Présentée au cœur du 51 Chambers Streets, dans le quartier de Tribeca de New York ce lundi 13 février, la collection automne-hiver 2023-2024 de Tory Burch a amassé les foules. Si le premier rang était bien étoilé - réunissant Ashley Graham, Claire Foy, Suki Waterhouse ou encore Maddie Ziegler - le catwalk n’était pas en reste, puisqu’Irina Shayk, Emily Ratajkowski ou Jill Kortleve ont défilé pour la designer américaine. Sur le podium, des silhouettes aussi sophistiquées que décontractées se sont enchaînées sur des titres entraînants : les vestes de costume et les pulls sont légèrement surdimensionnés, les manches sont loose et comme retroussées, les pantalons sont droits et larges, les jupes portefeuille tombent parfaitement et les manteaux présentent des coupes impeccables. Un vestiaire daywear aussi cool qu’élégant upgradé par des jeux de matières nobles, parfaitement mélangé à des tenues de soirée plus sensuelles. Parmi ces dernières : des ensembles composés de jupes et de tops inspirés de la lingerie et du corsetage, des robes fourreau bi-matière aux épaules dénudées, mais aussi des robes midi fluides satinées aux couleurs chatoyantes ou d’autres, droites et doublées de franges perlées, complétaient cette collection féminine. 

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Tory Burch, une self-made woman inspirante

Classée au 73ème rang des femmes les plus influentes au monde en 2016 par le magazine « Fortune » et 25èmedans le classement « Forbes » des femmes ayant acquis leur fortune par leur mérite personnel en 2022, Tory Burch est l’incarnation même de la self-made woman et du rêve américain. Après des années à évoluer dans le monde de la mode, passant par les rangs du magazine « Harper’s Bazaar » avant de s’occuper de la communication chez Loewe ou Ralph Lauren, la créatrice américaine a décidé de voler de ses propres ailes en lançant sa propre marque de prêt-à-porter de luxe en 2004. Le succès n’a pas tardé à frapper à sa porte outre-Atlantique, porté notamment par certaines pièces emblématiques à l’instar des ballerines Reva estampillées du fameux logo doré. Véritable icône de la mode aux États-Unis depuis maintenant une quinzaine d’années, Tory Burch impose désormais - discrètement mais sûrement- son style sophistiqué et intemporel en Europe et en France. Entre l’implantation de sa marque dans le marché français (ouverture d’une première boutique parisienne en 2015, corner aux Galeries Lafayette…) ainsi que le changement de stratégie opéré par la marque en 2019, déléguant les rênes de la maison à Pierre-Yves Roussel et permettant ainsi à Tory Burch de se concentrer à 100% sur la création, les produits de la griffe de luxe gagnent du terrain dans le cœur des modeuses et des consommatrices à travers le monde. Grâce à cette nouvelle organisation, Tory Burch peut pleinement développer ses idées et son style personnel et cela se ressent particulièrement depuis quelques saisons. Un nouvel élan, plus branché et plus cool, qui se traduit autant à travers les collections présentées lors des défilés qu’à travers les diverses campagnes (prêt-à-porter, maroquinerie et chaussures), incarnées notamment par des it-girls pointues à l’instar d'Emily Ratajkowski, de Sydney Sweeney ou de  Liya Kebede. Rencontre avec la créatrice.

ELLE. Qu’est-ce qui vous a conduit à lancer votre marque de mode en 2004 ? 

Tory Burch. Quitter ma carrière alors que j’avais trois garçons en bas âge a été une décision difficile, mais à ce moment-là j’avais deux idées en tête : monter ma propre entreprise et créer une fondation dédiée aux femmes. Pour réaliser financièrement ce deuxième souhait, il me fallait d’abord rencontrer le succès via mon entreprise, c’est donc de là que l’idée de créer ma marque est née. Du côté personnel, il me manquait quelque chose dans ma vie à ce moment-là, ça m’a incitée à me lancer. 

ELLE. Quelle place la mode occupait-elle dans votre vie avant cela ? 

Tory Burch. Je travaillais déjà dans la mode avant de lancer ma marque. Je travaillais pour Loewe et Ralph Lauren notamment, mais je n’avais jamais dessiné et crée à proprement parler, j’étais plutôt du côté de la communication, de la pub et du copywriting. Mais c’est avant tout en voyant le style, l’allure et le sens de la mode de mes parents durant toute mon enfance que j’ai développé un attrait pour les habits, malgré mon côté « garçon manqué » de l’époque. 

ELLE. Vous avez lancé la Tory Burch Foundation en 2009, qui permet d’aider les femmes à développer leurs entreprises. Est-ce que c’est une mission ou même un devoir pour vous que d’aider les femmes, que ce soit à travers vos créations ou cette fondation ? 

