Cholestérol, malaria, dents gâtées : en Égypte antique, pharaons comme paysans n’échappaient pas à la maladie

L’étude des momies des pharaons comme celle des classes populaires permet de préciser les conditions de vie en Égypte antique.

De Manon Meyer-Hilfiger, National Geographic
Publication 23 nov. 2022, 09:45 CET
La momie du pharaon Toutankhamon.

La momie du pharaon Toutankhamon.

 

PHOTOGRAPHIE DE KENNETH GARRETT, NATIONAL GEOGRAPHIC

Sous les bandelettes des momies : des informations à rebours de nos clichés sur l'Égypte au temps des pharaons. Les habitants d’alors, paysans ou bien notables, étaient malmenées par la vie. Quand les rois et les reines mouraient d’un excès de cholestérol et souffraient d’une  dentition déplorable, les autres, riches comme pauvres, enduraient famines et vers parasitaires. Des informations que l’on doit en grande partie à l’étude rigoureuse des momies. La santé des Égyptiens d’alors est ainsi mieux connue que celle d’aucune autre population de l’Antiquité. Damien Agut-Labordère, égyptologue, chargé de recherche au CNRS, et auteur du livre L'Égypte des pharaons : de Narmer à Dioclétien : 3150 av. J.-C.-284 apr. J.-C., paru aux éditions Belin, fait le point sur le sujet.

 

Damien Agut-Labordère, égyptologue, chargé de recherche au CNRS, et auteur du livre L'Égypte des pharaons : de Narmer à Dioclétien : 3150 av. J.-C.-284 apr. J.-C. paru aux éditions Belin.

PHOTOGRAPHIE DE Damien Agut-Labordère

Au 19e siècle, les momies égyptiennes servaient de divertissement à la bourgeoisie lors de fêtes où elles étaient déballées. À quel moment a-t-on développé un intérêt scientifique envers ces reliques ?

Il y a toujours eu une volonté sans les moyens. Avec l’apparition de la radiographie, à la fin du 19e siècle, l’intérêt scientifique envers les momies trouve son outil. C’est l’archéologue britannique William Matthew Flinders Petrie qui va être l’un des premiers à passer ces corps aux rayons X, au début du 20siècle.

En 1970, la recherche passe un nouveau cap quand Peter H. K. Gray procède à une étude en série sur 133 momies venues de musées anglais et néerlandais. Sa grande conclusion ? Près d’un tiers de ces personnes momifiées semblent avoir souffert de la faim. Leurs squelettes présentent des stries d’arrêt de croissance, ce qui signifie soit une maladie grave, soit un épisode de sous-alimentation. C’est assez étonnant, puisque tous ces individus, sans être des pharaons, appartenaient tout de même à l’élite de l’Égypte antique. Cela laisse supposer des conditions de vie bien plus difficile que ce que l’on pensait.

Les momies des pharaons ont également été scrutées. Qu’apprend-on sur leur santé ?

Nombre d’entre eux furent victimes de pathologies liées au gras, un fait directement lié à leur classe ultra-privilégiée. Ainsi, la reine Hatchepsout était obèse et avait peut-être du diabète.

Les études de sa momie suggèrent qu’elle souffrait d’un cancer du foie et qu’elle mourut vers l’âge de 50 ans. Amenhotep III, lui aussi, était obèse. La reine Ahmosé Méritamon avait les artères coronaires bouchées : le cholestérol sévissait déjà il y a 3 500 ans... L’élite de l’Égypte antique semblait être particulièrement friande de viandes grasses. Les bœufs, les oies, mais aussi les hyènes étaient ainsi gavées pour ces privilégiés. Cette habitude pourrait expliquer une partie des problèmes artériels observés sur certaines momies. Les pharaons n’étaient pas non plus protégés d’autres maladies : Toutankhamon contracta la malaria, Ramsès V souffrit de la vérole... Toutes ces connaissances proviennent de l’analyse de corps bien conservés grâce
à la momification. Ainsi, aucune population de l’Antiquité ne nous est mieux connue que celle des anciens Égyptiens.

Leur alimentation causait aussi de sérieux problèmes de dentitions. Pourquoi ?

Le blé était moulu sur des meules rudimentaires et les paysans comme les rois et reines d’Égypte mangeaient du pain fait de farine grossière, qui limait leurs dents. Leurs pulpes dentaires étaient à vifs, ce qui laisse deviner des souffrances quotidiennes. Il manquait ainsi à Amenhotep III de nombreuses dents – et celles qui demeuraient étaient en piteux état. Hatchepsout, elle aussi, présentait une dentition déplorable.

D’ailleurs, les papyrus médicaux listaient régulièrement des remèdes contre le mal de dents.

 

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    Reproduction du papyrus médical, dit "Papyrus Ebers".

    PHOTOGRAPHIE DE Wellcome Library, London, CC BY 4.0

    La momification a souvent été pensée comme un traitement de faveur réservé à l’élite. Ce n’est pourtant pas le cas : c’est ainsi que nous en savons plus sur la santé de la population générale.

    Cela dépend en fait des époques, même si nous manquons d’une histoire globale de la momification. Le processus semble être destiné uniquement à l’élite au 3e et 2e millénaires avant notre ère, mais il se démocratise à partir du 1er millénaire avant notre ère. Dans les années 1970, les fouilles de la nécropole de Douch (située dans l’oasis de Kharga, dans le désert Occidental égyptien) révélèrent une centaine de momies d’époque romaine. Ces hommes, ces femmes et ces enfants appartenaient à toutes les classes de la population. Leurs momies permettent d’en savoir un peu plus sur la santé des Égyptiens.

    Deux tiers d’entre eux présentaient des stries d’arrêts de croissance, c’est-à-dire qu’ils ont connu un épisode de famine ou bien une grave maladie qui a les a empêché de grandir. Cela explique en partie les tailles moyennes des humains de l’époque ; 1,65 m pour les hommes et 1,55 m pour les femmes. Plus de 80 % d’entre eux montre aussi des signes de scoliose, à cause notamment de la pénibilité du travail agricole.

    Autre enseignement de l’analyse de ces momies : les vers parasitaires frappaient riches et pauvres sans distinction.

    Oui, nous le savons puisque des œufs de vers ont été découverts dans le foie ou les reins des momies. 75 % des populations étudiées souffraient de bilharziose, cette maladie causée par un parasite qui prospère dans l’eau. Riches comme pauvres, nombreux sont ceux qui devinrent les hôtes involontaires de ce ver.

    À l’époque, 80 % de la population travaille la terre, y compris les notables des villages et des petites villes. Cela suppose donc un contact avec l’eau dans les canaux d’irrigation ou bien les champs inondés. La femelle du ver s’installe alors dans les muqueuses et pond quotidiennement des centaines d’oeufs. De quoi épuiser la victime. Cela a notamment contribué à faire baisser l’espérance de vie des anciens Égyptiens. S’il y avait des exceptions chez les pharaons grâce à leurs conditions de vie privilégiées – on prête à Pépi II 94 ans de règne – la plupart des habitants d’Égypte antique mouraient vers 40 ans.

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