La FemTech veut réduire le “gender gap” dans la santé

Les entreprises spécialisées dans la “female technology” ambitionnent de diminuer et combler l’écart entre les hommes et les femmes en matière de santé en développant des produits et des services innovants dédiés à la santé féminine. Ce marché émergent est aujourd’hui en plein essor.

Les femmes sont sous-représentées dans la recherche en santé et les essais cliniques. Cet écart entre les genres (“gender gap”) contribue à d’importantes inégalités de santé, notamment parce que l’on en sait moins sur les pathologies affectant les femmes que sur celles qui touchent les hommes.

Les entreprises de la FemTech pourraient faire progresser la santé grâce à leur approche innovante, inclusive et axée vers l’autonomisation des patients.

L’endométriose (maladie gynécologique chronique qui se caractérise par la présence anormale d’endomètre en dehors de la cavité utérine), par exemple, prend en moyenne sept ans à être diagnostiquée et reste encore méconnue par les soignants et les femmes elles-mêmes. Elle touche pourtant près d’une femme sur dix en France, où elle constitue la première cause d’infertilité selon le gouvernement, qui tente de mettre en place une stratégie nationale de lutte contre cette maladie.

Les entreprises de la FemTech (abréviation de “female technology”, technologies féminines) visent à combler ce fossé entre les genres, en développant des produits et des services innovants dans différents domaines de la santé des femmes, y compris des domaines tabous tels que la sexualité, les règles ou la ménopause.

La FemTech en détail

Imaginé en 2016 par Ida Tin, cofondatrice de l’application de suivi de règles Clue, le terme “FemTech” désigne les start-up cherchant à répondre aux besoins des femmes en matière de santé et de bien-être en s’appuyant sur les nouvelles technologies (applications santé, appareils connectés portables, télémédecine, intelligence artificielle, etc.).

Les solutions développées visent à améliorer l’accès et la qualité des soins, ou le partage d’information, pour des affections et des conditions de santé spécifiques aux femmes (comme les maladies gynécologiques), ou des pathologies touchant toute la population, mais affectant les femmes de manière disproportionnée ou différenciée (comme les maladies cardiovasculaires).

Les domaines ciblés sont la santé reproductive, la grossesse et les soins pré et postnatals, la santé pelvienne et périnéale, la santé menstruelle, la sexualité, la santé générale et le bien-être, la ménopause, etc.

Un marché en plein essor

Bien qu’elles s’adressent potentiellement à la moitié de la population, les entreprises de la FemTech ont traditionnellement eu du mal à lever des fonds auprès des investisseurs par rapport aux autres start-up de la HealthTech (le secteur des technologies de la santé). Mais la tendance semble s’être inversée ces deux dernières années, la FemTech intéressant de plus en plus les investisseurs et les accélérateurs.

En août 2021, Maven Clinic, clinique virtuelle basée aux États-Unis proposant des services de fertilité, d’adoption, de maternité de substitution, de pédiatrie, etc., est devenue la première “licorne” (entreprise valorisée à plus d’un milliard de dollars) de la FemTech au monde. En juin 2022, la start-up britannique Parla, plateforme proposant des services de soutien virtuel, notamment après une fausse couche, a été rachetée par Holland & Barrett, chaîne multinationale de magasins d’aliments naturels et de produits bien-être.

L’année 2021 a vu le lancement de plusieurs accélérateurs dédiés aux start-up FemTech en phase de démarrage. Basé à Londres, le FemTech Lab a été présenté comme le premier programme d’accélération de ce type en Europe. En France, Station F, le campus de start-up créé par Xavier Niel, a lancé le FemTech Program, qui en est aujourd’hui à sa troisième fournée.

La croissance des FemTechs, dont la plupart sont fondées par des femmes, est aussi portée par une double réalité : un nombre croissant de sociétés de capital-risque et de programmes d’accompagnement et d’accélération s’intéressent désormais aux femmes entrepreneuses d’une part, et au secteur de la santé digitale d’autre part. Aussi, le marché mondial de la FemTech devrait-il atteindre plus de 60 milliards de dollars d’ici 2027 (contre un peu moins de 19 milliards en 2019), avec un taux de croissance annuel de 15,7%, selon un rapport d’Emergen Research.

Petit tour d’horizon des FemTechs

En quelques années seulement, ce marché s’est développé pour englober une large gamme de solutions, allant du diagnostic de l’endométriose (Ziwig) et du dépistage du cancer du sein (b-rayZ) aux applications de suivi de la fertilité (Daysy) et à la réduction des symptômes de la ménopause (Omena).

Parmi les plus connues, on peut citer Ava, un bracelet connecté détecteur de fertilité, et bien sûr Clue, créée en 2012, qui compte aujourd’hui plus de 10 millions d’utilisatrices à travers le monde. Avec une levée de fonds de série C de 82 millions d’euros en 2021, Elvie a signé l’un des plus gros tours de table de la FemTech en Europe. La start-up anglaise commercialise deux produits connectés destinés aux femmes : un rééducateur périnéal et un tire-lait.

Dans l’Hexagone, l’association FemTech France, créée en 2022 par trois entrepreneuses pour soutenir le développement de projets innovants dans le domaine de la santé des femmes, répertorie plus de 81 start-up se revendiquant FemTech. Un quart d’entre elles sont dédiées à la santé reproductive. Près de la moitié proposent des produits B2C, c’est-à-dire mettant en relation des entreprises directement avec les consommatrices.

Il y a par exemple Lucine, qui développe des “thérapies numériques” (Digital Therapeutics, ou DTx) pour soulager la douleur chronique. La jeune pousse bordelaise a notamment mis au point une application qui mesure le niveau de douleur lors d’une crise en utilisant la reconnaissance faciale, et propose d’y répondre en réalité virtuelle par des stimulations sonores et lumineuses. L’application Nabla permet aux femmes d’échanger avec des médecins généralistes, des gynécologues, des sages-femmes, etc., en consultation vidéo ou par chat.

Parmi les jeunes pousses accompagnées par Station F, on peut citer Liberare (ex-Intimately), une marque de lingerie inclusive pour les femmes en situation de handicap ; My S Life, un espace communautaire dédié à la santé intime et sexuelle ; ou Sonio, une intelligence artificielle pour le diagnostic et le dépistage prénatal.

Au-delà de la santé féminine

Au-delà de la santé féminine, les entreprises de la FemTech pourraient contribuer à faire progresser le domaine de la santé dans son ensemble, grâce à leur approche innovante, inclusive, “user-friendly” et axée vers l’autonomisation des patients. Le cabinet McKinsey cite par exemple les bénéfices suivants :

  • Améliorer l’accès aux soins, grâce aux cliniques innovantes (telles que Kindbody), aux cliniques virtuelles ou aux services de livraison d’ordonnances (The Pill Club).
  • Soutenir l’émergence du “patient-acteur”, grâce aux trackers et autres objets connectés, ainsi qu’aux diagnostics à domicile qui aident les femmes à mieux prendre en charge leur santé et les données qui s’y rapportent.
  • Améliorer les diagnostics : en s’attaquant à des besoins médicaux non satisfaits, comme le diagnostic de l’endométriose, les FemTechs explorent de nouvelles méthodes de dépistages repoussant les limites de la science.
  • Fournir des soins plus inclusifs, grâce à des solutions adaptées aux sous-groupes de population, comme les personnes transgenres.

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