Répression en Iran

En prison à Téhéran, Jafar Panahi se met en grève de la faim

Le cinéaste purge une peine prononcée il y a plus de dix ans, après avoir été arrêté dans le cadre de la violente répression des manifestations en Iran.
par Didier Péron
publié le 2 février 2023 à 13h03

«Sommes-nous heureux ? Nous sommes anéantis…» Il y a quelques jours, Tahereh Saeedi, l’épouse du cinéaste iranien Jafar Panahi toujours emprisonné à Téhéran, publiait une lettre ouverte désespérée qui contredisait brutalement les dépêches optimistes annonçant une possible libération de l’auteur du Cercle et du récent Aucun ours. Ce dernier, perdant lui-même tout espoir de sortir alors qu’il est victime de l’arbitraire total du régime qui a décidé de faire taire sa voix dissidente et qu’il est incarcéré pour une peine qu’un juge avait pourtant décrétée obsolète puisque prononcée il y a plus de dix ans et donc invalide selon la loi iranienne, vient d’entamer une grève de la faim. Dans un communiqué qu’il a transmis à ses avocats, le cinéaste écrit : «Je déclare fermement qu’en signe de protestation contre le comportement illégal et inhumain de l’appareil judiciaire et sécuritaire et leur prise d’otage, j’ai entamé une grève de la faim depuis le matin du 12 Bahman (1er février). Je refuserai de manger et de boire toute nourriture et tout médicament jusqu’au moment de ma libération. Je resterai dans cet état jusqu’à ce que peut-être mon corps sans vie soit libéré de la prison.»

Jafar Panahi est en prison depuis juillet 2022, il s’était rendu à la cour de justice de la prison d’Evin pour s’enquérir du sort de ses collègues cinéastes Mohammad Rasoulof et Mostafa Al-Ahmad, qui venaient d’être arrêtés pour avoir participé à une pétition demandant aux forces de l’ordre de ne pas tirer sur les manifestants lors des actions militantes qui se multipliaient déjà dans le pays avant la révolte générale déclenchée par le meurtre de la jeune Mahsa Amini.

Prudence et fatalisme

Jafar Panahi associe son arrestation «à du banditisme et à une prise d’otages» : «Il est évident que le harcèlement mené par une institution sécuritaire et la capitulation sans appel des autorités judiciaires à ses décisions sont une fois de plus facilités par des lois arbitraires. Ce n’est qu’une excuse pour la répression. […] Aujourd’hui, comme beaucoup de personnes piégées en Iran, je n’ai pas d’autre choix que de protester contre ces comportements inhumains avec ce que j’ai de plus cher, c’est-à-dire ma vie.» Début janvier, on apprenait par la voix de son avocate que le cinéaste Mohammad Rasoulof avait été libéré pour seulement deux semaines, pour raisons de santé : «Ces jours d’hôpital ne sont pas comptés dans sa peine de prison, et il devra donc rester en prison deux semaines supplémentaires», avait-elle précisé.

La situation répressive en Iran est maximale. Quatre hommes ont d’ores et déjà été exécutés pour l’exemple après des procès expéditifs, en réponse aux manifestations et soulèvements populaires contre le gouvernement du très conservateur Ebrahim Raïssi. Pour l’heure, la mobilisation internationale des intellectuels et artistes demeure très faible, par prudence ou par fatalisme, face à l’ampleur d’une situation dramatique avec des centaines d’incarcérations, celle de Panahi peinant de plus en plus à se faire entendre après plus de 200 jours derrière les barreaux. Agé de 62 ans, malade depuis quelques mois, il est désormais selon ses proches dans une situation extrêmement critique.

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