Des microbilles de plastique s'échouent sur nos plages : "C'est une pollution irréversible"

Du Finistère à la Vendée, des granulés de plastique sont retrouvés sur les plages depuis décembre 2022. Si l'État a récemment porté plainte, le phénomène n'a rien de nouveau.

Une collecte des granulés plastique qui polluent les plages est organisée par Surfrider foundation à Tréguennec.
Une collecte des granulés plastique qui polluent les plages est organisée par Surfrider foundation à Tréguennec. (©Surfrider foundation.)
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On les nomme les « larmes de sirènes » mais pourtant, elles n’ont rien de poétique. Finistère, Vendée, Loire-Atlantique… Depuis décembre, des granulés plastiques industriels (GPI) s’échouent sur nos plages du littoral atlantique et polluent notre environnement.

Ce mardi 24 janvier, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, a annoncé que l’Etat avait signé un dépôt de plainte contre les responsables de cette catastrophe environnementale. Une annonce qui seconde celle de plusieurs élus locaux qui ont, eux aussi, porté plainte contre X, comme les maires de Pornic (Loire-Atlantique) et des Sables d’Olonne (Vendée).

Camille Miansoni, procureur de la République de Brest, a fait savoir que l’ouverture d’une enquête unique était « imminente ». « J’attends que les parquets qui ont déjà reçu les plaintes se dessaisissent à mon profit pour que je puisse lancer les investigations », a-t-elle ajouté.

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Qu’est-ce que c’est exactement ?

Les microbilles de plastique, appelés aussi pellets ou larmes de sirène, sont de petites sphères servant de matière première pour fabriquer la quasi-totalité des objets en plastique. 

Du fait de leurs petites tailles (moins de 5 mm), les pellets sont souvent perdus au cours de la chaîne de production du plastique (transport, recyclage…).

On les retrouve sur nos plages à la suite du déversement accidentel d’un conteneur en mer ou à cause d’un accident sur un site industriel. Par exemple, après une erreur de manutention sur un site, les billes se retrouvent par terre et, avec de fortes pluies, elles vont être entraînées dans un fleuve… puis finissent dans la mer. 

« Une pollution chronique »

Mais pourquoi font-elles l’actualité ces derniers jours ? L’annonce du ministre Christophe Béchu a mis à l’ordre du jour un sujet environnemental commun, selon Nicolas Tamic, adjoint au directeur du Centre de Documentation, de Recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des Eaux (Cedre), une organisation en charge du suivi des produits polluants sur l’ensemble du littoral français. « C’est en 1970 que ce type de polluant a été constaté », fait-il savoir.

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C'est une pollution chronique. Il y en a sur les plages en permanence. On peut avoir des vagues de ce genre de phénomène plus souvent en hiver car il y a plus de tempêtes. En été, on le voit moins car les services municipaux nettoient les plages.

Nicolas TamicAdjoint au directeur du Cedre

230 000 tonnes déversées tous les ans au minimum

Les chiffres confirment qu’il ne s’agit pas d’un épiphénomène. Sur l’ensemble du littoral français, le Cedre estime qu’il y a 1121 granulés de plastiques industriels par cent mètres de plage en moyenne.

Selon un rapport de l’Union européenne publié en 2018, 160 000 tonnes se retrouvent dans l’environnement chaque année en Europe. 

Au niveau mondial, ce chiffre s’élève à plus de 230 000 tonnes, selon les chiffres de l’organisation de conservation marine Plastic Soup Foundation. Un chiffre qui serait sous-estimé selon l’association, notamment à cause de l’absence de données de plusieurs pays, notamment la Chine.

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Combien de microbilles de plastique ont-été retrouvées sur les plages ?

Difficile de qualifier l’ampleur du phénomène qui se déroule actuellement. La semaine dernière, des équipes du Cedre se sont rendues sur les plages des Sables-d’Olonne, de Pornic et quatre autres, au lendemain des faits. « Quand on est arrivé, il n’y avait plus rien », confie Nicolas Tamic. Du fait de la volatilité des microbilles, elles étaient déjà reparties en mer.

Surfrider émet le même constat : « L’opération a été menée ce week-end, mais c’était après-coup. Il aurait fallu faire une collecte le jour-même. Là, ça aurait permis de donner des chiffres fiables », nous explique Lionel Cheylus, porte-parole de l’ONG qui s’engage pour la protection des océans.

