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Sécheresse : il n'a pas plu depuis 31 jours en France, le record de 2020 égalé

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La France traverse une période de sécheresse hivernale préoccupante. Le record de 31 jours consécutifs sans précipitation d'envergure a été égalé, indique Météo France ce mardi, faisant craindre de graves conséquences pour les nappes phréatiques.

Vue aérienne en drone du lac du Broc dans les Alpes-Maritimes. Vue aérienne en drone du lac du Broc dans les Alpes-Maritimes.
Vue aérienne en drone du lac du Broc dans les Alpes-Maritimes. © Maxppp - Sébastien Botella

Triste record. Il n'a pas plu de façon significative depuis le 21 janvier en France, "du jamais vu en hiver" selon Météo France qui s'inquiète des conséquences sur les sols, déjà asséchés durant l'été 2022. Le record de 2020 - et ses 31 jours consécutifs sans pluie - a été égalé, indique l'organisme ce mardi.

En un mois, sur l'ensemble du pays, le cumul des précipitations a à peine dépassé les 7 mm, "soit seulement 10% de la normale" précise le prévisionniste de Météo France Gaétan Heymes sur Twitter. Si l'absence de pluie se poursuit ce mardi, le record sera battu. Mais la sombre série devrait s'interrompre mercredi avec des "pluies attendues dans le Sud". Jusqu'à présent, la plus longue période sans pluie, tous mois confondus, avait eu lieu entre le 17 mars et le 16 avril 2020. D'ores et déjà, l'épisode de 2022 a éclipsé le record précédent pour des mois d'hiver - 22 jours en 1989.

Cette absence de pluie "est principalement liée aux conditions anticycloniques depuis la fin du mois de janvier qui ont agi comme une espèce de bouclier" contre les perturbations pluvieuses, explique Simon Mittelberger, climatologue à Météo-France.

Si l'anticyclone qui repoussait les perturbations doit céder la place à la pluie mercredi, "le mois de février 2023 devrait se terminer avec un déficit pluviométrique de plus de 50 %, devenant ainsi l'un des mois de février les plus secs, jamais enregistrés depuis le début des mesures en 1959". Illustration de la gravité de la situation, 85 communes du Var ont été placées en alerte vendredi dernier.

Des sols particulièrement secs

Conséquence : partout sur le territoire, les sols sont "nettement plus secs qu’ils ne devraient l’être à cette période de l’année" déplore Météo France. "On est sur un état qu’on rencontre habituellement mi-avril, soit deux mois d’avance." Or, "l’hiver permet habituellement aux sols de se gorger d’humidité, aux nappes souterraines et rivières de retrouver leurs niveaux habituels. C’est ce qu’on appelle 'période de recharge', de septembre à mars. Cette période est cruciale pour que les stocks d’eau se reconstituent."

Certains départements comme les Pyrénées-Orientales, le Var, les Bouches-du-Rhône et l'Isère, où des restrictions d'eau sont déjà mises en œuvre, sont particulièrement concernés. En Ariège, la préfecture a demandé aux habitants et vacanciers de faire attention à leur consommation d'eau potable, en raison des tensions sur le réseau d'approvisionnement. La sécheresse est particulièrement visible au barrage de Montbel, à la limite entre l'Ariège et l'Aude, à une vingtaine de kilomètres de Mirepoix.

À Coucouron en Ardèche, la sécheresse a tari les sources qui alimentaient les réservoirs du village. Les habitants sont ravitaillés en eau grâce à des camions. En Dordogne, les pompiers ont dû intervenir à plusieurs reprises pour de simples feux de végétaux qui ont dégénéré.

En Sarthe, il n'y a pas eu de pluie significative depuis le 18 janvier, une pénurie de précipitations qui n'était pas arrivée depuis l'automne 1983, alerte France Bleu Maine. Depuis le début de l'année, 70 millimètres d'eau sont tombés, contre plus de 100 millimètres en temps normal.

La Bretagne n'avait pas non plus connu de mois de février aussi sec depuis 1998, constate France Bleu Armorique. Il n'y a pas eu un jour de pluie entre le 1er et le 20 février à Rennes, Vannes, Saint-Brieuc et Saint-Malo.

