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Rupture

Les Républicains : Eric Ciotti évince son numéro 2 Aurélien Pradié après des désaccords sur les retraites

Les divergences d’opinions sur le soutien, ou non, au projet de réforme du gouvernement d’Elisabeth Borne, déclenchent un nouveau psychodrame au sein du parti de droite.
par LIBERATION et AFP
publié le 18 février 2023 à 11h43

Son bail de numéro 2 des Républicains aura duré exactement un mois. Aurélien Pradié a été démis samedi de ses fonctions de vice-président de LR par le patron du parti, Eric Ciotti, qui lui reproche d’avoir contesté sa ligne à l’égard de la réforme des retraites. «Ses prises de position répétées [n’étaient] plus conformes avec les valeurs de cohérence, d’unité et de rassemblement qui doivent guider la droite républicaine», a justifié Ciotti dans un communiqué lapidaire, dénonçant une «aventure personnelle».

La pression montait depuis des semaines sur le député du Lot. Le 12 février encore, le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau affirmait que Pradié ne pourrait pas garder son poste s’il ne votait pas la réforme des retraites. Ciotti aura attendu la fin de l’examen du texte à l’Assemblée, vendredi, pour passer à l’action. Elu en décembre, le nouveau président de LR avait rapidement topé avec le gouvernement pour soutenir, sous certaines conditions, le projet de réforme. Projet que Pradié n’a, lui, cessé de remettre en cause au nom de sa ligne «sociale», exigeant notamment des substantielles avancées dans la prise en compte des carrières longues. Le numéro 2 de LR, avec d’autres députés, voulait l’assurance que toute personne qui entre sur le marché du travail avant 21 ans puisse partir à la retraite à taux plein après avoir cotisé 43 annuités, et ce sans que l’âge légal de départ ne constitue une barrière.

Si le gouvernement a semblé faire un pas en ce sens, Aurélien Pradié comme d’autres députés LR ont considéré que ces avancées n’écartaient pas totalement la possibilité pour certaines personnes effectuant des carrières longues de devoir cotiser 44 annuités. Résultat : la quatrième éviction d’un vice-président du parti en sept ans, après Nathalie Kosciusko-Morizet en 2016 par Nicolas Sarkozy, Virginie Calmels en 2018 par Laurent Wauquiez et Guillaume Peltier en 2021 par Christian Jacob.

Peu de temps après la publication du communiqué mettant fin à ses fonctions, Pradié a maintenu ses positions, dans un message sur Twitter : «Le seul sort qui compte, c’est celui des Français pour lesquels nous sommes engagés. Des convictions, ça se défend. Sans relâche».

Eric Ciotti et Aurélien Pradié étaient concurrents lors des élections pour la présidence du parti fin 2022, ainsi qu’avec le président des sénateurs LR Bruno Retailleau. Cadet de la compétition, et bien moins connu que les deux autres prétendants, Pradié avait obtenu au premier tour le score flatteur de 22 % des voix. Ce pécule avait fait de lui l’arbitre du second tour, où il avait apporté un soutien implicite à Ciotti. Victorieux avec seulement 53 % des voix face à Retailleau, ce dernier avait fait de Pradié son numéro 2… mais l’avait flanqué d’un alter ego, l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, incompatible sur les plans humain et politique avec le Lotois, qui en avait conçu un vif ressentiment.

C’était une turbulence de plus dans le parcours aussi prometteur qu’orageux du trentenaire, déjà secrétaire général du parti de 2019 à 2023. Les fulgurances de cet émule de Jacques Chirac, avocat d’une droite «sociale», ont régulièrement fait bondir l’aile droite de LR, par exemple en mars 2020, quand il revendiquait dans Libération vouloir «questionner le libéralisme» ou croire à la «planification». Aux questions de ligne s’ajoutait le tempérament de l’Occitan : éruptif et pas toujours soucieux du collectif, il a souvent, directement ou par voie de presse, pris à partie ses adversaires internes, s’attirant en retour de solides inimités. Mais ce bon orateur, intuitif et charismatique, est aussi l’un des rares authentiques talents à avoir émergé de LR ces dernières années. Même s’il s’en défend, peu doutent qu’il envisage à terme une candidature présidentielle.

Comment réagira-t-il à son évincement ? Minoritaire et désormais sans titre à LR, il pourrait se sentir invité à quitter le parti avec ses soutiens – une aventure toujours incertaine, passé le quart d’heure de célébrité. A défaut, il pourrait jouer la carte de l’opposition interne, mettant à l’épreuve les nerfs d’un Ciotti mal élu. Pour ce dernier, l’épisode est un mauvais signal de plus. En démettant, il affirme une autorité dont les dernières semaines pouvaient faire douter. Mais le parti ne sort pas moins divisé et le bilan de ce début de présidence pas plus brillant.

Mise à jour : à 14 h 15, avec davantage de contexte.

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