Publicité

La Birmanie marque le deuxième anniversaire du coup d’Etat avec un possible report des élections

Deux ans jour pour jour après le coup d’État qui a renversé la dirigeante Aung San Suu Kyi, la junte birmane pourrait annoncer mercredi la prolongation de l’état d’urgence et le report des élections promises pour l’été

Le chef de la junte birmane, le général Min Aung Hlaing, le 27 mars 2021 dans la capitale. — © Reuters
Le chef de la junte birmane, le général Min Aung Hlaing, le 27 mars 2021 dans la capitale. — © Reuters

Grève silencieuse et manifestations sporadiques: en Birmanie, les militants pro-démocratie marquent mercredi d’une pierre noire le deuxième anniversaire du coup d’Etat, sur fond de possible report des élections. Tous les regards sont tournés vers une éventuelle annonce de la junte concernant la prolongation de l’état d’urgence et le report des élections promises pour l’été. Le chef de la junte Min Aung Hlaing avait déclaré précédemment que les élections ne pourraient être tenues que quand le pays serait «pacifié et stable».

Les puissances occidentales ont marqué cet anniversaire par une nouvelle vague de sanctions à l’encontre des généraux, mais les cycles précédents n’ont guère montré de signes permettant de faire dévier la junte de sa route.

Lire aussi: En Birmanie, défilé militaire et amnistie décrétée par la junte pour les 75 ans de l’indépendance

Dans le centre de Rangoun, la capitale économique, des manifestants ont déployé des bannières sur plusieurs ponts, appelant les gens à rejoindre la «révolution», tôt mercredi, selon des images publiées par les médias locaux.

Grève silencieuse

Les militants ont appelé les habitants à fermer les commerces et à ne pas sortir dans les rues de 10 heures (04H30 en Suisse) à 16 heures. «J’ai fait moins de snacks aujourd’hui et tous ont déjà été vendus», a déclaré à l’AFP un vendeur de rue de Rangoun, requérant l’anonymat par crainte de représailles. «Les gens se sont précipités pour acheter depuis tôt le matin. Il y aura une grève silencieuse… Nous ne voulons pas la manquer».

Lire encore: Aung San Suu Kyi, prisonnière des généraux birmans pour 33 ans

Un rassemblement pro-militaires de «patriotes, d’amoureux de l’armée, de moines et du public» devait défiler dans les rues du centre-ville de Rangoun.

L’ambassade des Etats-Unis a mis en garde contre une «augmentation des activités et des violences contre le régime» pendant les jours entourant l’anniversaire.

L’état d’urgence imposé dans la foulée du putsch par la junte devait expirer à la fin du mois de janvier, délai au terme duquel les autorités devaient, selon la Constitution, mettre en place un calendrier pour de nouvelles élections.

L’armée devait annoncer mercredi qu’elle se préparait pour ces élections. Mais mardi, le Conseil national de défense et de sécurité, composé de membres de la junte, s’est réuni pour discuter de l’état de la nation et a conclu que le pays «n’est pas encore revenu à la normale».

Dans un communiqué, la junte a accusé ses opposants, dont les «Forces de défense populaire» (PDF) et un gouvernement fantôme animé par des députés du parti de l’ex-dirigeante aujourd’hui emprisonnée Aung San Suu Kyi, de chercher à prendre le pouvoir «par le soulèvement et la violence». L'«annonce nécessaire sera publiée» mercredi, ajoute le document, sans donner de détails.

Les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne ont annoncé une nouvelle série de sanctions pour marquer cet anniversaire, visant les membres de la junte et les entités qu’elle soutient.

«Campagne barbare»

La Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale, a ajouté de nouvelles sanctions notamment à l’encontre des entreprises fournissant du carburant d’aviation à l’armée et permettant sa «campagne barbare de raids aériens dans le but de se maintenir au pouvoir».

L’Australie a également annoncé pour la première fois des sanctions contre 16 membres de la junte «responsables de violations flagrantes des droits de l’homme» et deux conglomérats tentaculaires contrôlés par l’armée.

Les sanctions américaines visent également la commission électorale approuvée par la junte, qui a donné la semaine dernière deux mois aux partis politiques pour se réinscrire, signe que les militaires semblaient vouloir organiser de nouveaux scrutins.

Mais la participation s’annonce incertaine, des pans du pays étant en proie à un violent conflit entre forces armées et milices rebelles qui dissuade les habitants d’aller voter -- ou fait planer la menace de représailles pour ceux qui le feront.

Un envoyé spécial des Nations unies a déclaré mardi que des élections «alimenteraient une plus grande violence, prolongeraient le conflit et rendraient plus difficile le retour à la démocratie et à la stabilité». Plus de 2 900 personnes ont été tuées dans la répression de la dissidence par l’armée depuis qu’elle a pris le pouvoir et plus de 18 000 ont été arrêtées, selon un groupe de surveillance local.

Lire aussi: Selon Amnesty, Facebook «doit des réparations» aux Rohingyas

«Notre principal souhait pour 2023 est la liberté et rentrer chez nous», a déclaré à l’AFP Thet Naung, un militant de la région de Sagaing (nord), qui a été le théâtre d’affrontements réguliers entre l’armée et les combattants anti-coup d’État. «Nous avons traversé de nombreuses difficultés. Nous voulions être heureux et vivre librement mais nous avons tout perdu. Nous avons passé la plupart de notre temps dans les jungles et sommes restés loin des villes.»