Il n’y aura de paix que sans Vladimir Poutine, selon un ancien haut diplomate russe

Dans sa lettre de démission, il critiquait une guerre « insensée », disait avoir honte de son pays et attaquait le ministère russe des Affaires étrangères pour avoir propagé « mensonges, bellicisme et haine ». [EPA-EFE/SERGEI KARPUHIN/SPUTNIK/KREMLIN POOL]

L’Occident doit renforcer son soutien militaire à l’Ukraine pour vaincre le régime de Vladimir Poutine, qui sera toujours « une source de guerre, d’agression et de déstabilisation », a déclaré le seul diplomate russe à avoir démissionné en contestation de l’invasion de l’Ukraine à EFE, partenaire d’EURACTIV.

Boris Bondarev, 42 ans, vit actuellement en Suisse. Il a démissionné en mai dernier, après 20 ans de carrière diplomatique, par une lettre publique alors qu’il travaillait pour la mission de la Russie auprès des Nations unies à Genève.

Dans sa lettre de démission, il critiquait une guerre « insensée », disait avoir honte de son pays et attaquait le ministère russe des Affaires étrangères pour avoir propagé « mensonges, bellicisme et haine ».

Aujourd’hui, il affirme qu’il va bien, mais préfère ne pas parler de sa sécurité ou des menaces qu’il a reçues.

« Je suis un trop petit élément pour qu’ils se soucient de moi », a-t-il déclaré.

Passivité et loyauté

Aucun autre diplomate russe n’a suivi son exemple, du moins pas publiquement.

« Je ne peux pas dire que je suis déçu, car je ne m’attendais à rien. Je connais mes collègues. Si plus de personnes s’étaient exprimées publiquement, peut-être que les choses se seraient passées autrement. Mais si ces personnes avaient existé, le ministère aurait été différent et cette guerre n’aurait peut-être pas eu lieu », a déclaré M. Bondarev à EFE.

L’ancien diplomate a déclaré qu’il n’aurait jamais cru que M. Poutine, qu’il tient pour responsable de la guerre, envahirait l’Ukraine.

« Je savais que c’était un régime corrompu, que c’était des voleurs, mais je n’ai jamais pensé qu’ils passeraient du statut de voleurs à celui d’assassins et de criminels de guerre », a-t-il déclaré.

Boris Bondarev a donné un aperçu de la réalité politique russe : si vous évitez de vous impliquer dans la politique et de critiquer le gouvernement, vous n’aurez aucun problème. En retour, votre vie continuera plus ou moins comme d’habitude, même pendant la guerre.

« À Moscou, les magasins sont ouverts et les restaurants sont pleins. Les gens se distraient. Rien ne laisse supposer qu’une guerre est en cours. »

« Personne ne se soucie de ce qui se passe dans certaines régions reculées et pauvres de la Russie, où l’on recrute davantage de soldats. Et cela ne fait l’objet d’aucune publicité », a-t-il ajouté.

Cette mentalité qui consiste à ne pas se mêler de ce qui se passe, sauf pour une minorité active, est un héritage du passé soviétique dont M. Poutine bénéficie, selon le diplomate.

« M. Poutine enseigne aux gens depuis 20 ans qu’ils ne doivent s’occuper que de leur propre vie et lui laisser gérer toutes les affaires publiques ».

En cette année de guerre, M. Bondarev explique que ce qui l’a le plus surpris, c’est la piètre performance de l’armée russe, bien pire que ce qu’il soupçonnait déjà en raison de la corruption généralisée.

« La corruption et l’incompétence sont des caractéristiques fondamentales du régime de M. Poutine. Je ne devrais donc pas être surpris », a-t-il ajouté.

Il n’y aura de paix que sans M. Poutine

Boris Bondarev a déclaré qu’il estime que « si vous voulez la paix, vous devez retirer [Vladimir] Poutine et son régime de l’équation ».

M. Poutine n’a plus rien à offrir au peuple russe et tout ce qu’il fait maintenant, c’est rejeter les maux du pays et ses propres erreurs sur de soi-disant ennemis externes, a ajouté M. Bondarev.

« Il sera toujours une source de guerre, d’agression, de déstabilisation. Si M. Poutine est vaincu et reste au pouvoir, il le prendra comme une insulte personnelle et cherchera à se venger », prédit l’ancien diplomate.

« Cette guerre est sa guerre personnelle parce que personne autour de lui n’en voulait. Ils se contentent de le suivre parce que ce n’est pas à eux de réfléchir et de décider. »

M. Bondarev a critiqué les pays qui soutiennent l’Ukraine mais n’envoient pas les armes qui pourraient donner à Kiev la victoire finale.

« L’Europe et les États-Unis ne semblent pas vouloir que l’Ukraine gagne cette guerre. Ils semblent vouloir pousser l’Ukraine vers la paix avec la Russie. Comme une formule pour sauver l’honneur de M. Poutine », a-t-il souligné.

Il a également critiqué les dirigeants européens pacifistes qui s’opposent à l’octroi d’une aide militaire à Kiev. « La guerre ne va pas s’arrêter miraculeusement si on ne fournit pas d’armes, » a-t-il justifié.

Ce récit pacifiste, selon M. Bondarev, est condescendant et arrogant et se sert de la souveraineté de l’Ukraine comme d’une monnaie d’échange.

« Le peuple ukrainien devrait avoir le droit de décider s’il veut la paix ou s’il veut se battre ou reprendre tout son territoire », a-t-il déclaré.

« Et ces pacifistes semblent dire : l’Ukraine peut être divisée. Donner à M. Poutine une partie de l’Ukraine en échange de quelque chose, comme s’ils n’étaient pas un peuple libre mais quelque chose d’inférieur qui peut être sacrifié. »

Ce qu’il faut retenir du discours de Vladimir Poutine à la nation

Lors de son discours sur l’état de la nation mardi à Moscou, le président russe Vladimir Poutine n’a pas laissé entrevoir qu’il envisageait de mettre fin à la guerre en Ukraine dans un avenir proche, alors qu’il n’a atteint aucun de ses objectifs près d’un an après le début de l’invasion.

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