Robert Hébras, le dernier survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane, est mort à 97 ans

Publicité

Robert Hébras, le dernier survivant du massacre d’Oradour-sur-Glane, est mort à 97 ans

Par
Robert Hébras, lors d'une séance de dédicaces le 5 Août 2020 avec des collégiens de la nouvelle ville d'Oradour-sur-Glane.
Robert Hébras, lors d'une séance de dédicaces le 5 Août 2020 avec des collégiens de la nouvelle ville d'Oradour-sur-Glane.
© Maxppp - Marc Ollivier

Il était l’un des six rescapés du village martyr. Mitraillé par des soldats allemands dans une grange, il avait survécu. Après le procès du massacre, il y a 70 ans, Robert Hébras avait décidé de témoigner pour raconter son histoire.

Robert Hébras, le dernier survivant de la tragédie d'Oradour-sur-Glane, est mort samedi 11 février à l'hôpital de Saint-Junien en Haute-Vienne. Il avait 97 ans. Après avoir survécu au massacre, il a mis plusieurs années avant de témoigner.

La première fois, c’était au procès organisé à Bordeaux en 1953. Il fait ensuite du devoir de mémoire son combat, en intervenant dans des écoles, en participant à des visites des ruines du village. Le 10 juin 1944, 643 habitants, des hommes, des femmes, des enfants, sont morts, tués par la division allemande SS Das Reich. C’est l'un des pires massacres de civils commis par les Nazis en Europe occidentale.

Publicité

Il survit au massacre, à 18 ans

Le 10 juin 1944, Robert Hébras allait avoir 19 ans.  Au journal Le Populaire  du Centre, il se souvient : "Ce jour-là, il faisait beau. Nous étions en train de discuter avec mon copain Martial du match de foot du lendemain, devant ma maison. J’étais à l’époque garagiste et le hasard avait voulu que mon patron me donne un jour de congé le 10 juin. Vers 14 heures, deux camions chenilles arrivent dans le village avec des soldats habillés en noir. La plupart des gens ont pensé qu'ils rejoignaient le front de Normandie. Mon copain, lui, a pris la fuite. Il a eu raison…”

Il est l’un des six rescapés de la tuerie. Des soldats l’ont mitraillé, avec soixante autres habitants, puis laissé pour mort dans la grange Laudy, caché, empilé sous les cadavres. Il est touché à un bras, à la poitrine et une jambe, mais le jeune homme parvient à s’extirper et à s’enfuir, alors que les SS commencent à brûler la grange. Les SS ont creusé des fosses, et incendié le village. Ils avaient également enfermé des femmes et des enfants dans l’église, puis mis le feu. Les deux sœurs de Robert Hébras, Georgette et Denise, ainsi que sa mère, sont brûlées vives dans cette église. Son père et sa troisième sœur n’étaient pas dans le village au moment du massacre.

Il témoigne au procès à Bordeaux

La mort de Robert Hébras survient à la veille du 70e anniversaire du verdict dans le procès du massacre.

D'abord, le rescapé se mure dans le silence. Il ne raconte rien de ce qu'il s'est passé. En janvier 1953, il décide de témoigner, pour la première fois, lors du procès de ce symbole de la barbarie nazie, à Bordeaux. Il n'y avait aucun donneur d'ordre sur le banc des accusés, seulement des exécutants, dont 13 Alsaciens "Malgré-nous",  comme le raconte France Bleu.

Sa petite-fille poursuit le devoir de mémoire

Ces dernières années, Robert Hébras avait transmis son travail de mémoire à sa petite-fille Agathe Hébras. Ensemble, ils ont écrit un livre sur l’histoire du village martyr. En 2012, il avait été condamné puis blanchi pour avoir, dans un livre, émis des doutes sur le caractère forcé de l'enrôlement d'Alsaciens dans les Waffen SS. Des Alsaciens et Mosellans enrôlés de force par l'occupant allemand composaient les troupes lors du massacre. Il avait ensuite nuancé ses propos.

En août 2020, des inscriptions révisionnistes avaient été découvertes sur le mur du Centre de la Mémoire de la commune. À la peinture blanche, le mot "martyr" avait été rayé et remplacé par le terme "menteur". Robert Hébras avait fait part de sa consternation : "Ce qui est arrivé, je le prévoyais depuis x temps, parce qu'aujourd'hui on oublie, on a tendance à oublier". Il regrettait que "beaucoup de générations qui arrivent derrière ont tendance à vouloir rayer tout ça, et ils ne se rendent pas comptent que l'on est à la veille d'un conflit."

Robert Hébras le dernier témoin d'Oradour-sur-Glane, et Agathe sa petite fille dans le village martyr.
Robert Hébras le dernier témoin d'Oradour-sur-Glane, et Agathe sa petite fille dans le village martyr.
© Maxppp - Franck Lagier

Le président Emmanuel Macron a salué sur Twitter la mémoire d'un "survivant" qui "consacra sa vie à transmettre le souvenir des victimes, à oeuvrer pour la paix et la réconciliation". La Première ministre, Elisabeth Borne, a évoqué "un infatigable passeur de mémoire".

Robert Héras était le dernier "passeur de mémoire",  depuis la disparition de Marcel Darthout en octobre 2016."Européen convaincu et engagé, il a œuvré au rapprochement des peuples français et allemands en tissant des liens étroits avec la jeunesse des deux pays", écrit l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux. "Nous le savions affaibli depuis quelques jours, que son état de santé s'était aggravé", précise Philippe Lacroix, le maire d'Oradour-sur-Glane à France Bleu Limousin. "C'est beaucoup de tristesse, c'est une page qui se tourne, indiscutablement".

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

pixel