Une étude analyse en profondeur deux ans d’interactions climato-sceptiques sur Twitter

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Une étude analyse en profondeur deux ans d’interactions climato-sceptiques sur Twitter

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Les chercheurs ont analysé des milliers de messages sur Twitter.
Les chercheurs ont analysé des milliers de messages sur Twitter.
© Maxppp - Quentin Déhais

Le rapport révèle qu’une importante communauté climato-sceptique s’est structurée à l’été 2022 en France sur Twitter. Plusieurs milliers de comptes ont commencé à relayer des contenus minimisant ou niant le changement climatique global.

Quatre chercheurs français ont passé deux ans de messages Twitter au peigne fin. Deux années à aspirer des échanges sur le réseau social, depuis début 2021, grâce à une plateforme spécifique. Ils ont collecté plus de 400 millions de tweets et publient lundi leur étude, "Les nouveaux fronts du dénialisme et du climato-scepticisme". Ils montrent comment la parole climato-sceptique s’est libérée et à quel point le discours visant à minimiser le réchauffement climatique s’est répandu sur les réseaux ces dernières années, notamment en France. Les chercheurs ont repéré une date charnière : l’été 2022.

Le rapport complet est disponible ici

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Un activisme né après le Covid, pendant l'invasion de l'Ukraine

Dans leur étude, David Chavalarias, Paul Bouchaud, Victor Chomel et Maziyar Panahi préfèrent utiliser le terme de "dénialistes climatiques" plutôt que "climato-sceptiques". Le dénialisme désigne "le rejet des faits et des concepts indiscutables et bien soutenus par le consensus scientifique, en faveur d’idées radicales et controversées". Le rapport révèle qu’une importante communauté dénialiste s’est structurée à l’été 2022 en France sur Twitter. Plusieurs milliers de comptes ont commencé à relayer des contenus climato-sceptiques.

Les chercheurs ont tenté de dressé un portrait-robot, ou du moins une fiche d’identité de la communauté dénialistes française. D’abord, elle "est nouvellement acquise à cette cause après avoir été antivax", pendant l’épidémie de Covid. Elle s’appuie sur un noyau dur d’environ 2000 comptes. "La transition s’est faite au moment de l’invasion de l’Ukraine et il a lui-même un temps relayé la propagande russe", lit-on dans le rapport.

Il y a également "une proportion non négligeable de comptes impliqués dans la sphère informationnelle de Reconquête". Ils sont aussi prompts à relayer les propos de Florian Philippot et François Asselineau. Mais ils n’ont pas détecté la présence massive de militants d’autres partis traditionnels, comme LFI, EELV, Renaissance, LR ou RN.

Une rhétorique bien rodée

Un compte Twitter est au centre de la propagande climato-sceptique sur le réseau, d’après les analyses de messages postés sur le réseau social. "Elpis_R" compte 17.800 abonnés, il se présente en anglais comme "Climate Science Research" (Recherche en sciences du climat). Il est l’un des moteurs de cette communauté. Il développe ce que les auteurs appellent la rhétorique dite des "5D" :

  • Discrédit : "Si vous n’aimez pas ce que vos critiques disent, insultez-les.”
  • Déformation : "Si vous n’aimez pas les faits, déformez-les."
  • Distraction : "Si vous êtes accusé de quelque chose, accusez quelqu’un d’autre de la même chose.”
  • Dissuasion : "Si vous n’aimez pas ce que quelqu’un d’autre prépare, essayez de lui faire peur.”
  • Division : "Si vos adversaires sont trop forts, divisez-les."
  • D (qu’il a inventé) : favoriser le doute, notamment fertile au climatosceptisme.
Le compte Twitter @Elpis_R, qui relaie des message climato-sceptiques.
Le compte Twitter @Elpis_R, qui relaie des message climato-sceptiques.
- Twitter

Sur Twitter, Elpis_R" présente un extrait tronqué d’un rapport du GIEC qui dit exactement le contraire de ce que lui laisse entendre. "Il n’y a pas de réchauffement climatique", écrit-il, "Le climat a toujours changé et le réchauffement n’est pas dû à nos émissions." Après un militantisme anti-vax, ce compte a passé un cap en devenant bien plus virulent à partir du juin 2022, un mois marqué par une première canicule estivale.

Le compte Twitter @Elpis_R, qui relaie des message climato-sceptiques.
Le compte Twitter @Elpis_R, qui relaie des message climato-sceptiques.
- Twitter

De faux comptes pour influencer l'opinion publique

Au niveau mondial, l’étude montre que le débat mondial sur le changement climatique sur Twitter est fortement bipolarisé. Environ 30% des comptes qui abordent les questions climatiques sur Twitter sont jugés dénialistes. Un chiffre corroboré par une enquête mondiale publiée en 2020. En Amérique du Nord : 41% des personnes interrogés affirment que "le réchauffement climatique a des causes naturelles", 31% en Europe occidentale.

Les chercheurs révèlent aussi l’ampleur des faux comptes ayant des propos dénialistes. Leur but ; tenter d’influencer l’opinion publique. "Il est possible d’acheter à bas prix de faux comptes, opérés par des humains ou des robots, qui agiront selon les souhaits de leurs acquéreurs, augmentant artificiellement la présence en ligne d’une idée, d’une personne ou d’un produit", note l’étude. L’arrivée d’intelligence artificielles conversationnelles comme ChatGPT permet de réduire "les coûts de ce genre d’opération tout en augmentant l’efficacité", écrivent les chercheurs.

Les auteurs craignent que cette étude soit la dernière, car le nouveau patron de Twitter Elon Musk envisage de couper l’accès des chercheurs aux précieuses données du réseau social.

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