À la mémoire de Mahsa Amini et de toutes ses sœurs assassinées

« Avec qui ferait-on la noblesse d’un peuple sinon avec celles qui la lui ont donnée ?» proclamait André Malraux au 30ème anniversaire de la libération des camps nazis en 1975. Avec qui ferait-on la noblesse de l’Iran et de l’Afghanistan aujourd’hui, sinon avec ses femmes ?

La grande tragédie des femmes iraniennes et afghanes montre combien le fanatisme religieux, en particulier musulman, mais pas seulement, est un désastre mais aussi un blasphème qui bafoue la moitié du genre humain. Les femmes d’Iran comme celles d’Afghanistan sont en train de se battre pour leur dignité et leurs droits de vivre libres dans des pays qui les maltraitent, cherchant à leur dénier toute liberté, au nom d’une conception barbare de la religion musulmane. N’est-ce pas à leur mère, que ces mollahs fanatiques doivent leur vie ? À quoi destinent-ils leurs épouses, leurs filles, dans un pays où la Femme n’a plus le droit de cité ?

Si le souffle de Dieu existe vraiment – et tout est là pour nous prouver le contraire – à commencer par leur débilité fanatique au nom de cet Allah qu’ils proclament et dont le prophète Mahomet n’a jamais rien proclamé d’aussi inhumain, ces hommes en noir commettent le péché contre l’Esprit et par là, ils blasphèment Celui-là même qu’ils prétendent servir. Comment ces hommes peuvent-ils ainsi s’arroger une mainmise sur le droit des femmes au nom, prétendument, d’une loi supérieure, qui serait d’inspiration divine ? On peut dire qu’il s’agit d’une infâme théologie ou loi phallique, qui dévaste tout un pays, permet de torturer et tuer impunément des femmes mais aussi des hommes qui résistent à leurs côtés de façon irréfragable. 

À y réfléchir, est-ce bien leur prophète qu’il fallait caricaturer, comme on l’a fait en France et ailleurs – mais à quel prix ! – ou plutôt ces ayatollahs ou ces mollahs, qui défigurent la loi matricielle de l’Innommé, l’enseignement divin dans toute sa force miséricordieuse ? Car si Allah est de la même nature que l’homme, impitoyable et sanguinaire, à quoi bon le vénérer et croire en lui ? 

« Ayatollah » signifie en persan « signe de Dieu ». Ces fanatiques croient-ils vraiment qu’ils sont les messagers de cet Allah qu’ils proclament, alors qu’ils ne sont que les messagers de leur pouvoir phallique et blasphématoire, autrement dit, les messagers du diable ?

Le seul dieu véritable qui se révèle est le Dieu des exclus, des orphelins, des misérables, des exilés, des femmes bafouées, opprimées ou persécutées. C’est le magnifique swami hindou Vivekananda qui proclamait il y a plus d’un siècle : « Le seul dieu qui existe, le seul dieu auquel je croie…, mon Dieu les misérables, mon Dieu les pauvres de toutes les races. »

Cette haine phobique à l’encontre des femmes signifie-t-elle sans doute que les tenants de ces dictatures théocratiques ont peur d’eux-mêmes et de leur fallacieux pouvoir, qui ne repose sur rien sinon sur la haine ? Ils ont peur du vrai Dieu qui est féminin et les exècre en vérité, car s’Il existe, leur Allah, qui est Dieu, Elohim ou IHVH, ce ne peut être qu’un dieu matriciel, un dieu Im, du mot hébreu Am, peuple, un Dieu qui est avec son peuple souffrant, comme il est avec les femmes afghanes et les femmes d’Iran dans leur tragédie.

L’éminente ethnologue Germaine Tillion, qui fut résistante, déportée à Ravensbrück, qui œuvra toute sa vie pour la dignité humaine, a écrit : « Très généralement spoliée malgré les lois, vendue quelques fois, battue souvent, astreinte au travail forcé, assassinée presque impunément, la femme méditerranéenne est un des serfs du monde actuel. »

Les violences étatiques comme les violences privées comme le viol, l’inceste, poussent ces femmes à risquer aujourd’hui en Iran, leur vie-même pour faire valoir leur dignité. Il fut un temps où ces femmes bafouées étaient arrivées à un point de désespoir tel, qu’elles en étaient réduites au silence, à n’en pouvoir crier, à n’en pouvoir se plaindre. Aujourd’hui, partout dans le monde, les femmes se lèvent, en Iran, en Afghanistan, mais aussi en Inde et dans bien d’autres pays où elles sont réduites à n’être que les esclaves de systèmes religieux tenus par les hommes, justes bonnes à la reproduction, sans aucun droit à la dignité, à la justice qui s’applique aux hommes, la justice d’aller à l’école, à l’université, la justice d’étudier, de travailler, de s’habiller comme elles veulent.

Mais ce temps est révolu et n’en déplaise aux barbus de toute espèce, de toute religion, les femmes n’ont plus peur d’eux. Elles savent qu’il leur appartient à elles seules de se battre pour faire valoir leur dignité et la noblesse de leur sang et de leur peuple. Mais Dieu soit loué, nombre d’hommes se lèvent aussi auprès de ces femmes héroïques pour abattre l’infâme théologie phallique dont s’abreuvent les ayatollahs et mollahs.

Décidément ces hommes sont les hommes du Mal, les ennemis du Dieu que les talmudistes mais également les saints de l’islam nommèrent Rachmana, le Miséricordieux.

La mansuétude d’Allah se réduit-elle aujourd’hui, dans les pays islamiques les plus radicalisés, à l’aune des foulards des jeunes femmes ?

Si Dieu est, il est du côté de la faiblesse, de la fragilité, de l’innocence, tout le contraire de la force brutale, meurtrière des policiers de dieu, qui sont définitivement perdus à toute révélation de l’amour divin pour l’humain. Emmanuel Levinas, dans son sens radical de l’épiphanie du visage, écrivait : « Je pense même que craindre Dieu signifie avant tout avoir peur pour autrui. […] Je pense avant tout au pour-l’autre en eux où l’humain interrompt, dans l’aventure d’une sainteté possible, la pure obstination à être et ses guerres[1]. »


[1] Emmanuel Levinas, Entre nous, LGF, biblio essais, pp. 127 et 243.

Un commentaire

  1. Bonjour, étrange ce retournement des propos du texte heureusement hébraïque. Lorsque D. dit son amour indéfectible pour Israël il parle de son « utérus ». Partout, la femme est considérée. Mais quand Adam désobéit, il reproche à D. : « c’est à cause de la femme que tu m’as donné »! Rien de neuf. Je suis chrétien et je béni le monde Juif pour avoir conservé leurs textes et s’être efforcé, majoritairement, de respecter le féminin à l’image de leur D.