Ballon-sonde chinois : un ballon d'essai ?

La visite du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken  prévue ce weekend en Chine a été repoussée du fait de l'incident diplomatique. - CHASE DOAK
La visite du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken prévue ce weekend en Chine a été repoussée du fait de l'incident diplomatique. - CHASE DOAK
La visite du secrétaire d'Etat américain Antony Blinken prévue ce weekend en Chine a été repoussée du fait de l'incident diplomatique. - CHASE DOAK
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Ballon espion pour le Pentagone… Aéronef civil dévié de sa trajectoire d’après Pékin. Toujours est-il que l’objet volant à 18 km d’altitude a été aperçu entre autres au-dessus d’un site nucléaire stratégique aux États-Unis.

Avec
  • Laurence Nardon Docteure en sciences politiques, responsable du programme États-Unis de l'Ifri

Le ballon-sonde chinois a finalement été abattu ce week-end par un avion de chasse au large de la Caroline du Sud. La Chine cherchait-elle à tester la réponse américaine ou s’est-elle tout simplement fait prendre la main dans le sac ?

Avec Laurence Nardon, responsable du programme Amérique du Nord de l’IFRI, productrice du podcast hebdomadaire "New Deal" sur Slate.

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Pourquoi la Chine a-t-elle pris ce risque ?

“On se demande ce que pouvait apporter un ballon espion en termes de renseignements à la Chine, puisque que l’on sait qu'ils ont une flotte de satellites qui tournent autour de la terre”, indique Laurence Nardon. “On pense que ce ballon pouvait rester plus longtemps au-dessus des sites nucléaires américains et écouter les communications radio autour de ces sites, ce qu’un satellite espion n’aurait pas pu faire (...) En réalité, la Chine envoie des ballons espions depuis un moment, mais celui-ci est le premier à avoir été aperçu par des civils aux États-Unis”.

Des répercussions immédiates sur les relations sino-états-uniennes ?

Antony Blinken devait se rendre en Chine la semaine prochaine... Finalement, le secrétaire d'État des États-Unis a annulé son voyage. Pour Laurence Nardon, “la Chine a perdu la face dans cette histoire. Le fait que Bliken annule sa visite est une humiliation à Pékin. La théorie selon laquelle le but était d’éviter un rapprochement entre les gouvernements chinois et états-uniens n’est donc pas forcément convaincante”, analyse la responsable du Programme Amérique du Nord de l’IFRI.

L’hypothèse d’une guerre entre la Chine et les Etats-Unis

Quelle ampleur pourrait donc prendre cette crise ? “Il y a une hostilité de principe entre les deux puissances”, explique Laurence Nardon. “C’est d’ailleurs la thèse de Tucidide, développée par Graham Allison [chercheur américain en science politique] selon laquelle les deux pays doivent se faire la guerre pour que la Chine devienne la plus grande puissance du monde (...) Cette théorie a pris du plomb dans l’aile car le COVID a affaibli la Chine (...) L’hostilité entre les deux pays reste très forte autour de Taiwan avec la théorie selon laquelle y aurait une fenêtre d’opportunité pour que la Chine envahisse Taïwan entre 2025 et 2027, ce qui déclencherait potentiellement une guerre avec les États-Unis”.

Pourquoi entre 2025 et 2027 précisément ? “Parce qu’en 2025, la Chine aurait suffisamment de matériel amphibie pour réussir une invasion de l'île de Taiwan” indique Laurence Nardon. “La date de 2027 correspond quant à elle à l'affaiblissement de la Chine, qui a déjà perdu 850 000 habitants en 2022, sa croissance est plus faible qu’il y a dix ans, donc la Chine doit se dépêcher d’accomplir l‘invasion de Taïwan (...) Dans ce cas là, les Etats-Unis sont clairs : ils défendraient la démocratie taïwanaise contre cette invasion”.

Interdépendance des deux économies

Laurence Nardon évoque “une évolution du côté des États-Unis, qui sont en train de remettre en place un protectionnisme assez fort, notamment vis-à-vis de la Chine, ainsi que des contrôles d’exportation beaucoup plus stricts sur les technologies américaines qui peuvent partir en Chine”. Cela témoigne selon la chercheuse d'un "début de découplage des deux économies. Mais cela ne va pas être facile, notamment pour Apple". À ses yeux, "la panoplie restrictive est déjà là (...) Il faut seulement la mettre en œuvre”.

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