Pénurie de médicaments : les médecins européens tirent la sonnette d’alarme

80 à 85% des principes actifs utilisés pour produire des médicaments en Europe sont importés de Chine et d’Inde. [Lester Balajadia/Shutterstock]

Les pays de l’UE font face à des tensions d’approvisionnement de certains médicaments depuis plusieurs mois, ce qui provoque de nombreuses pénuries. Inquiets, les médecins européens appellent la Commission européenne à agir. 

« Les médecins européens sont profondément préoccupés par l’augmentation des pénuries de médicaments à court et à long terme. Nous demandons à l’Union européenne de prendre des mesures urgentes », a déclaré le Comité Permanent des Médecins Européens dans un communiqué de presse publié mercredi (25 janvier). 

La pénurie de médicaments qui touche l’Europe a de multiples causes, à commencer par les difficultés d’approvisionnement des molécules nécessaires.

Et pour cause : 80 à 85% des principes actifs utilisés pour produire des médicaments en Europe sont importés de Chine et d’Inde, selon le Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire.

En Italie par exemple, l’Agence des médicaments (Agenzia italiana del farmaco, AIFA) a signalé une pénurie de plus de 3 000 médicaments, dont 554 sont en rupture de stock.

Un médicament est particulièrement touché : l’amoxicilline, un antibiotique très courant destiné à traiter les infections bactériennes. 

« Des chaînes d’approvisionnement résilientes en médicaments sont essentielles », pour lutter contre les pénuries et reconstituer des stocks suffisants, appuient les médecins européens.

« Elles doivent s’accompagner de systèmes de notification appropriés, ainsi que d’une communication et d’une coopération entre toutes les parties prenantes concernées », poursuivent-ils.

De son côté, l’Agence européenne des médicaments (EMA) se veut rassurante. Dans son dernier communiqué de presse publié jeudi dernier (26 janvier), elle indique avoir rencontré les acteurs des chaînes d’approvisionnement d’amoxicilline pour « leur fournir un soutien réglementaire afin d’augmenter la capacité de production ».

Par soutien réglementaire, comprendre un assouplissement des règles en vigueur au sein de l’UE. Par exemple, la fourniture exceptionnelle de certains médicaments non autorisés dans un État membre, a permis de limiter l’impact des pénuries. 

« L’EMA a reçu un retour d’information positif de la part des principaux fabricants et l’on s’attend à ce que l’approvisionnement soit accru dans les semaines et les mois à venir », peut-on encore lire dans le communiqué.

Également en cause, la recrudescence des virus respiratoires cet hiver, en plus de la Covid, qui a eu pour conséquence une plus grande consommation de médicaments chez les citoyens européens.

Là encore, l’EMA se veut rassurante et assure que « les États membres de l’UE s’attendent à ce que le pic d’infections commence à se résorber prochainement, ce qui devrait faire baisser la demande actuellement accrue d’antibiotiques ». 

Toujours selon l’Agence, « dans la plupart des cas », il existe des alternatives si un médicament en particulier est en pénurie.

Or, les médecins européens voient la situation d’un autre œil. La prescription d’un traitement « doit être basée uniquement sur la situation de chaque patient, et non sur la disponibilité des médicaments ou des alternatives », rappelle le Dr Christiaan Keijzer, président du CPME.

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Pas de quoi s’alarmer, selon la Commission européenne

Pour autant, la situation ne semble pas alarmer la Commission européenne. Selon la DG SANTE Sandra Gallina, la situation en Europe n’est pas dramatique, contrairement aux informations souvent relayées.

« Permettez-moi de démystifier un peu l’idée qu’il y a une énorme pénurie », a-t-elle déclaré aux eurodéputés de la commission de l’environnement et de la santé du Parlement européen (ENVI), lundi dernier (23 janvier).

Elle a ajouté qu’il est encore possible, au stade actuel de la pénurie, de pallier le manque de certains médicaments en recourant à d’autres options. 

L’EMA et la Commission offrent une flexibilité réglementaire aux États membres afin de permettre l’utilisation de différentes préparations pour remplacer les médicaments en rupture de stock.

« Nous devons le dire pour que les gens ne soient pas complètement désemparés », a poursuivi Sandra Gallina, avant toutefois de reconnaître que, pour les patients, il peut être « très angoissant de ne pas trouver le médicament qu’on s’attend à trouver ».

En mars prochain, la Commission européenne devrait présenter sa nouvelle stratégie pharmaceutique. La stratégie, très attendue, devrait proposer une série de mesures pour lutter contre les futures pénuries de médicaments. 

À ce jour en Europe, trois usines, deux en France et une en Autriche, se sont remises à produire des médicaments tels que le paracétamol et l’amoxicilline.

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