Tory Burch. C’est un devoir mais avant tout un but à part entière pour moi. J’ai toujours pensé qu’il n’y avait rien de plus enrichissant que d’apporter des changements positifs, quelque soit leurs échelles, via une entreprise. En 2004, lorsque j’ai lancé ma marque, c’était un concept encore très récent auquel les gens ne croyaient pas. C'est très encourageant de voir qu’aujourd’hui le monde a changé et que de plus en plus de choses sont entreprises par les grandes maisons et les marques en général.    

ELLE. Quels conseils donneriez-vous à une femme qui souhaiterait lancer sa propre marque de mode ?

Tory Burch. Je dirais qu’il faut avoir sa propre vision et qu’il faut se préparer à travailler très dur, mais qu’il n’y a rien de plus merveilleux. Il faut aussi savoir s’entourer : je me sens personnellement très chanceuse de travailler avec une équipe si talentueuse, avec des personnes qui me suivent depuis des années, et certaines même depuis le tout début ! Lorsque je regarde où j’en suis aujourd’hui, je me dis que c’est aussi grâce à elles. Je recommande donc à toutes les femmes qui hésiteraient à se lancer de sauter le pas. Les femmes sont d’incroyables entrepreneures et le monde se porterait mieux avec plus de femmes à la tête de grandes entreprises.  

ELLE. Et que diriez-vous à votre « moi » d’il y a 20 ans ? 

Tory Burch. Mes parents avaient pour habitude de me répéter « la négativité est bruyante ». Je me dirais simplement de les écouter ! (rires) 

ELLE. Vous êtes une femme qui crée pour les femmes. Quelle est votre vision de la féminité ? 

Tory Burch. Je pense qu’il n’y a rien de plus puissant et beau qu’une femme qui a confiance en elle. Pouvoir faire en sorte qu’une femme se sente bien, forte, puissante et capable d’affronter toutes les situations est quelque chose qui me tient particulièrement à cœur et c’est ce que j’essaie de leur apporter au quotidien. 

ELLE. Comment qualifieriez-vous la femme Tory Burch ?

Tory Burch. Pour moi il n’y a pas une femme Tory Burch type, j’aime l’individualité et la diversité. L’important pour moi est de donner des options qui puissent permettre aux femmes de trouver qui elles sont et qu’elles se les approprient de manière individuelle et personnelle.  

ELLE. Avez-vous des icônes de mode féminines qui vous inspirent au quotidien ? 

Tory Burch. Ma mère est ma première icône de mode, mais je trouve de l’inspiration dans toutes les femmes que je peux croiser au quotidien.  

ELLE. Vous avez récemment lancé le tote bag Ella Bio en cuir végétal. Souhaitez-vous vous tourner vers une mode plus éthique et responsable à l’avenir ? Quels objectifs avez-vous à ce niveau ? 

Tory Burch. Nous devons tous aller vers une mode plus durable. Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais nous nous y activons sur plusieurs plans : on se tourne vers des matières plus responsables, comme le nylon qui est recyclé, on travaille aussi sur des packagings plus écologiques et recyclables, ou, à un autre niveau, on prête une attention particulière à l’éclairage de nos bureaux ou à l’envoi de nos colis. Il y a tellement de niveaux sur lesquels on doit encore s’améliorer pour être une meilleure entreprise, mais on y travaille !

ELLE. Quelles étaient vos inspirations pour la collection prêt-à-porter automne-hiver 2023-2024 ? 

Tory Burch. Je voulais retranscrire le concept de la perception de la réalité autour de la féminité. J’ai donc imaginé cela en travaillant autour de la distorsion ou de la beauté des imperfections, et cela se manifeste autant via la structure des vêtements qu'à travers des détails, à l’instar de talons cassés ou d’épingles à nourrice, que les femmes cachent habituellement mais que j’ai voulu mettre en avant, devenant des fermoirs sur des jupes portefeuille. 

ELLE. Quelles sont les matières privilégiées dans cette collection et pourquoi ? 

Tory Burch. Il y en a énormément ! J’aime travailler autour du corps, de ce fait j’ai employé du powermesh  (un genre de tulle extensible, ndlr), qui est un peu le jersey de cette saison. Il y a également du velours côtelé, du cuir, de la fausse-fourrure, de la viscose, du jacquard….  

ELLE. Qu’en est-il du choix du lieu du défilé ?  

Tory Burch. C’est une ancienne banque, transformée en lieu culturel où a lieu des expositions numériques immersives. J’aimais l’idée d’un lieu qui puisse se transformer et apparaître différemment au moment où le show commencerait, grâce à quelques projections d'images et, ici en l'occurrence, de la Venus de Milo.