Accaparement des terres : une association demande de plafonner la taille des fermes à 300 hectares

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Accaparement des terres : une association demande de plafonner la taille des fermes à 300 hectares

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Champs de blé à Beauvoir, près du Mont-Saint-Michel le 9 juillet 2022.
Champs de blé à Beauvoir, près du Mont-Saint-Michel le 9 juillet 2022.
© AFP - NICOLAS ECONOMOU / NURPHOTO

Alors que le salon de l'agriculture bat son plein, l'association Les Amis de la Terre publie un rapport sur l'accaparement des terres agricoles par des sociétés agro-industrielles. Celles-ci empêchent l'accès au marché à des petits paysans, et ainsi le développement d'exploitations agroécologiques.

À qui appartiennent nos terres agricoles ? Voici une question sur laquelle se penche l'association des Amis des la Terre, une association qui œuvre pour la protection du climat et de l'environnement. Dans un rapport publié ce matin, elle dénonce l'accaparement des terres agricoles par "quelques multinationales" et des "agri-managers" qui empêchent l'installation de nouveaux agriculteurs et font prospérer "une agriculture toujours plus industrialisée". L'association demande à l'Etat de "prendre une mesure d'urgence" : plafonner à 300 hectares la surface agricole qu'une personne physique peut contrôler.

La France a perdu plus de 200.000 fermes en 20 ans

Le nombre de fermes et d'agriculteurs a fortement diminué en France ces dernières années, au profit de "mégafermes". Selon ce rapport, depuis 1955, le pays a perdu plus de quatre millions d'agriculteurs et 1,8 million de fermes. Selon le recensement agricole de 2020, la France ne compte plus que 390.000 exploitations, contre 600.000 il y a 20 ans. En parallèle, la taille moyenne des exploitations a doublé en 30 ans.

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Pour enrayer ce phénomène, les Amis de la Terre demandent au gouvernement d'inscrire dans la prochaine loi d'orientation agricole, attendue cet l'été, le plafonnement à 300 hectares par propriétaire d'une exploitation. Selon Sarah Champagne, membre de l'association, cela ne ciblerait que les plus grosses fermes : "La surface moyenne des exploitations aujourd’hui est de 69 hectares, donc avec 300 hectares ont est bien au-dessus. L’idée n’est pas du tout de brider les petits agriculteurs, au contraire, c’est de leur permettre de s’installer. Et de cibler les agri-managers, les multinationales qui, elles, ont des milliers d’hectares", explique-t-elle.

Le développement d'un "phénomène sociétaire"

Ces dernières années, un marché "des parts de sociétés agricoles" s'est en effet développé. Grâce à l'apport de capitaux extérieurs, des sociétés agricoles acquièrent des terrains à des prix bien supérieurs à ce que les agriculteurs en activité peuvent se permettre. Les détenteurs de ces sociétés, appelés "agri-managers" créent ensuite des "holding", structures composées de plusieurs sociétés et se rémunèrent "par les dividendes" que leurs rapportent les parts dans les différentes sociétés, indique encore le rapport.

Selon les Amis de Terre, c'est "un phénomène qui s'auto-nourrit" et qui va "s'emballer" : ": plus une ferme est grande, moins elle est accessible à un agriculteur qui souhaiterait s’installer". En général, selon la SAFER (société d'aménagement foncier et d'établissement rural) citée dans le rapport, les lots acquis par les sociétés dont 27% plus grands et 5,2 fois plus onéreux que ceux acquis par des personnes physiques.

De nombreux contournements juridiques

Dans leur rapport, les Amis de la Terre pointent également les "nombreux contournements juridiques permettant l'accaparement des terres agricoles". L'association pointe notamment l'impuissance des SAFER, censées contrôler la répartition des terres agricoles lors de leur vente, et garantir l'accès au foncier des nouveaux paysans. "D'après les SAFER elles-mêmes, un hectare sur trois échappe à leur contrôle ", indique le rapport, "car elles ne peuvent intervenir que si les sociétés vendent 100% de leurs parts sociales - ce qui est très facile à contourner".

Ainsi, toujours selon le rapport, "une grande firme" a pu " acquérir 1.700 hectares dans l'Indre et 900 hectares dans l'Allier, en rachetant respectivement 99% et 98% des parts des sociétés". Par ailleurs, les SAFER seraient financièrement dépendantes des ventes de grosses exploitations, car "elles sont contraintes de s'autofinancer en prélevant une commission sur les ventes d'exploitations."

Des conséquences sociales et environnementales

Selon les Amis de la Terre, le développement de ces sociétés agricoles aux parcelles immenses pose un problème environnemental majeur. "Plus une ferme est grande, plus les agri-managers vont être intéressés par la rentabilité de court terme et le profit. Ils vont avoir recours à des méthodes d’agriculture intensive, qui ont un impact désastreux sur la biodiversité et le climat. D’autre part, ils vont empêcher les agriculteurs qui seraient porteurs de projets en agro-écologie d’avoir accès à ces terres", poursuit Sarah Champagne.

En France, 70% des pesticides sont utilisés sur les exploitations en grandes cultures. La consommation d'engrais génère plus de 23 millions de tonnes de CO2 par an, soit presque la moitié des émissions de l’agriculture, indique encore le rapport.

Enfin, cette confiscation des terres a des conséquences sociales. Selon le rapport, 80% des employés des grandes exploitations sont des salariés précaires, saisonniers ou même des travailleurs détachés.

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