Géographes et urbanistes veulent repenser l’espace urbain pour rendre la ville aux femmes

La ville est un espace inégalitaire, fait par et pour les hommes. Géographes et urbanistes veulent y remédier.

Publié le |Mis à jour le |Pour information, cet article a été écrit il y a 1 an.

Comment penser la ville de demain pour qu’elle ne soit pas aménagée au détriment des femmes ? Alors que les considérations urbanistes sont au cœur des discours, pour une ville du futur plus viable et plus durable, un axe doit encore être tracé : celui d’une ville dans laquelle les femmes se sentiraient aussi à l’aise que les hommes.

Photo : Shutterstock

Quelle femme n’a pas eu peur en marchant seule, la nuit ? Quelle jeune fille n’a pas été découragée d’aller jouer au foot ou faire du skate par l’omniprésence masculine ? Quelle petite fille n’a pas été reléguée dans les extrémités de la cour de récréation, tandis que ses camarades masculins tapaient du ballon à l’épicentre de celle-ci ? C’est de ces questions que partent aujourd’hui les géographes pour dresser un constat : la ville n’est pas un espace neutre. Pensée par et pour les hommes, c’est un espace qui dessert les femmes au quotidien.

Harcèlement de rue, insécurité, agressions… Les raisons encourageant les femmes à être apeurées dans l’espace public sont multiples. Et ce constat est partagé par de nombreuses individues, trois quarts des femmes affirmant avoir peur dans la rue, selon une étude de l’institut Yougov. L’urbaniste Sybil Cosnard affirme par exemple que 40 % des Françaises s’interdisent certains espaces publics. Nadine Cattan, géographe et directrice de recherche au CNRS, explique que lorsque les femmes sortent, “elles vont souvent planifier leur mobilité. Elles pensent leur trajet en amont pour éviter des endroits qu’elles pensent être peu sûrs”. Elle ajoute que les femmes ne restent également jamais statiques : “Toutes les enquêtes qu’on a pu faire montrent qu’une femme ne peut pas être en train d’attendre quelque part – qu’un taxi vienne la chercher par exemple… Il faut qu’elle marche, elle doit toujours être en mouvement.”

Et si les conclusions des spécialistes concernent d’une part les mobilités, elles touchent également aux représentations : le paysage urbain est lui aussi inégalitaire, à travers ses symboles. Au détour d’une balade en ville, il est rare de voir une rue, une place ou un parc nommé en hommage à une femme. Les statues, également, entretiennent des stéréotypes de genre en représentant les hommes en majesté, et les femmes en décor. Selon Yves Raibaud, géographe, si les villes sont faites ainsi, c’est parce que ce sont les hommes qui les gouvernent depuis toujours : “Historiquement, les villes correspondent aux pouvoirs, politiques, militaires et financiers, détenus par les hommes”.

Non-mixité et “diagnostic genré” : des premières solutions s’esquissent

Ce constat est également, depuis peu, à la racine des travaux de recherches d’urbanistes et géographes, et des projets d’aménagement des grandes villes. Aujourd’hui, pour pallier ces inégalités, des solutions sont mises en place : pour encourager les petites filles à venir au skatepark, la ville de Malmö, en Suède, les leur réserve un jour par semaine. Est-il nécessaire de passer par la non-mixité ? Oui, “quand la situation de domination est telle qu’il n’y a pas d’autre solution”, répond Yves Raibaud. Quelques métropoles ont également pris le pas du “diagnostic genré” : c’est le cas de Paris, de Lyon ou de Bordeaux, qui proposent désormais des guides spécialisés et des conférences visant à alerter l’opinion publique et tisser des solutions.

Des géographes et urbanistes ont également décidé de prendre ces questions à bras-le-corps, en se réunissant au sein d’associations et de groupes de recherche. Ils se nomment Les Urbain.e.s, Genre et Ville, et mènent réflexions, discussions et actions pour construire la ville de demain. Une ville réaménagée, où chacun et chacune auraient leur place et se sentiraient représentés.

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