LES PLUS LUS
Publicité
Publicité

Syrie : quel avenir pour Jinan et Abdel, les enfants miraculés du séisme ?

Le 6 février, Jinan, 6 ans, et son frère, Abdel, 20 mois, sont retrouvés sains et saufs dans les ruines de leur immeuble à Besnaya-Bseineh, en Syrie.
Le 6 février, Jinan, 6 ans, et son frère, Abdel, 20 mois, sont retrouvés sains et saufs dans les ruines de leur immeuble à Besnaya-Bseineh, en Syrie. © DR
Flore Olive , Mis à jour le

La vidéo de Jinan, une petite Syrienne de 6 ans coincée sous les décombres et protégeant son frère, a fait le tour du monde. Nous avons parlé au médecin qui a pris en charge les deux enfants à Harem, en Syrie. Il est rassurant sur leur état de santé mais s'inquiète des séquelles psychologiques.

«Jinan ne parle pas, ne rit pas, et son frère, Abdel, ne bouge pas du tout… Il reste là sans pleurer, sans réagir », explique Yassin Ahmed, le médecin qui a pris en charge les deux enfants à l’hôpital de Harem, à une cinquantaine de kilomètres d’Idlib où ils vivaient. « Ils sont choqués ; psychologiquement ils vont mal, mais malheureusement nous n’avons aucune équipe psychiatrique qui puisse assurer leur suivi, dit-il. Pour le reste, nous nous en occupons. »

Publicité

J’ai une admiration infinie pour cette fille si courageuse

Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS

Le reste, ce sont des plaies ouvertes sur les jambes pour elle, les chairs à vif et des brûlures au second degré pour lui. « Mais leur état général est bon », précise le médecin, qui ne sait pas combien d’heures exactement Jinan et Abdel Junaid sont restés ensevelis. Il croit se souvenir qu’ils sont arrivés « le premier jour », le 6 février au soir, « très tard ».

La suite après cette publicité

La courte vidéo de cette fillette de 6 ans, coincée sous les décombres mais protégeant son petit frère de 20 mois, a fait le tour du monde. « J’ai une admiration infinie pour cette fille si courageuse », a twitté Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé.

La suite après cette publicité
À l’hôpital de Harem, où ils sont pris en charge.
À l’hôpital de Harem, où ils sont pris en charge. © DR

De son bras droit, le seul qu’elle puisse bouger, Jinan couvre et caresse doucement la tête d’Abdel. « Veux-tu qu’on joue ? » lui demande l’un des sauveteurs qui croit la reconnaître mais la prend d’abord pour sa sœur aînée. « Sortez-moi de là, je ferai tout ce que vous voudrez, je serai même votre bonne, mais sortez-moi d’ici », répond Jinan dont la tête repose sur une couverture tandis que le bas de son corps est coincé sous une chape de béton.

Abdel, lui, est allongé sur ce qui ressemble à un matelas. On imagine la chambre, l’amas de gravats s’abattant sur eux au milieu de la nuit, les saisissant dans leur sommeil. Ils ne le savent pas encore, mais ils sont les seuls rescapés de leur famille. Leurs parents et leurs quatre sœurs sont morts. Ils sont quelque part, là, près d’eux, sous les décombres.

La suite après cette publicité
La suite après cette publicité

Dans l’urgence et la confusion des premières heures, les journalistes ont d’abord cru que Jinan s’appelait « Mariam » et que son père était vivant. Mais son identité comme celle de son frère nous ont été confirmées par le médecin ainsi que par Hassan Yassin, le frère de leur mère, et par sa femme, Manal.

Après le tremblement de terre, les bombardements continuent

Mahmoud Mohamed Junaid, le père de Jinan et Abdel, est né à Atarib. Jusqu’en 2018, la ville dépendait du gouvernorat d’Alep sous contrôle du régime syrien, puis elle a été reprise par les islamistes du HTS, Hayat Tahrir al-Sham (Organisation de libération du Levant).

Aujourd’hui, Atarib est le dernier check-point côté rebelle avant le passage en zone gouvernementale. Y rester signifie subir les assauts constants de l’armée syrienne et ses bombardements... qui n’ont pas cessé après le tremblement de terre. Depuis cinq ans, on y vit sans électricité, parce que plus aucun service ne fonctionne, mais aussi parce que la moindre lueur fait de vous une cible.

Jinan (en bleu) et Abdel (couché au milieu avec un bonnet blanc) avec leur père, Mahmoud Mohamed Junaid, et leurs sœurs, Alaa, Janna, Nadima et Retaj. Seuls Abdel et Jinan ont survécu.
Jinan (en bleu) et Abdel (couché au milieu avec un bonnet blanc) avec leur père, Mahmoud Mohamed Junaid, et leurs sœurs, Alaa, Janna, Nadima et Retaj. Seuls Abdel et Jinan ont survécu. © DR

Cet enfer, Mahmoud Mohamed Junaid, le père, a voulu le fuir. Mécanicien automobile, il est parti s’établir dans le village de Besnaya-Bseineh, près de Harem. La zone a beau être, elle aussi, sous contrôle du HTS, elle est plus sûre. Et puis, la mère de Jinan et Abdel y a grandi. Jinan y est née juste après leur arrivée.

Depuis le début du conflit, ils sont ainsi des milliers à avoir afflué de tout le pays, à la recherche d’un peu de sécurité. Ils survivent dans des camps de fortune bondés.

Mahmoud et sa femme étaient parvenus à louer un appartement situé au deuxième niveau d’un immeuble de six étages, où ils se trouvaient avec leurs six enfants quand le bâtiment les a ensevelis.

Des enfants de la guerre qu’une catastrophe naturelle a rendus orphelins

Ces derniers jours, les réfugiés de Besnaya-Bseineh et de Harem ont dû accueillir d’autres réfugiés, rescapés du séisme qui a fini de détruire, entre autres, Atarib, d’où beaucoup sont arrivés. Dans les tentes, les baraques de tôle, ils s’entassent à dix ou vingt. Impossible de tenir longtemps, au cœur de l’hiver, dans de telles conditions de pauvreté et de promiscuité, au point que certaines familles ont préféré faire demi-tour, quitte à vivre sous les bombardements et dans leurs maisons détruites.

Que va-t-il advenir de Jinan et Abdel ? Leur oncle ou un autre membre de cette famille, très conservatrice et religieuse, les prendra peut-être en charge... Le frère et la sœur sont des enfants de la guerre qu’une catastrophe naturelle a rendus orphelins. Et c’est encore la guerre qui les attend. Ensemble, ils devront affronter une énième fois une adversité qui les dépasse. Une seule certitude pour le petit Abdel : Jinan sera là pour le protéger.

Contenus sponsorisés

Publicité