Sécheresse : "On fait face à une situation chronique depuis 2017", constate l’hydrologue Emma Haziza

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Sécheresse : "On fait face à une situation chronique depuis 2017", constate l’hydrologue Emma Haziza

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Cette rivière, l'Issole, est déjà à sec a Flassans et n'arrive plus au lac de Carcès, dans le Var.
Cette rivière, l'Issole, est déjà à sec a Flassans et n'arrive plus au lac de Carcès, dans le Var.
© Maxppp - Frank Muller

Il n’est pas tombé de pluie significative depuis 31 jours en France. Les nappes phréatiques ne se remplissent pas, ce qui renforce le phénomène de sècheresse. La situation est alarmante dans les Pyrénées-Orientales et dans le Var. Entretien avec Emma Haziza, hydrologue.

Ce lundi marque le 31e jour sans pluie significative à l'échelle du pays. Par jour sans pluie, Météo-France entend un cumul des précipitations quotidiennes inférieur à 1 mm à l'échelle de la métropole. Le début de semaine restera sec : il n’y a pas de pluie attendue avant mercredi. Des régions sont plus touchées que d’autres, comme les Pyrénées-Orientales, ou encore le Var, placé vendredi en alerte sécheresse.

D’après Météo-France, dans le Var, le déficit pluviométrique atteignait 37% à la mi-février. Sur les 621 millimètres de cumul de pluie attendus de septembre à mars, correspondant à la période de recharge des nappes phréatiques, seuls 327 millimètres sont tombés à ce jour. La situation est globalement extrêmement critique, estime l’hydrologue Emma Haziza.

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FRANCE INTER : Quels sont les niveaux de recharge des nappes phréatiques aujourd'hui ?

EMMA HAZIZA : "Ils sont vraiment disparates parce qu'on n'a pas du tout les mêmes nappes phréatiques en France. D'un territoire à un autre, les situations sont complètement variables en fonction de la géologie de nos sols. Mais ce que l'on voit actuellement, c'est qu'on n'a quasiment pas de pluie depuis trois semaines. Il s'agit en fait d'une situation chronique, d'abord depuis 2017, avec une accélération en 2022. En réalité, c'est une somme de signaux faibles qui sont en train de s'accumuler. Ils nous présentent une année 2023 qui semble problématique."

C’est que l’on est déjà en retard depuis six ans ?

"Sur certains territoires oui, notamment les Pyrénées-Orientales qui sont actuellement quasiment dans un état d'aridité comme jamais on aurait pu l'imaginer. Effectivement, depuis 2017, il n'y a quasiment aucune pluie sur ce territoire."

Outre les Pyrénées-Orientales, quelles sont les zones les plus touchées en ce moment ?

"Actuellement, il y a vraiment les Pyrénées-Orientales d'une part et d'autre part le Var. On a aussi un axe qui va d'Avignon à Aix-en-Provence, Marseille, le long duquel il n'y a pas une goutte de pluie depuis le 1ᵉʳ janvier.

On est dans la prolongation de l'été 2022 ?

"En fin de compte, on n'en est jamais sorti. Sauf qu'on est passé dans une période hivernale où on a eu des anomalies de températures qui sont passées complètement inaperçues et qui, pour autant, sont absolument problématiques quand on regarde de plus en plus précisément. Je vous donne deux exemples : nous avons eu une anomalie de 5,5 degrés durant les quinze derniers jours de l'hiver de décembre et une anomalie de 5,6 degrés de température au mois d'octobre. Ça correspond à l'anomalie qu'on avait eue en août 2003, durant la canicule, qui était de 5,7 degrés. C'est pour vous dire à quel point, en réalité, ce sont des formes de canicule d'hiver qui se produisent et qu'on ne voit pas venir parce qu'on ne prend pas ça comme un risque."

Est-ce que ce n'est pas déjà trop tard pour éviter une sécheresse l'été prochain?

"Il y a plusieurs paramètres qui peuvent rentrer en jeu. Déjà, il y a un printemps qui va arriver. Il va falloir vraiment être attentif parce qu'on a plusieurs éléments. Le premier, c'est que d'ici mi-mars à fin mars, on sera sur la fin de la recharge potentielle de nos nappes phréatiques. C'est-à-dire qu'après toutes les pluies qui arrivent ne servent plus à recharger nos nappes, ne savent plus à rentrer en profondeur. L'eau qui arrive par la suite au printemps est récupérée directement par les premières couches de sol pour créer le printemps, pour générer cette végétation luxuriante en général, que l'on a au printemps. Donc ça signifie que ce sera déjà plié si on n'a pas de pluie d'ici un mois et demi. Mais on a quand même un mois et demi devant nous pour essayer de voir venir les choses.

Et puis après, tout dépend des situations. Est-ce qu'on aura des périodes comme on a pu avoir en 2016, où on a eu un mois de juin extrêmement pluvieux avec une crue de la Seine qui avait fait oublier le fait que c'était une année très chaude et à la base très sèche. Ou bien est ce qu'on aura une année comme par exemple en 2018 ? Là, par contre, le mois de janvier était extrêmement pluvieux, on était excédentaire en eau et pour autant, on avait basculé dans une sécheresse historique. En fait, tous les scénarios sont devant nous. Il faut être très attentif."

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