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Droit à l'image des enfants « 50% des photos des forums pédopornographiques sont initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux »

Alors qu'une proposition de loi pour garantir le respect du droit à l'image des enfants est présentée devant l'Assemblée nationale, trois lectrices nous expliquent pourquoi elles refusent de publier des photos de leurs petits sur les réseaux sociaux.

Charlotte MURAT - 06 mars 2023 à 17:30 | mis à jour le 06 mars 2023 à 17:45 - Temps de lecture :
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«Nous voulons préserver l'intimité de notre famille et de nos enfants», explique une maman. Photo Ebra Info/Canva
«Nous voulons préserver l'intimité de notre famille et de nos enfants», explique une maman. Photo Ebra Info/Canva

Publier des photos de nos enfants sur les réseaux sociaux, c’est une pratique plus que courante. On le fait (presque) tous. Mais pas ces trois mamans. Car si poster la photo de l’anniversaire du petit dernier suffit à la faire admirer à la fois par les grands-parents, les oncles et tantes, les cousins, les amis proches et ceux qu’on n’a pas vus depuis plusieurs années, ce n’est pas sans conséquence.

Fanny, Déborah et Kelly expliquent leur choix, alors que les députés Renaissance Bruno Studer, Aurore Bergé et Éric Poulliat ont présenté ce lundi devant l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à « garantir le respect du droit à l'image des enfants ».

« Préserver l'intimité de nos enfants »

« Nous voulons préserver l'intimité de notre famille et de nos enfants. La vie quotidienne, les vacances, la maison, ce sont des moments et des espaces privés », assène Fanny, maman de deux enfants de 3 et 5 ans. La décision a été prise avec son conjoint avant-même la naissance de leur fille aînée et Fanny a même quitté Instagram depuis, se disant « mal à l'aise de voir le quotidien d'enfants publiés sur Internet ».

« J’avais l’impression de me retrouver à la place des parents, dans la petite vie de ces enfants, qui n'ont rien demandé à personne. En publiant ce genre de photos, les enfants ont un passif sur internet, qui pourrait leur être préjudiciable plus tard. C'est pour cela que mes enfants n'existent pas sur Internet. Et le jour venu, ce sera plus facile pour nous, parents, de leur apprendre à utiliser les réseaux sociaux », explique-t-elle.

Des forums pédopornographiques

Une expérience vécue quelques années avant par Déborah, maman d’une ado de 13 ans : « J’étais une utilisatrice modérée des réseaux sociaux. Il m’est arrivé de partager quelques photos de mon bébé, histoire de donner des nouvelles. Mais je me suis rendue compte que certains de mes contacts publiaient sans retenue des photos de leurs enfants en bas âge nus dans leur bain ou dans la piscine gonflable du jardin. Je trouvais ça indécent de ne pas respecter l’intimité des enfants et ne voulais pas participer à ça. J’ai alors tout coupé. »

Déborah précise qu’elle ne pensait même pas « aux dérives que cela peut même causer en cas de partage ». Et pourtant, elles sont effrayantes. Le député Bruno Studer indique « 50% des photos qui s'échangent sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents sur leurs réseaux sociaux. Certaines images, notamment les photos de bébés dénudés ou de jeunes filles en tenue de gymnastique, intéressent tout particulièrement les cercles pédocriminels », précise-t-il.

Alors pour ces parents qui ne veulent pas exposer leurs enfants, zéro photo, c’est zéro photo. Kelly a même demandé au journal local de supprimer la cliché de la naissance de sa fille. « Impossible de trouver une photo d'elle sur Internet », se félicite-t-elle.

Faire respecter la décision par les proches

Reste le problème des proches. Car il faut également s’assurer qu’eux aussi n’en postent pas. Selon Bruno Studer, qui cite une étude britannique de 2018, un enfant « apparaît en moyenne sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l'âge de ses 13 ans, sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches ».

Fanny a ainsi demandé à sa famille « de ne publier aucune photo, même de dos, même anonyme avec un emoji sur la tête de ses enfants. Ils ont compris et respectent notre demande », précise-elle. Même demande et même réaction chez Déborah. « Rares sont ceux qui ne comprennent pas et dans ce cas je leur explique mes réticences et ma volonté de garder ma vie privée… privée. »

Vie privée, pas secrète

Mais privée ne signifie pas pour autant secrète. Ne pas exposer ses enfants sur les réseaux sociaux, ce n’est pas pour autant ne jamais partager de photo d’eux. Mais sur ce point, il faut reconnaître que faire tirer ses photos et les envoyer sous plis est une habitude qui s’est quelque peu perdue. Kelly échange les photos sur WhatsApp, en précisant qu’il n’y a « jamais de clichés des enfants dans leur bain, car on ne sait pas où sont stockées les photos. »

« Nous envoyons des photos à la famille via les réseaux sociaux, comme Messenger par exemple ajoute Kelly. Nous avons conscience que Meta détient ainsi des photos de notre enfant, mais à l'heure actuelle cela reste compliqué de ne confier aucune photo à ces géants du Web. » Sur la protection du droit à l’image des enfants, il reste beaucoup à faire.