« Hier encore (mardi 28 février), pendant mon enseignement dans l’église, nous avons dû solliciter l’auditoire pour faire sortir une personne de la rue qui était entrée en état d’ivresse. Et ça sentait le cannabis devant l’église. C’est une triste réalité de notre quotidien. »

Sœur Marie-Anne Leroux, 56 ans, membre avec sœur Agathe Dutrey, 44 ans, de la Fraternité bénédictine apostolique, témoigne d’une usure devant le climat d’insécurité qu’elle décrit dans le centre-ville de Nantes. Fatiguées, elles ont annoncé, dimanche 26 février, leur départ de la paroisse Notre-Dame de Nantes, où elles étaient accueillies depuis plus de huit ans.

Les deux religieuses ont pour mission de faire vivre un lieu de prière dans l’église Sainte-Croix dans le quartier historique du Bouffay en centre-ville, animant la liturgie des heures, des temps de prière et des enseignements. Or, comme l’assure sœur Marie-Anne, oblate bénédictine (par ailleurs chroniqueuse dans le cahier « Religion et spiritualité » de La Croix), « nous ne pouvons plus assurer notre mission dans ces circonstances ». Accueillir de nombreuses personnes en détresse psychologique ne faisait pas partie de leur vocation et de leur projet. « Nous sommes toujours sur le qui-vive, passant du temps à faire des déclarations à la police. Nous sommes à bout », reconnaît-elle.

D’autant qu’à ses yeux la situation a tendance à s’aggraver : incivilités, personnes venant boire une bière dans l’église, « explosion » de la consommation et de la vente de drogue en pleine rue… Des faits qui perturbent directement leurs activités puisque « les Nantais n’osent pas répondre aux propositions le soir et qu’en journée des incursions dans l’église perturbent le climat de prière », explique encore sœur Marie-Anne.

« Plus de policiers et de caméras »

La mairie et les forces de l’ordre ne sont pourtant pas inactives. « Il y a plus de policiers, de caméras et des médiateurs de rue qui font un très beau travail mais cela ne règle pas le fond du problème », déplore-t-elle. En octobre 2022, une manifestation contre l’insécurité à Nantes avait rassemblé près d’un millier de personnes.

Dans ce contexte, elles ont fait le choix de partir, malgré la tristesse de quitter les paroissiens. « Nous ne sommes pas des “franciscains du Bronx” et nous n’avons pas vocation à être agents de sécurité, même si nous avons pris quelques leçons de “self-défense”, écrivent-elles dans un message adressé à la communauté paroissiale. (…) Nous avons non seulement cherché des solutions, mais aussi agi de multiples manières pour essayer de temporiser, réguler ces problèmes quotidiens. »

Si elle assure que les paroissiens comprennent leur choix, sœur Marie-Anne remarque que leur annonce suscite des « réactions, des remous ». Par ailleurs, elle se dit consciente que leur départ « peut être utilisé politiquement ». Toutefois, la religieuse l’affirme : « On dit ce que l’on voit. L’insécurité croissante, c’est un fait. »

Une prochaine implantation à Reims

De son côté, le diocèse « regrette ce départ » – sœur Marie-Anne est aussi membre du service de formation diocésain – et « constate l’insécurité dans le centre » de la ville. Il précise toutefois que ce climat « n’empêchera pas pour autant la paroisse de poursuivre son action dans le secteur ».

Quel avenir désormais pour la Fraternité bénédictine apostolique ? Les sœurs, d’anciennes du Verbe de Vie, quitteront Nantes en juillet pour rejoindre dans un premier temps leur « lieu source », le monastère des bénédictines à Saint-Thierry (Marne), « sûrement sur une année », avant de bâtir un projet au cœur de la ville de Reims.