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ReportageAnimaux

À La Réunion, l’éclairage urbain fait des ravages parmi les oiseaux marins

Désorienté par les lumières des lampadaires, ce jeune puffin tropical reprend des forces dans le centre de soin de Saint-André.

Des oiseaux s’échouent en masse sur les plages de La Réunion. En cause, l’omniprésence des éclairages artificiels aux abords des littoraux. Un centre tente de les soigner.

Saint-André (La Réunion), reportage

Aux côtés de quelques-uns de ses semblables, un jeune puffin tropical tout juste échoué reprend des forces dans son cocon installé sous le soleil de Saint-André, à La Réunion. Dans sa nouvelle résidence, le centre de soin de la Société d’études ornithologiques de La Réunion (Seor), où l’on recueille, soigne, nourrit, sauve et protège tous types d’espèces, il sera progressivement remis sur pied, recevant chaque jour des soins adaptés et une bonne dose de tendresse.

Dans quelques jours, probablement, cet oiseau noir et blanc d’environ 31 centimètres de long, au bec effilé, aura retrouvé ses capacités et pourra rejoindre l’océan. En évitant, cette fois, les mastodontes lumineux.

Ce puffin a été soigné, nourri et sauvé par le centre de soin. © Juliette Boffy/Reporterre

Les ravages de la « barrière lumineuse »

« Quand ces juvéniles de trois mois et demi quittent leur nid pour aller en direction de la mer, ils sont confrontés à ce que l’on appelle la “barrière lumineuse”, due à l’urbanisation », explique Julie Tourmetz, responsable du centre de sauvetage de la Seor.

Ces éclairages, qu’ils soient publics ou privés, désorientent les jeunes oiseaux. N’ayant pas encore la vue totalement développée et volant plus bas que les adultes, ces oiseaux sont attirés par les lumières artificielles. Perdus dans les rues ou les littoraux éclairés artificiellement, ils ne peuvent repartir ni s’alimenter.

Le cas de ces petits puffins tropicaux, espèce indigène et protégée de La Réunion, est loin d’être isolé. Les pétrels de Barau, également menacés, les puffins du Pacifique et pétrels noirs de Bourbon sont aussi victimes des éclairages lumineux. Sur 2 500 puffins et pétrels récupérés chaque année, 500 d’entre eux ont véritablement besoin de soins à la suite de luxations, de troubles neurologiques ou encore de fractures. Les 2 000 autres sont simplement perdus ou étourdis et ne nécessitent que quelques heures ou jours de repos.

Un carton = un oiseau, prêt à être relâché par le centre de soin. © Juliette Boffy/Reporterre

Au total, 3 000 oiseaux sont recueillis par le centre chaque année. Et le chiffre ne fait qu’augmenter. Deux périodes sont en effet particulièrement critiques pour les soigneurs : entre novembre et février, saison de l’envol des puffins tropicaux, et avril, période de l’envol des pétrels de Barau. Sauf qu’en janvier, le mauvais temps a fortement été présent. « Cela augmente la pollution lumineuse du fait des halos lumineux », explique Julie Tourmetz. Les oiseaux sont ainsi davantage désorientés.

Des nuits sans lumière

Pour mieux prendre en charge chaque oiseau échoué, le centre a mis en place un système de chaîne de sauvetage à travers des « postes relais » que sont les pompiers, les gendarmes, les vétérinaires et les commissariats. Chez eux, les particuliers peuvent déposer l’animal trouvé en difficulté, qui sera ensuite véhiculé jusqu’au centre de soin par un bénévole, où il vérifiera son état de santé.

Une situation qui s’amplifie, donc, à mesure que l’urbanisation et ses lumières s’accroissent sur les côtes réunionnaises. Pour tenter d’enrayer une partie du problème, l’action « Nuits sans lumière » a été mise en place il y a plusieurs années. Le but : inciter les municipalités volontaires à réduire ou éteindre leurs lumières lors de la période d’envol des pétrels de Barau.

Au total, 3 000 oiseaux sont recueillis par le centre chaque année, et relâchés pour la plupart. © Seor

« La communication et la sensibilisation sont très importantes, mais nous voulions apporter une solution plus concrète pour régler la source du problème, explique Julie Tourmetz. Nous avons donc interagi avec les communes pour les faire diminuer l’éclairage public pendant la période d’envol des pétrels de Barau. De plus en plus de maires ont joué le jeu et, même si ce n’est pas parfait, toute action reste satisfaisante. »

À l’heure actuelle, bien que les vingt-quatre communes de l’île sollicitées agissent chacune à leur niveau sur cette problématique, l’action semble encore trop aléatoire et pas assez coordonnée pour obtenir des résultats tangibles. « Aujourd’hui, nous aimerions étendre les actions à toutes les périodes d’envol. L’objectif n’est pas de faire éteindre toutes les lumières de toutes les communes durant toute l’année, mais plutôt de délimiter, avec elles, les zones les plus impactantes en termes d’échouages, indique Julie Tourmetz.

L’une des solutions, selon elle, serait que les communes remplacent leurs éclairages délétères par des « appareils non nocifs », comme une LED ambrée ou des caches opaques. « Mais nous savons bien que tout cela se fait sur le temps long. »

Si le pic des envols des puffins tropicaux touche bientôt à sa fin, la Seor alerte désormais sur la « période noire » de l’envol des pétrels de Barau, qui se situera aux alentours du 13 au 25 avril.

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