscou, qui a brandi cette semaine la menace d'une intervention militaire en Ukraine pour défendre ses intérêts et ceux de la population d'origine russe, a lancé des manœuvres impliquant notamment son aviation le long de la frontière ukrainienne. Pour le moment, la Russie nie cependant avoir des militaires ou des agents en territoire ukrainien.
Les autorités ukrainiennes pro-occidentales affirment que la Russie prépare une invasion ou veut du moins déstabiliser la situation politique avant la présidentielle anticipée du 25 mai.
Les dirigeants américain Barack Obama, français François Hollande, allemand Angela Merkel, britannique David Cameron et italien Matteo Renzi, ont "évoqué" de nouvelles sanctions contre Moscou face à la situation en Ukraine, des mesures que Washington pourrait prendre dès lundi, selon un responsable américain.