Ce week-end, 90 bénévoles de Surfrider se sont réunis à Tréguennec (Finistère) et ont ramassé 60 000 pellets. Du côté de Pornic, seules 5 000 microbilles ont été retrouvées. « Ce n’est rien« , rappelle le porte-parole de Surfrider, qui justifie ces actions de sensibilisation pour « tirer la sonnette d’alarme », et non pas pour quantifier le phénomène.

L'ONG Surfrider fondation se mobilise le 21 janvier pour interpeller les industriels.
L’ONG Surfrider fondation s’est mobilisée le 21 janvier pour interpeller les industriels. (©Surfirder Fondation.)

Conteneurs perdus

« Il se pourrait très bien qu’un ou plusieurs conteneurs (…) aient été perdus en Atlantique Nord et déversent leurs cargaisons sur les plages adjacentes, ou encore du relargage d’un conteneur déjà perdu il y a un certain temps », explique Cristina Barreau, chargée de l’étude des microplastiques chez Surfrider. 

Mais cette piste n’est qu’une « supposition » comme le rappelle Lionel Cheylus.

Il s'agit d'une pollution massive de pellets de même forme, de même taille et dans une quantité importante. On peut imaginer qu'ils ont été emmenés par la mer du fait de leur volatilité. Cela ressemble à une cargaison perdue. Cela pourrait être un accident industriel, mais c'est moins plausible.

Lionel CheylusPorte-parole de Surfrider

Ce dernier précise qu’une enquête a été diligentée afin d’identifier des responsables.

Quel impact sur l’environnement ?

Surfrider dénonce « une pollution irréversible » : « Ces pellets sont dans l’eau, ils vont asphyxier l’océan, des animaux marins peuvent les ingérer, nous mangeons nous-même du poisson… C’est un fléau mondial », argue le porte-parole de l’ONG.

Pour l’adjoint au directeur du Cedre, ces vagues de pollution pourraient également avoir un impact sur l’habitat marin et côtier. « En se mêlant au sable, les granulés de plastique pourraient aérer le sable et ainsi le refroidir, ce qui pourrait porter atteinte aux animaux qui pondent dans ces zones », explique Nicolas Tamic, tout en rappelant que cette thèse n’a pas été scientifiquement constatée.

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En France, depuis le 1er janvier 2022, dans le cadre de la loi Agec, il y a une obligation pour tous les sites industriels qui utilisent ces granulés de mettre en place des dispositifs de séparation.

Mais la pollution des eaux ne s’arrête pas aux frontières françaises. Face à l’ampleur du phénomène, Surfrider sonne l’Union européenne de réagir, notamment de réviser les textes sur le transport maritime en incluant des sanctions en cas de naufrage ou de perte de conteneurs.

Des billes de plastique sur la plage de la Noëveillard, lundi 16 janvier 2023, à Pornic.
Des billes de plastique sur la plage de la Noëveillard, lundi 16 janvier 2023, à Pornic. (©Hervé PINSON)

Que faut-il faire si l’on en trouve ? 

D’un diamètre de moins de 5 mm, ces billes sont difficilement repérables. Si vous vous baladez sur une plage du littoral atlantique et que vous souhaitez lancer une clean walk (une marche où l’on ramasse des déchets), il y a quelques bons gestes à adopter.

Il ne faut ramasser que le pellet et pas « le sable dans lequel il évolue » pour ne pas perturber l’écosystème, conseille l’adjoint au directeur du CEDRE.

Mais l’opération est assez pénible. Nicolas Tamic conseille de laisser les services municipaux s’en charger : « Ils ont des souffleuses qui permettent un ramassage plus sélectif« , explique-t-il.

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    Il est également déconseillé de les mettre dans une poubelle, au risque de voir les pellets repartir en mer puisqu’ils ne seront pas identifiés correctement dans les centres de retraitements normaux et donc ne seront pas correctement manipulés. « Il faut traiter les déchets et se rapprocher des bonnes filières de retraitement », préconise le porte-parole du Cedre.

    Y en aura-t-il d’autres à venir ?

    De son côté, Lionel Cheylus est plus pessimiste : « Il ne faut pas s’imaginer que l’on va dépolluer en ramassant les pellets. La pollution est tellement gigantesque, c’est trop tard. »

    Malheureusement, cela pourrait bien perdurer : « dès lors que la mer se retire, elle transporte les microbilles de plastique du fait de leur volatilité », analyse Nicolas Tamic, adjoint au directeur du Cedre. Il nous explique qu’il pourrait y avoir une prochaine vague. Difficile de miser sur un lieu : « Cela dépendra des courants marins« , conclut-il.

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