6 000 ans de "révolution urbaine"

Arrabal de la Arrixaca près du palais San Esteban à Murcia (Espagne) - © JNP
Arrabal de la Arrixaca près du palais San Esteban à Murcia (Espagne) - © JNP
Arrabal de la Arrixaca près du palais San Esteban à Murcia (Espagne) - © JNP
Publicité

Née il y a 5 700 ans, au cœur de la plaine mésopotamienne, la ville n’est pas uniquement le résultat d'une prospérité agricole nouvelle, mais le lieu d’un nouveau développement économique, d’un nouvel espace de pouvoir.

Avec
  • Ricardo González Villaescusa Archéologue, professeur à l'Université Paris-Nanterre, spécialiste de la Gaule et du Nord-Ouest européen.

L’avenir est urbain !

"L'avenir de l'humanité est sans aucun doute urbain" titraient récemment les Nations unies, institution pour laquelle l'urbanisation est une "tendance lourde" du XXIe siècle. Malgré un changement climatique, et des villes qui n’ont rien d'équitable, ni de plus vert, notre planète est donc en voie d’urbanisation rapide : plus de la moitié de la population mondiale vit désormais en ville, 57 % exactement, sachant que 2,5 milliards d’individus supplémentaires devraient intégrer ces zones urbaines d'ici 2050… Pour évaluer cette accélération irrémédiable, rappelons que la population en ville n’était que de 6,4 % en 1850, 14 % en 1900 et inférieur à 30 % en 1950. Ainsi, serions-nous, désormais, en train de rentrer dans un véritable tournant de civilisation ?

Ricardo González Villaescusa "Les éléments que l'on a pour estimer des populations sont : la vie matérielle, la surface et la quantité des bâtiments, les maisons, etc. Et donc, il y a pour Rome, par exemple, un chiffre fétiche dont parlaient certains auteurs, d'un million d'habitants. Un million d'habitants dans l'Antiquité, c'est énorme ! [...] La grande majorité des villes de l'Empire romain étaient des petites villes de 10.000 à 20.000 habitants au maximum."

Publicité
Site de Pompéi (Campanie, Italie)
Site de Pompéi (Campanie, Italie)
© Getty - © Atlantide Phototravel / Coll. Corbis Documentary

Ricardo González Villaescusa "Les villes sont des commutateurs sociaux, des lieux de rencontres pour échanger des produits, des biens, des idées et des informations... Donc, les villes sont liées à des choix de pouvoir, de création d'empires qui permettaient, à une époque où il n'y avait ni internet, ni de téléphone, d'avoir un relais local et ce relais prenait la forme d'une ville."

Et le passé ?

Warka, l'antique Uruk, naît en 3 700 avant notre ère, et bien d’autres suivront au cours du IIIe millénaire, entre Sumer et la civilisation de l’Indus. Dans cette histoire des villes, d’autres lieux indépendants innoveront. Les cités mésoaméricaines de Tikal ou Teotihuacan, nées vers 900 avant notre ère, en sont un bon exemple.

Ricardo González Villaescusa  "Le plus ancien foyer de l'urbanisation, c'est la Mésopotamie, c'est la vallée du Tigre et de l'Euphrate. C'est le premier foyer, mais ce n'est pas le seul. Il y a cinq ou six foyers au niveau de la planète, comme la vallée de l'Indus, la Chine, et l'Amérique andine aussi, avec le Pérou."

Le site d'Uruk en Irak
Le site d'Uruk en Irak
© AFP - © ESSAM AL-SUDANI

En 1850, la population urbaine mondiale n’était que de 6,4 %. Archéologues et paléo-démographes ont aussi tenté de percevoir cette démographie urbaine. Si, durant l’Antiquité, Rome accueillait plus d’un million d’âmes, cette cité reste une exception, la majorité des cités ne regroupait pas plus de 10 000 à 20 000 habitants.

Le monde urbain est avant tout un choix de société, d’ailleurs, certaines d’entre elles, déjà complexes, ne feront pas ce choix de l’urbanisme. A relire Thucydide, ce fut par exemple le choix de Sparte, qui, face à Athènes, aurait pu laisser croire qu’elle n'était qu'une puissance de second ordre.

Vincent Charpentier s'entretient avec Ricardo González Villaescusa, archéologue, professeur d’archéologie de la Gaule et du Nord-Ouest européen à l’Université Paris-Nanterre, auteur de Les cités romaines (Editions des PUF, 2021).

Ricardo González Villaescusa "Les égouts, c'est la première chose qu'il faut faire dans une ville, avant n'importe quelle autre infrastructure. Parfois, ils sont très petits, parfois, ils sont énormes. Mais les égouts, c'est ce qui fait l'urbanisme, avec une planification au préalable, pour permettre de faire des rues, ainsi que des maisons qui ont une évacuation des eaux usées grâce aux égouts."

À écouter ou à réécouter : Que savons-nous des cités romaines ?
Carbone 14, le magazine de l'archéologie
29 min
Le site de la maison carrée de Nîmes
Le site de la maison carrée de Nîmes
- © Inrap

Ricardo González Villaescusa "Quand on dit d'une ville orientale, tortueuse, avec des impasses, etc, que c'est une ville qui n'est pas planifiée, c'est juste le contraire. C'est une planification, mais avec une rationalité qui n'est pas forcément la nôtre. Dans la ville arabe, on peut dire qu'il y a une planification qui part d'abord du privé et ce qui reste appartient au collectif, au public. Et, cela donne des résultats différents, mais il y a une planification."

Pour aller plus loin

Quelques références citées

L'équipe