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Le jeu sortira le 10 février prochain.
Le jeu sortira le 10 février prochain.
Capture d'écran YouTube de Warner Bros

J.K. Rowling "transphobe" : Gamekult boycotte "Hogwarts Legacy", le dernier jeu "Harry Potter"

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La rédaction de Gamekult ne proposera pas de test pour « Hogwarts Legacy » afin de ne pas « donner un écho » à la marque créée par J.K. Rowling, « figure de proue d’un mouvement de haine ». L'auteure de la saga Harry Potter n’a pourtant pas participé à la réalisation du jeu vidéo, dans lequel il est d’ailleurs possible d’incarner des personnages « transgenres ». De nombreux fans critiquent une décision malhonnête et un « deux poids, deux mesures ».

J.K Rowling est-elle devenue Voldemort ? Elle est en tout cas celle dont on ne doit pas prononcer le nom chez Gamekult. Le média spécialisé a annoncé sa décision de ne pas proposer son traditionnel test pour « Hogwarts Legacy : L’Héritage de Poudlard », le dernier jeu vidéo de la saga de sorcellerie « Harry Potter », dont la sortie est prévue le 10 février prochain. En cause : des prises de position de J.K. Rowling, jugées « transphobes » par de nombreux militants LGBT. « Nous refusons de donner un écho à une marque dont le poids économique et médiatique profite à une femme érigée en figure de proue d’un mouvement de haine. Une femme dont l’activisme vise au recul des droits des personnes trans déjà constamment déshumanisées » s’est justifié la rédaction dans une série de tweets , ce lundi 6 février.

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Comme tout ce qui touche de près ou de loin à l’auteure britannique désormais, le jeu est visé par les traditionnels appels au boycott initiés par des militants transactivistes. Mais qu’un site spécialiste de « gaming » se joigne au mouvement est un fait assez inédit. D’abord parce que « Hogwarts Legacy » figure parmi les productions les plus attendues de 2023. C’est même « le potentiel jeu de l’année » selon Jeuxvidéo.com , une aventure « ensorcelante » d’après BFMTV ou encore le « jeu Harry Potter ultime » pour Gameblog .

Incohérences et mauvaise foi ?

La position de Gamekult interroge sur plusieurs autres points. Le premier, qui paraît le plus évident : J.K. Rowling n’a à aucun moment participé à la réalisation du jeu vidéo, dans lequel il est par ailleurs possible d’incarner des personnages « trans » ou encore « gender fluid ». Une volonté « inclusive » des développeurs d’Avalanche Software, sans doute pour montrer qu’ils se désolidarisent des propos tenus par la romancière. « L'équipe a estimé qu'il était très important de créer un jeu représentatif du monde riche et diversifié de Harry Potter, ainsi que des groupes de personnes qui jouent à des jeux, qui comprend la communauté LGBTQIA+ », explique en effet Porkey Games, éditeur du titre aux côtés de Warner Bros, auprès du média anglophone IGN .

Le fait que le procès en transphobie ne renvoie pas directement à « Hogwarts Legacy » a pourtant motivé la rédaction dans son choix. « C’est précisément parce que cela ne concerne pas le jeu directement qu’on ne peut en débattre au sein d’un test, pourtant moment clé de la vie médiatique d’un titre, et temps fort pour les sites », peut-on lire dans les explications sur Twitter. Gamekult assure d’ailleurs ne pas appeler « au boycott » mais simplement rappeler que « non, ce n’est jamais "que du jeu" ».

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Sur la toile, des internautes déplorent également « un deux poids, deux mesures » de la part du média spécialisé. Ils estiment que celui-ci refuse de couvrir la sortie de « Hogwarts Legacy » tout en réalisant des tests d’autres licences produites par des maisons elles aussi sous le coup d’accusations. Comme Ubisoft, dans la tourmente après de multiples faits de harcèlement et d'agressions sexuelles au sein de son entreprise, révélés dans une enquête de Libération en septembre 2020. À l’époque, Gamekult avait traité l’affaire dans plusieurs articles, tout en effectuant des critiques des jeux du développeur, notamment pour « Assassin's Creed Valhalla » , en novembre de la même année. Pourquoi ne pas avoir opté pour un traitement journalistique similaire cette fois-ci ?

Une stratégie contre-productive

Selon d’autres twittos, ce serait la situation actuelle du média qui aurait entraîné le boycott de « Hogwarts Legacy ». La rédaction « historique » de Gamekult a en effet démissionné après l'acquisition du site en novembre dernier par Reworld Media, un groupe connu pour sa stratégie de rachat et de réduction des coûts. La décision incomberait donc à la nouvelle équipe. « J'ai littéralement vu passer des tweets disant que l'absence de test de "Hogwarts Legacy", ça ne serait pas arrivé avec l'ancienne rédaction de Gamekult grand-remplacée par des wokes" et j'avoue que je ris très très fort », raille le journaliste « gaming » de France Inter, Olivier Bénis , sur le réseau social. Avant de « lever toute ambiguïté » : « Je veux bien sûr dire que la rédaction précédente, qui subissait les mêmes accusations par les mêmes personnes, aurait sans doute pris la même décision, et c'est bien pour ça que j'étais un heureux abonné. »

Il est vrai que d’anciennes figures du site Internet partagent la décision des nouveaux rédacteurs. « C'est la semaine de sortie d'Hogwarts Legacy. Gentil rappel que les royalties du moindre achat d'un produit Harry Potter gonflent les campagnes anti-trans d'une TERF . La vie et les droits des personnes trans valent plus que la nostalgie autour d'une licence », a par exemple tweeté Luma, journaliste chez Gamekult jusqu’au changement de propriétaire. Mais il est aussi vrai qu’avant la nouvelle année, plusieurs actualités autour du jeu vidéo de la saga Harry Potter ont été traitées par le média, la dernière datant du 17 décembre 2022.

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« C’est un cas typique où il n’y a pas de solution. À mon sens, la moins mauvaise consiste à proposer un test avec une mise en contexte, comme l’ont fait d’autres médias » glisse un ancien collaborateur de Gamekult auprès de Marianne. « Difficile de dire si l’ancienne rédaction aurait fait le même choix que la nouvelle. Je pense que le jeu aurait été testé, avec toutefois un "disclaimer" (clause de non-responsabilité, N.D.L.R.) », estime-t-il, ajoutant que la décision de boycott semble « plutôt contre-productive ».

L'objectif affiché par Gamekult était de ne pas « donner un écho » à la sortie du jeu, mais son annonce a en effet provoqué tout l’inverse. « Pour ma part je vais me désabonner de tous vos réseaux » ou encore « Je ne voulais pas l’acheter parce que osef de ce jeu, mais finalement Gamekult m’a fait changer d’avis », peut-on lire sur Twitter, parmi des centaines de réactions. Face à une avalanche de commentaires, le média a finalement verrouillé son compte sur le réseau social dans la soirée du 6 février.

*Contactée, la rédaction de Gamekult n'a pour l'instant pas répondu à nos sollicitations.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne