L’UE fixe un objectif de réduction de 90 % des émissions de CO2 pour les poids lourds d’ici 2040

La proposition de règlement tant attendue a été dévoilée hier à Strasbourg par le commissaire européen chargé à l’Action pour le climat, Frans Timmermans, qui a souligné que la mesure permettrait de réduire la demande de combustibles fossiles importés et de stimuler les économies d’énergie dans le secteur des transports. [SHUTTERSTOCK/Canetti]

La Commission européenne a fixé un objectif de réduction des émissions de CO2 de 90 % pour les nouveaux véhicules lourds d’ici 2040, une décision qui laisse la porte ouverte à la vente de certains bus et camions à moteur à combustion au-delà de cette date.

Les objectifs de réduction des émissions de CO2 augmenteront tous les cinq ans environ, en commençant par une réduction de 45 % par rapport aux niveaux de 2019 d’ici à 2030, puis en passant à 65 % d’ici à 2035 et à 90 % d’ici à 2040.

Les objectifs sont basés sur le parc automobile, ce sera donc aux constructeurs de faire en sorte de les atteindre. Par conséquent, alors que la plupart des véhicules en 2040 devront être électriques ou fonctionner à l’hydrogène, une minorité pourra conserver des moteurs à combustion.

Le règlement prévoit également des normes plus strictes pour les autobus urbains, imposant le passage à une technologie neutre en carbone d’ici à 2030.

La proposition de règlement tant attendue a été dévoilée hier à Strasbourg par le commissaire européen chargé à l’Action pour le climat, Frans Timmermans, qui a souligné que la mesure permettrait de réduire la demande de combustibles fossiles importés et de stimuler les économies d’énergie dans le secteur des transports.

Le passage à des véhicules plus propres contribuera également à préserver la position dominante de l’Europe en matière de production, a-t-il fait valoir.

« L’UE est leader sur le marché de la production de camions et de bus et la mise en place de ce cadre juridique constitue dès à présent un moyen de préserver cette position à l’avenir », a déclaré M. Timmermans.

Les poids lourds représentent environ 2 % du trafic sur les routes européennes et sont responsables de quelque 28 % des émissions du transport routier.

Les nouveaux camions diesel seront autorisés jusqu’en 2040 au moins

Les camions fonctionnant aux carburants fossiles seront autorisés au-delà de 2035, avec un retrait progressif possible en 2040 au plus tôt. C’est ce qu’il ressort d’un projet de proposition de la Commission européenne sur les normes d’émission de CO2 révisées pour les poids lourds.

Résistance interne à l’interdiction des moteurs à combustion

« La demande de camions et de bus non polluants ne cessera d’augmenter. Plus tôt nous y arriverons, mieux ce sera pour notre planète, notre industrie, nos citoyens et la qualité de vie dans les villages, les villes et les agglomérations où ils vivent tous », a-t-il précisé.

Selon les informations d’EURACTIV, bien que M. Timmermans ait été favorable à une réduction de 100 % des émissions de CO2 d’ici 2040 au niveau interne, il lui manquait le soutien de son cabinet pour que cette mesure soit adoptée.

Lors d’un entretien fin 2022, le commissaire à l’Industrie Thierry Breton a publiquement remis en question la décision de l’UE de poursuivre l’interdiction des moteurs à combustion pour les voitures individuelles, estimant que cette décision pourrait nuire à la compétitivité industrielle du bloc.

Interrogé par EURACTIV sur la possibilité d’utiliser des carburants de synthèse (e-fuels) dérivés de l’hydrogène comme moyen de décarboner les véhicules lourds, M. Timmermans a adopté une position critique.

« Je pense que nous devrions faire très attention à ce que les carburants de synthèse soient utilisés là où ils sont vraiment nécessaires, c’est-à-dire principalement dans l’aviation. Nous ne devrions pas les utiliser pour le transport routier, sous quelque forme que ce soit », a-t-il déclaré.

Maintenir la « diversité technologique »

Le groupe de centre droit au Parlement, le Parti populaire européen (PPE), qui s’oppose fermement à l’interdiction de vente des véhicules particuliers polluants en 2035, a salué l’objectif de réduction de 90 % pour les poids lourds.

« Avec la proposition d’aujourd’hui sur les normes d’émission pour les véhicules lourds, la Commission européenne fait enfin marche arrière sur son idéologie de l’interdiction. Le vice-président social-démocrate [Frans] Timmermans n’a apparemment pas réussi à obtenir ce qu’il voulait », a déclaré l’eurodéputé Jens Gieseke (PPE).

« Cela constitue un succès pour tous ceux qui ont fait campagne pour l’ouverture technologique au cours des derniers mois », a-t-il ajouté.

Le Comité de liaison de la construction d’équipements et de pièces d’automobiles (CLEPA) a également salué la Commission européenne pour avoir permis la « diversité technologique » à travers son objectif de 90 % pour 2040. Toutefois, elle a dénoncé les objectifs intermédiaires comme étant trop ambitieux.

« Nous saluons le maintien de la diversité technologique en ne définissant pas de mandat de retrait progressif, cependant, l’augmentation des objectifs 2030 et 2035 est très difficile », a déclaré le secrétaire général de la CLEPA, Benjamin Krieger. « Il y a seulement quatre ans, l’objectif 2030 a été défini, ce qui était déjà ambitieux, et cet objectif devrait être fixe. »

La secrétaire générale de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), Sigrid de Vries, a demandé à l’UE d’augmenter le nombre de points de recharge à travers le bloc en réponse aux nouveaux objectifs.

« Étant donné que les bornes de recharge adaptées aux besoins spécifiques des camions sont presque totalement absentes aujourd’hui, le défi à relever est énorme », a-t-elle déclaré.

« Nous craignons que seuls les constructeurs de véhicules soient pénalisés si d’autres parties prenantes ne remplissent pas leur rôle pour rendre cela possible, en particulier compte tenu du faible niveau d’ambition dont font preuve les États membres concernant le règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs (AFIR) », a-t-elle ajouté.

Les entreprises automobiles dénoncent la probable interdiction des camions à combustion

Une association européenne représentant les fournisseurs de l’industrie automobile a critiqué l’UE pour avoir violé le principe de neutralité technologique dans le transport routier.

Une « concession dérisoire » ?

L’ONG environnementale Transport & Environment s’est montrée très critique à l’égard de la proposition, affirmant que le nouveau plan de l’UE « rendrait impossible l’objectif climatique de neutralité carbone ». Cette ONG avait fait campagne pour des objectifs plus stricts, avec une date butoir de 2035 pour la vente de véhicules polluants.

Fedor Unterlohner, responsable du fret chez Transport & Environment, a déclaré que le fait de ne pas fixer de date limite pour le passage à des camions 100 % non-polluants était « une concession dérisoire aux constructeurs de camions ».

« Sans des objectifs plus stricts à partir de 2030, il y aura une surabondance de camions diesel polluants sur nos routes pour les décennies à venir », a-t-il poursuivi.

Le dossier va maintenant être transmis au Parlement européen et au Conseil, qui étudieront le règlement et proposeront des amendements.

L'UE sonne le glas des véhicules essence et diesel

Les législateurs de l’Union européenne ont conclu un accord tard dans la soirée de jeudi exigeant que les nouvelles voitures et camionnettes soient neutres en carbone à partir de 2035. Cet accord capital met l’Europe sur la voie d’un avenir où l’automobile sera essentiellement électrique.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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