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La montée des eaux menace les villages du Bengal Occidental, en Inde

Face à la montée du niveau des mers, le chef de l’ONU appelle à passer à l’action

Climate Visuals/Supratim Bhattacharjee
La montée des eaux menace les villages du Bengal Occidental, en Inde

Face à la montée du niveau des mers, le chef de l’ONU appelle à passer à l’action

Climat et environnement

Devant le Conseil de sécurité, réuni ce mardi 14 février pour un débat sur l’élévation du niveau des mers et ses implications pour la paix et la sécurité, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et le Président de l’Assemblée générale, Csaba Kőrösi, ont exhorté les Etats à montrer leur volonté politique pour éviter les catastrophes humanitaires et les conflits qu’annonce la montée des océans.

« La montée des mers engloutit l’avenir », a déclaré António Guterres. « Elle n’est pas seulement une menace en soi. C’est un multiplicateur de menaces ».

Rappelant le « déluge de problèmes » que vont subir les centaines de millions de personnes vivant dans les petits États insulaires en développement et d’autres zones côtières de faible altitude à travers le monde, dont l’existence pourrait même être compromise, les menaces pour les vies humaines, l’accès à l’eau, à la nourriture et aux soins de santé, le Secrétaire général a décrit les dégâts causés par l’intrusion de l’eau salée pour les emplois et pour des économies entières dans des industries clés comme l’agriculture, la pêche et le tourisme, mais aussi pour les infrastructures vitales de pays, en particulier si la montée des mers est associée à des phénomènes météorologiques extrêmes.

Le chef de l’ONU, s’appuyant sur les données récentes de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), a rappelé que le niveau moyen mondial de la mer a augmenté plus rapidement depuis 1900 qu’au cours de tout siècle précédent au cours des 3.000 dernières années. De plus, l’océan s’est réchauffé plus rapidement au cours du siècle dernier qu’à tout autre moment au cours des 11.000 dernières années, et l’OMM confirme que même un réchauffement climatique miraculeusement limité à 1,5 degré Celsius n’empêcherait pas une élévation importante du niveau de la mer.  

Des risques, de Shanghai et New York

« Mais chaque fraction de degré compte », a-t-il réitéré. « Si les températures augmentent de 2 degrés, cette élévation pourrait doubler, avec de nouvelles augmentations de température entraînant une augmentation exponentielle du niveau de la mer ».  

Le Secrétaire général a passé en revue des pays comme le Bangladesh, la Chine, l’Inde et les Pays-Bas tous à risque quel que soit le scénario, mentionné l’impact pour des mégapoles de tous les continents, allant de Lagos, Bangkok, Dhaka, Jakarta à Mumbai, Shanghai et New York.

Le Pakistan a été durement affecté l'été dernier par des inondations catastrophiques.
PNUD Pakistan
Le Pakistan a été durement affecté l'été dernier par des inondations catastrophiques.

Après avoir cité les 900 millions de personnes, une sur dix sur Terre, qui vivent dans des zones côtières à basse altitude, et les ravages de l’eau de mer sur les cultures déjà visibles du Vanuatu à la Somalie, le chef de l’ONU a rappelé que la fonte des glaces - 270 milliards de tonnes perdues chaque année au Groenland - menace aussi les bassins fluviaux de l’Himalaya, causant les inondations monstres du Pakistan, et à terme, l’atrophie future des grands fleuves d’Asie.

Opter pour l’aide et la justice climatique

Mais par-delà les mises en garde contre un prochain « exode des populations mondiales à une échelle biblique », et une imminente concurrence féroce pour l’eau, source d’instabilité et de conflits, António Guterres a tenu à appeler à l’action.

D’abord, en s’attaquant à la cause profonde de la montée des mers, la crise climatique, qui si elle dépasse les 1,5 degré Celsius garantissant un avenir vivable, pourrait en approchant des 2,8 degrés condamner à mort des pays vulnérables. Cette perspective exige à ses yeux une « action plus concertée pour réduire les émissions et garantir la justice climatique », passant par l’octroi de ressources nécessaires aux pays en développement.

Ce plan exige, selon lui, la mise en œuvre du fonds de pertes et dommages, l’engagement de 100 milliards de dollars de financement climatique pour les pays les moins riches, le doublement du financement de l’adaptation et la mobilisation de ressources financières privées à un coût raisonnable.

Le Secrétaire général Antonio Guterres durant le débat du Conseil de Sécurité sur l'élévation du niveau des mers.
UN Photo/Loey Felipe
Le Secrétaire général Antonio Guterres durant le débat du Conseil de Sécurité sur l'élévation du niveau des mers.

Consolider la paix

Cette approche, explique António Guterres, doit aller de pair avec une meilleure compréhension des causes profondes de l’insécurité, et traiter un éventail beaucoup plus large de facteurs qui compromettent la sécurité – de la pauvreté, de la discrimination et de l’inégalité, des violations des droits de l’homme aux catastrophes environnementales comme l’élévation du niveau des mers.

Il a ainsi rappelé le rôle du Fonds pour la consolidation de la paix qui soutient activement les efforts de résilience face aux effets des changements climatiques, et l’importance de la prévoyance autant que des alertes précoces contre les catastrophes naturelles

Revoir le droit, et… les droits humains

Enfin, il a abordé l’impact de la montée des mers sur tous les cadres juridiques et de droits de l’homme, avec la diminution des masses continentales, et les risque de conflits liés à l'intégrité territoriale et aux espaces maritimes, qui exigent de combler les lacunes des cadres juridiques existants.

Le chef de l’ONU a aussi souhaité des réponses juridiques innovantes aux effets de l’élévation du niveau des mers sur les déplacements forcés, sur l’existence du territoire terrestre de certains Etats et à fortiori sur le droit international des réfugiés.

« Les droits humains des personnes ne disparaissent pas parce que leurs maisons disparaissent », a-t-il rappelé, notant à cet égard le travail de la Commission du droit international sur le maintien du statut des Etats malgré la perte de territoire, par la cession ou l’attribution de portions de territoire à un État touché, ou même l’établissement de confédérations d’États.

Pour sa part, Csaba Kőrösi, Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, a appelé devant le Conseil de sécurité à « élever collectivement nos ambitions » et souligné les propos d’éminents scientifiques réunis à l’Assemblée générale pour un débat sur « le climat, les conflits et la coopération » qui tous ont encouragé les dirigeants du monde à adopter une approche pangouvernementale et pansociétale de ces questions. « Nous avons les données. Nous avons les cadres. Ce qu’il faut maintenant – comme toujours – c’est la volonté politique d’agir », a-t-il martelé.

Des poissons dans les sous-sols de l’ONU

Csaba Kőrösi n’a pas ménagé non plus l’ONU à ce propos, évoquant le souvenir de l’ouragan Sandy en 2012 à New York, après lequel « des poissons nageaient au milieu des serveurs du siège des Nations Unies », et l’organisation n’avait pas échappé non plus aux critiques sur son silence et son impréparation face au changement climatique.

« Sommes-nous prêts, avons-nous tiré les leçons de la prévention ? » a t-il demandé, avant d’exhorter les Etats à profiter « des nouvelles fenêtres de coopération et d’inclusion qu’ouvrent les urgences climatiques » et à renforcer leurs expertises locales.

Sinon, a-t-il conclu, dans un rappel des conséquences de l’élévation des mers, «  il est possible, je le crains, que cette Assemblée compte moins de 193 membres à l’horizon 2100, ou même 2050 ».