La nouvelle vie des handballeuses afghanes réfugiées en France

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La nouvelle vie des handballeuses afghanes réfugiées en France

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Nayra, une des joueuses de l’équipe nationale de handball d’Afghanistan, est arrivée en France avec son mari fin décembre 2022
Nayra, une des joueuses de l’équipe nationale de handball d’Afghanistan, est arrivée en France avec son mari fin décembre 2022
© Radio France - Hajera Mohammad

Interdites de pratiquer leur discipline dans leur pays, depuis le retour des talibans au pouvoir en août 2021, les joueuses de l’équipe féminine afghane de handball ont réussi à rejoindre la France où elles espèrent pouvoir commencer une nouvelle vie et rejouer.

Elles sont arrivées fin décembre en France, après avoir séjourné pendant plusieurs mois au Pakistan ou en Iran. Six joueuses de l’équipe féminine de handball d’Afghanistan ont réussi à fuir leur pays où les femmes n’ont plus le droit d’exercer un sport. Elles sont hébergées depuis dans plusieurs villes de France : Rennes, Malakoff, Montreuil ou encore Tremblay-en-France en Seine-Saint-Denis. Il y a quelques jours, la mairie de cette commune a invité ces femmes à assister à l’entraînement de son équipe masculine de hand. C’est à cette occasion que nous avons pu nous entretenir avec l’une de ces joueuses.

"Cela m'a tellement manqué"

Elles a les yeux rivés sur les joueurs qui s’entraînent devant nous. Le bruit du ballon qui rebondit, celui des semelles qui grincent sur le sol, les coups de sifflet… Ça fait un an et demi que Nayra est privée de ces instants, alors elle en profite. "C’est une sensation que je ne peux pas expliquer. Après un si long moment… Ça m’a tellement manqué ! Je croyais que ce ne serait plus possible de me retrouver dans un endroit comme ça et d’assister à un entraînement d’hommes, mais aujourd’hui ça devient réel et je suis très heureuse."

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Nayra, 28 ans, avait rejoint l’équipe nationale de handball en 2020, mais sa carrière a été stoppée net avec le retour des talibans au pouvoir un an plus tard. "Deux mois avant leur arrivée, on avait déjà reçu des menaces nous disant d’arrêter les entraînements et d’arrêter le sport, mais on pas continué. Et puis quand ils sont revenus, là, c’est vraiment devenu très dangereux pour nous donc on a arrêté."

Impossible de jouer au hand, impossible de pratiquer son métier de dentiste. Nayra fuit sa ville d’Herat avec son mari, coach de rugby de l’équipe universitaire de Kaboul. Ses coéquipières font de même. Après un passage au Pakistan puis en Iran - "où l'on a été très mal accueillis" insiste Nayra -  le couple parvient à rejoindre la France avec le soutien de la Fédération française de handball.

"Négation du corps féminin"

C’est la Fédération afghane, inquiète pour ses joueuses, qui avait pris contact avec la FFH pour lui demander de l’aide. Cette dernière se mobilise, avec l’aide du ministère des Sports et de l’ancienne ministre des Sports et de la Jeunesse, Marie-George Buffet. "Dans l’un des premiers discours d’un des chefs talibans, l’interdiction de la pratique sportive était signifiée aux femmes et ça n’a pas cessé de se durcir. Au début, elles pouvaient continuer à condition d’être isolées dans une pièce fermée mais récemment, ils ont interdit toute pratique même entre femmes", rappelle l’ancienne ministre. "C’est la négation du corps féminin !" insiste-t-elle tout en rappelant qu’aujourd’hui d’autres sportives sont soumises à cette interdiction et n’ont pas les moyens de quitter leur pays.

Les handballeuses afghanes qui ont rejoint la France, elles, ont été hébergées dans un premier temps à la Maison du handball à Créteil avant d’être logées à Stains (Seine-Saint-Denis) grâce à la mairie qui a mis des logements à leur disposition. D’autres villes prennent le relais début janvier, comme Tremblay-en-France qui accueille une joueuse et son conjoint. "Il est de notre devoir d’être solidaires de ces femmes de faire en sorte qu’elles obtiennent très vite le statut de réfugiées politiques", insiste le maire François Asensi (PCF). L’élu rappelle que ces femmes "sont toutes diplômées, elles ont un métier, l’une est dentiste, les maris sont ingénieurs donc c’est une plus-value aussi pour la France d’accueillir ces profils-là."

Longues procédures

Nayra et son mari, eux, sont installés dans la ville voisine de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) où la maire les accompagne personnellement dans leurs démarches pour demander le droit d’asile. Des procédures un peu trop longues, juge Charlotte Blandiot-Faride (PCF). "Ce qui est important c’est l’obtention de ce droit d’asile qui pourra leur permettre d’obtenir les droits pour travailler car il y a une vraie envie de s’intégrer chez eux, ils ont déjà commencé les cours de français. Moi je souhaite que l’État français soit à la hauteur. On connaît l’enfer qu’ils ont vécu en Afghanistan, donc accélérons les démarches !"

Nayra, elle, apprécie sa nouvelle vie à Mitry-Mory. Et pourquoi ne pas rejoindre le club local de hand et sa section féminine ? "Oui, évidemment, le hand me manque et j’adore ça ! Mais d’un autre côté je suis tellement triste et bouleversée en pensant à mes cousines et mes amies qui n’ont pas eu la chance de partir pour vivre dans un pays où il y a ce droit à la liberté. Je suis en France mais j’y pense toujours". Une pensée pour son pays qu’elle ne reverra pas, Nayra le sait, tant que les talibans seront au pouvoir.

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