Daniel Defert : "C'est le sida plus que le militantisme qui a modifié la perception des homosexuels"

Daniel Defert chez lui, Paris, 1988. - © Jane Evelyn Atwood
Daniel Defert chez lui, Paris, 1988. - © Jane Evelyn Atwood
Daniel Defert chez lui, Paris, 1988. - © Jane Evelyn Atwood
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Dans ce deuxième entretien, Daniel Defert, sociologue et militant anti-sida, raconte pourquoi, après que le sida a emporté Michel Foucault en 1984, il créa AIDES, première association française de lutte contre la maladie. Il rappelle aussi ce qu'avaient été ses engagements.

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Pour cette nuit veillée en notre compagnie, Daniel Defert a composé un programme d'archives qui raconte une existence dont, dit-il, il n'avait pas rêvé mais qu'il a vécue pleinement. Une vie d'engagements et de combats, une vie politique pour reprendre le titre de son livre d'entretiens avec Philippe Artières et Éric Favereau. "Politique" au meilleur sens de ce mot, la vie de Daniel Defert aura été marquée par la rencontre déterminante de Michel Foucault, dont il a été le compagnon pendant plus de vingt ans. Comme le fait la musique de Stravinsky, la pensée et la voix du philosophe courent tout au long des heures de cette Nuit.

"Avec le Sida, les gens ont été pratiquement 'dénoncés' par leur maladie"

Fondateur de AIDES, Daniel Defert nous dit ici comment et pourquoi, après que le sida eut emporté Michel Foucault en 1984, il créa cette première association française de lutte contre le virus. Il rappelle aussi ce qu'avaient été avant cela ses engagements : contre la Guerre d'Algérie, en Mai 68 et après, avec la Gauche Prolétarienne et la création du GIP (Groupe d'Information sur les Prisons) aux côtés de Foucault.

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Intellectuel dans l'action, des bouleversements qu'a connus notre société depuis les années 50 Daniel Defert a été l'un des acteurs les mieux conscients et les plus courageux. Grâce, selon lui, à un sens de la justice et de la liberté hérité de l'enfance. Grâce aussi à un enthousiasme dont cette Nuit rêvée atteste qu'il est demeuré intact.

Sur la transformation majeure concernant la perception de la communauté homosexuelle, par les autres et par elle-même, il explique : "Ce n'est pas tant le militantisme que le drame du Sida qui a modifié la perception des homosexuels. (...) Autrefois ce qui était connu de l'homosexualité c'était son militantisme à travers des figures minoritaires, c'était des gens qui pouvaient se mettre en avant. Là, avec le Sida, les gens ont été pratiquement 'dénoncés', je dirais, par leur maladie. Les gens ont été obligés d'affronter quelque chose dont les familles n'étaient pas au courant dans la majorité des cas."

Daniel Defert ajoute : "En 1984, quand j'ai créé AIDES, le préservatif ne pouvait pas être l'objet de publicité, car il y avait une pression de l'Eglise. On a découvert, bien au-delà de la petite fraction militante, une masse de problèmes qui concernaient toute une catégorie nouvelle de gens, et c'est cela qui a fait la transformation majeure de la perception des homosexuels. Et si je considère que la publicité sur les préservatifs était illégale en 1984, aujourd'hui on est passé au mariage entre personnes du même sexe : c'est quand même une transformation majeure pour moi. On est vraiment dans une société de Droit et non pas dans une société qui raisonne avec des mythes, des religions. Cette transformation majeure a été payée, hélas, au prix fort. L'épidémie n'est pas terminée loin de là, mais on a les moyens aujourd'hui de la contrôler, peut-être même d'en sortir."

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Écouter le dernier entretien : La Nuit rêvée de Daniel Defert - Entretien 3/3
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  • Production : Albane Penaranda
  • Réalisation : Virginie Mourthé
  • Avec la collaboration de Hassane M'Béchour
  • Edition web : Documentation sonore de Radio France

Retrouvez l'ensemble des archives de  "La Nuit rêvée de Daniel Defert", proposée par Albane Penaranda.

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