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Le séisme de 7.8 en Turquie n’a pas réduit la menace qui pèse sur Istanbul

Les 16 millions d’habitants d’Istanbul vivent avec la crainte, un jour, d’être frappé par un séisme d’ampleur. Une crainte ravivée par l’important séisme qui a touché le sud de la Turquie et la Syrie le 6 février.

Temps de lecture: 4 min

Le séisme qui a frappé le 6 février le sud de la Turquie et la Syrie, a ravivé les craintes des 16 millions d’habitants d’Istanbul, située à proximité de la faille nord-anatolienne. Mais le risque, élevé, « n’a pas augmenté » pour la mégapole, assure un éminent sismologue turc.

« Le risque n’a pas augmenté [à Istanbul] car nous parlons de systèmes complètement différents », la récente secousse de magnitude 7.8 ayant eu lieu sur une autre faille, celle dite est-anatolienne, explique à l’AFP le professeur Dogan Kalafat, directeur du Centre de suivi et d’évaluation des tremblements de terre du réputé Observatoire de Kandilli d’Istanbul.

Pour autant, la mégalopole stambouliote, qui s’étale sur deux continents et qui a vu les immeubles d’habitations et les gratte-ciels pousser comme des champignons ces dernières années, est-elle prête pour un « Big one » ?

« Trop de bâtiments mal construits »

« J’aimerais le dire, mais malheureusement c’est une très grande ville avec trop de bâtiments mal construits », déplore le professeur Kalafat, qui dénonce l’utilisation de ciments de mauvaise qualité et la construction de quartiers entiers sur « des sols mous ».

En attendant un éventuel séisme de grande ampleur, « nous devons faire bon usage du temps. Nous devons construire des maisons parasismiques sur des sols solides. C’est la précaution la plus importante à prendre », souligne le sismologue, qui garde en mémoire le tremblement de terre meurtrier d’août 1999, qui avait tué un millier de personnes à Istanbul.

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Cent dix scientifiques travaillent à l’Observatoire de Kandilli, fondé en 1868, dont 25 dans le centre dirigé par le professeur Kalafat, un bâtiment de deux étages édifié en surplomb du Bosphore « sur un sol solide », précise le scientifique.

Au rez-de-chaussée, des sismologues se relaient tous les huit heures le long d’une rangée d’écrans d’ordinateurs pour surveiller les répliques qui agitent le sol turc depuis le séisme dévastateur qui a fait plus de 43 500 morts dans le pays.

Forte probabilité de secousses imminentes

Face à eux, sur un mur d’au moins cinq mètres de hauteur, un écran géant avec, à la manière d’électrocardiogrammes, les données issues en temps réel des 260 stations sismiques réparties dans le pays.

« Neuf mille répliques ont eu lieu en Turquie depuis le 6 février », soit autant de secousses qu’en « sept à huit mois en temps normal », explique M. Kalafat.

Sur l’un des bureaux, une carte plastifiée donne à voir la faille nord-anatolienne, qui traverse la mer de Marmara, à « 15 à 17 kilomètres » seulement des rives sud d’Istanbul, rappelle l’expert.

En 2001 – deux ans après qu’un séisme de magnitude 7.4 a fait plus de 17 000 morts dans le nord-ouest de la Turquie –, le sismologue a calculé à 64 % la probabilité qu’un séisme d’une magnitude supérieure à 7 se produise avant 2030 dans cette même région, qui englobe Istanbul. Cette probabilité monte à 75 % sur 50 ans et 95 % sur 90 ans.

« Ces statistiques sont toujours d’actualité », explique le scientifique. Pour autant, « même avec la technologie d’aujourd’hui, il est impossible de prédire un tremblement de terre ».

Aucun système d’alerte efficace

« Nous pouvons indiquer, avec une certaine marge d’erreur, où un tremblement de terre pourrait se produire et quelle pourrait être son ampleur, mais nous ne pouvons pas savoir quand il se produira », insiste-t-il.

L’Observatoire de Kandilli a développé depuis un système d’alerte précoce, qui vise à prévenir des secousses d’un tremblement de terre avant qu’elles n’arrivent, « mais Istanbul est trop proche de la ligne de faille » pour qu’un tel système soit efficace.

Sur l’un des bureaux, entre deux écrans, un téléphone noir avec deux autocollants rouges « AFAD », du nom de l’agence publique de gestion des catastrophes, permet de prévenir en cas de secousse d’ampleur. Une alerte en amont permettrait de gagner « au maximum 7 à 8 secondes », un laps de temps insuffisant pour permettre aux habitants de se mettre en sécurité.

En comparaison, un tel système peut faire gagner plus de 45 secondes dans la région japonaise de Tohoku, située plus loin d’une faille et frappée par le séisme et le tsunami dévastateurs du 11 mars 2011. « Là-bas, vous pouvez envoyer un message d’avertissement aux citoyens, mais nous n’avons pas cette possibilité ici », déplore-t-il.

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