L’Assemblée constituante s’est
réunie pour la première fois le 21 avril, lors d’un événement qui tenait
davantage de l’acte d’autosatisfaction que des travaux parlementaires.
Conscients de l’immense tâche qui les attend, les constituants ont voulu
adresser un message clair au Congrès général national (CGN, Parlement) : “Nous existons, nous sommes indépendants et nous sommes une autorité légitime.”

Une forte symbolique a marqué cette cérémonie
organisée à la mi-journée, afin d’asseoir l’Assemblée constituante comme une
institution sortie des urnes et aussi légitime que le Congrès.

Elle rassemble 48, et non 47 membres
comme annoncé au lendemain des élections du 20 février, quand la Haute
Commission électorale avait précisé que 13 des 60 sièges à pourvoir
étaient restés vacants en raison des boycotts et des violences. Depuis, le
Congrès a demandé à la commission d’organiser un nouveau scrutin pour y
remédier, mais la validation par la justice de l’élection d’un constituant pour
Koufra [dans le sud-est du pays], malgré le boycott de la minorité toubou, a
permis de pourvoir un 48e siège. La vacance des 12 sièges
restants n’est apparemment pas considérée comme un obstacle aux travaux de la Constituante.Construire la nouvelle
Libye

L’Assemblée peut se mettre au travail dès maintenant,
même si tous ses membres ne sont pas encore élus”, a estimé
Abdallah Safit, président de la commission d’organisation de cette nouvelle
institution. “Rien
dans le droit ne s’y oppose.”

“Nous avons été élus il y a deux mois, et nous avons déjà
perdu beaucoup de temps à cause du Congrès. Nous devons construire la nouvelle
Libye sans attendre”, a renchéri Ibtessam Abhih, une parlementaire
de Benghazi, qui a déjà décidé de rester à l’hôtel réservé pour les
constituants jusqu’à la fin de leurs travaux.

“La Constitution doit être au-dessus des considérations tribales”,
a déclaré Obeidi Zaroug, bien que paré du costume traditionnel de sa tribu, les
Ouled Souleimane. Ce député constituant a aussi spécifié qu’il voulait qu’une
partie des revenus pétroliers soit directement versée aux régions, comme
c’était le cas à l’époque du royaume de Libye [entre l’accès à l’indépendance, en 1951, et le
coup d’Etat de Kadhafi, en 1969] et comme le demandent aujourd’hui les
fédéralistes.La publicité des débats

“Tous les sujets doivent être mis sur la table. Il n’y a
qu’une chose avec laquelle nous ne transigerons pas : l’égalité entre tous
les Libyens”, a estimé pour sa part Alhadi Abou Hamer, élu à Bani
Walid [dans la région de Misrata], qui entend quant à lui soulever le problème du sort des déplacés internes (en particulier la population de Tawarga
[ville pro-Kadhafi, située à une quarantaine de kilomètres au sud de
Misrata et dont les habitants ont été intégralement chassés
pendant la guerre]), des exilés libyens et de la pertinence de la loi sur l’isolement
politique.

Cet été, l’ancien siège du Parlement royal d’Al-Baida
[quatrième ville du pays, située à l’est] devrait
ainsi être le théâtre de débats très animés. Pour ne pas être soupçonnés
d’avoir des intentions cachées, certains constituants nous ont dit vouloir
demander la publicité des débats. “Il faut des pages Facebook, des retransmissions à la télévision,
des sondages, des meetings dans tout le pays, de tout. Nous nous devons d’être
aussi transparents que possible, car nous nous attaquons à un sacré morceau”,
a déclaré Mohammed Balrouïn, élu à Misrata.

Le 21 avril marquait donc le tout
premier rassemblement des constituants nouvellement élus, mais des rumeurs
accusent déjà certains d’entre eux d’être soutenus en coulisses par des partis
politiques. “Je
suis sûr que des constituants cachent des visées islamistes ou progressistes,
mais il est encore trop tôt pour savoir qui”, estime un membre de
la nouvelle Assemblée. La feuille de route originelle donne quatre mois à la Constituante pour élaborer le texte – mais, de l’avis de plusieurs experts
internationaux, elle ne pourra pas tenir ce délai. “Pour ma part, c’est la sécurité qui
m’inquiète le plus, ajoute un militant de la société civile. Al-Baida est prise
en tenaille entre les milices de Benghazi et celles de Derna…”