En France, les impôts de production parmi les plus élevés d’Europe

Le poids de ces impôts en France sur les entreprises est le deuxième plus élevé en Europe, derrière la Suède. « La France est très, très en arrière », analyse Lisa Thomas-Darbois, chargée d’études à l’institut Montaigne et coordinatrice du baromètre. [Bensliman Hassan/Shutterstock]

La France fait office de mauvaise élève sur la question des impôts de production, qui représentaient 3,8 % du PIB en 2021, contre une moyenne européenne de 2,5 %, selon le dernier baromètre de l’Institut Montaigne, en partenariat avec le cabinet d’audit Mazars.

Le poids de ces impôts en France sur les entreprises est le deuxième plus élevé en Europe, derrière la Suède. « La France est très, très en arrière », analyse Lisa Thomas-Darbois, chargée d’études à l’institut Montaigne et coordinatrice du baromètre, publié mercredi (15 février).

Dans les autres pays européens, « le poids des impôts de production dépasse rarement les 2 % du PIB, voire se maintient à un niveau inférieur ou égal à 1 % du PIB », selon les résultats du baromètre, publiés pour la deuxième année consécutive.

Les impôts de production sont une catégorie complexe et assez hétérogène d’impôts qui s’appliquent à « toute la chaîne de production », précise Mme Thomas-Darbois à EURACTIV, dont les revenus financent surtout les collectivités locales et la sécurité sociale.

Ils incluent la taxe sur les salaires pour les activités non assujetties à la TVA, la contribution au financement de l’apprentissage, mais aussi la cotisation foncière des entreprises, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Contrairement à l’impôt sur les sociétés, qui ne s’applique qu’aux bénéfices, les impôts de production s’appliquent indépendamment de la rentabilité des entreprises.

À l’exception notable de la Suède, la France fait office de mauvaise élève quant à la part des impôts de production dans le PIB, selon le dernier baromètre de l’Institut Montaigne, en partenariat avec le cabinet Mazars.

Une taxation « stupide et inefficace »

« Les impôts sur la production sont les plus nocifs en raison des distorsions qu’ils engendrent tout au long de la chaîne de production », soulignait une note du Conseil d’analyse économique (CAE) en juin 2019. Dans les faits, le poids de ces taxes affecte le mode de production des entreprises, et leur capacité à être compétitives relatives à leurs homologues européennes.

C’est par exemple le cas de la C3S, instaurée en 1992 pour financer en partie la sécurité sociale. La taxe s’applique dès qu’un bien produit entre dans le processus de production d’une nouvelle entreprise – c’est donc un impôt sur la valeur ajoutée.

En pratique, il « réduit la productivité, agit comme un impôt sur les exportations et une subvention aux importations de biens intermédiaires et aggrave le déficit de notre balance commerciale », affirme la CAE, qui appelle à une suppression simple et nette.

Une taxation « stupide et inefficace », avait lancé en 2020 le ministre de l’Economie Bruno Le Maire dans les colonnes du Figaro.

La Suède est, quant à elle, une exception notable, avec un poids des impôts de production à hauteur de 9,9 % du PIB du pays. Un chiffre à nuancer : contrairement à la France, « ces impôts financent une grande partie de la protection sociale à la place de cotisations sociales » suédoises, qui sont donc moindres par rapport à la France, selon le site spécialisé fipeco.

Face à une productivité française en berne, des réformes s’imposent

Une note du Conseil d’analyse économique pointe le ralentissement de la productivité en France depuis 20 ans. Au cœur du problème : un décrochage éducatif conséquent et un mécanisme d’incitation fiscale mal orienté. Face à ses voisins européens, la France est à la peine.

Vers une baisse générale des impôts

En même temps, le baromètre met en exergue une baisse générale et soutenue des impôts de production relatifs au PIB entre 2020 et 2021 – les données les plus récentes. Ainsi, la France est passée de 4,5 % à 3,8 %, pour une recette fiscale en 2021 d’environ 95 milliards d’euros, contrairement aux 113 milliards de l’année précédente. Une tendance qui existe dans tous les autres pays européens étudiés, à l’exception de la Suède.

C’est le résultat d’une politique pro-entreprise de la part d’Emmanuel Macron qui, dès la publication du Plan de relance de 2021, s’engageait « en faveur de la compétitivité des entreprises françaises en instaurant une baisse substantielle de la fiscalité de production », selon une note de la Direction générale des entreprises (DGE).

La CVAE était notamment dans la ligne de mire du gouvernement : impôt foncièrement inefficace et construit de telle manière qu’il encourageait les plus grosses entreprises à faire de l’optimisation fiscale, selon la DGE, son assiette a été réduite de 50 % entre 2021 et 2023.

La suppression totale de cette taxe dans les deux ans a été actée lors du Projet de loi de finances 2023, pour « accroître la compétitivité des entreprises, notamment industrielles », explique le ministère de l’Economie. Le gain de compétitivité est estimé à 9,3 milliards d’euros ; 530 000 entreprises devraient bénéficier de cette suppression, selon les chiffres de la DGE.

Comment compenser cette perte sèche dans les recettes de l’Etat, au moins en partie ? De nombreuses mesures sont à l’étude, comme une réforme des niches fiscales, ou encore une taxation plus efficace des multinationales par le biais de l’impôt minimum de 15 % sur les bénéfices, instauré par l’OCDE en 2021.

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