Manque d'enneigement et glaciers à sec

Outre le manque de pluie, "l’enneigement des massifs pyrénéens et alpins est aussi nettement inférieur à ce qu'on observe habituellement à cette saison", indique Météo France. Cela signifie qu'au "printemps la fonte des neiges n'alimentera pas les fleuves", souligne Magali Reghezza, géographe et membre du Haut conseil pour le climat. Sur France Inter, elle pointe la douceur des températures, avec pour conséquence des glaciers "moins chargés en eau" qui ne permettront "pas non plus d'alimentation en eau en juin".

En Savoie, département en vigilance sécheresse, l'arrêté préfectoral, en date du 8 décembre 2022, ne contraint à aucune mesure restrictive. Mais les professionnels et les particuliers sont incités à faire des économies d'eau.

Sécheresses à répétition

Au-delà de cet épisode hivernal, c'est la récurrence du phénomène et le contexte qui sont préoccupants, illustrant les prévisions des experts de l'ONU sur le réchauffement climatique. "Depuis août 2021, tous les mois sont déficitaires en pluie à l'exception de décembre 2021, juin 2022 et septembre 2022", indique Météo France.

Magali Reghezza s'inquiète d'une possible répétition des hivers sans pluie. Selon elle, "la France va être de plus en plus exposée à ce type d'événement". Une "sécheresse pluriannuelle, sur plusieurs années, ça existe : c'est comme ce qui s'est passé en Californie ces dernières années", a-t-elle relevé ce mardi sur France Inter.

La géographe distingue trois types de sécheresse : "La sécheresse météo quand il ne pleut pas, la sécheresse hydro quand il n'y a pas d'eau dans les sols et la sécheresse des sols quand les végétaux n'ont plus à boire". Selon Magali Reghezza, "ces trois sécheresses vont se combiner", du fait notamment du réchauffement climatique.

Les trois prochains mois décisifs

À l'été 2022, la gravité de la situation avait été tempérée par un hiver précédent humide dans la plupart des régions, qui avait permis de recharger les nappes. Début 2023, à l'inverse, leur remplissage est donc en retard. Si la pluie se fait aussi rare dans les mois à venir, "on arrivera à une situation bien pire que celle qu'on a connue en fin d'été 2022", met en garde le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM).

Le temps est donc compté. "On a 25% des nappes qui sont à des niveaux très bas par rapport à la mi-février", estime Serge Zaka, consultant et docteur en agroclimatologie. "C'est comme une bombe à retardement", a-t-il expliqué à franceinfo, "si les nappes phréatiques ne sont pas rechargées d'ici le mois d'avril, il risque progressivement de ne plus y avoir d'eau du tout et donc des restrictions en été. Il ne reste que quelques semaines pour recharger les nappes. À partir du moment où les bourgeons des végétaux s'ouvrent, l'essentiel de l'eau qui tombe sur le sol va être utilisé par les racines des végétaux. Et donc très peu d'eau va s'infiltrer jusqu'aux nappes phréatiques."

La pluviométrie des trois prochains mois (mars, avril, mai) sera donc déterminante.

Réunion au ministère jeudi

Signe de l'inquiétude, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a décidé de réunir en urgence jeudi son "premier comité d'anticipation et de suivi hydrologique (CASH) de l’année pour évaluer la situation". Il a pour objectif "d’informer les représentants des usagers sur la situation hydrologique actuelle" et à venir, et d'anticiper les "risques potentiellement significatifs de sécheresse", a précisé le ministère de la Transition écologique dans un communiqué.

Des "conflits d'usage" se profilent, c'est-à-dire des tensions entre les besoins de l'agriculture, de la production d'hydroélectricité dans les barrages, des loisirs ou encore de la santé des écosystèmes. "Il va falloir changer un certain nombre de pratiques. Les golfs ça peut devenir compliqué", estime Magali Reghezza.

"Nous devons agir d’urgence afin de s’assurer que tous nos territoires soient préparés aux conséquences en cas de manque persistant de pluie", a commenté le ministre de la Transition écologique Chistophe Béchu ajoutant qu’un "Plan eau" serait présenté "prochainement" dans le but de "mieux gérer et utiliser la ressource en eau tout en renforçant les moyens dans chaque territoire pour lutter contre les pénuries".

"Les Agences de l’eau soutiendront des projets de résilience face à la sécheresse à hauteur de 100M€ supplémentaires cette année", a également fait savoir la secrétaire d’État chargée de l’Écologie, Bérangère Couillard.

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