Un premier cimetière de CO2 importé voit le jour en mer du Nord

Conduit par le géant allemand de la chimie Ineos et l'énergéticien allemand Wintershall Dea, le projet "Greensand" devrait permettre de stocker vers 2030 jusqu'à 8 millions de tonnes de CO2 par an, l'équivalent de 1,5 % des émissions françaises. [Benny Marty/EPA-EFE]

C’est le premier au monde à enfouir du CO2 importé de l’étranger : le Danemark inaugure mercredi (8 mars) un site de stockage de dioxyde de carbone à 1 800 mètres sous la mer du Nord, un outil jugé essentiel pour freiner le réchauffement climatique.

Paradoxe : ce cimetière de CO2 est un ex-gisement de pétrole ayant contribué aux émissions.

Conduit par le géant allemand de la chimie Ineos et l’énergéticien allemand Wintershall Dea, le projet « Greensand » devrait permettre de stocker vers 2030 jusqu’à 8 millions de tonnes de CO2 par an, l’équivalent de 1,5 % des émissions françaises.

En phase pilote, il est inauguré ce mercredi à Esbjerg (sud-ouest) par le prince héritier Frederik.

Encore balbutiants et très coûteux, le captage et stockage de carbone (« CCS ») consistent à capturer puis emprisonner le CO2, principal responsable du réchauffement planétaire.

Plus de 200 projets sont actuellement opérationnels ou en développement dans le monde.

Particularité de Greensand : contrairement aux sites déjà existants qui séquestrent le CO2 d’installations industrielles voisines, il fait venir le carbone de loin.

Acheminé par mer vers la plateforme Nini West, à la lisière des eaux norvégiennes, le gaz est transféré dans un réservoir à 1,8 km de profondeur.

Pour les autorités danoises, qui visent la neutralité carbone dès 2045, c’est un « instrument indispensable dans notre boîte à outils climatique ».

« Comme notre sous-sol contient un potentiel de stockage bien plus important que nos propres émissions, nous sommes en mesure de stocker également le carbone provenant d’autres pays », se félicite auprès de l’AFP le ministre du Climat et de l’Energie, Lars Aagaard.

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Les atouts de la mer du Nord

La mer du Nord est une région propice à l’enfouissement car elle abrite de nombreux gazoducs et réservoirs géologiques vides après des décennies d’exploitation pétrogazière.

« Les gisements épuisés de pétrole et de gaz présentent de nombreux avantages car ils sont bien documentés et il existe déjà des infrastructures qui peuvent très probablement être réutilisées », explique Morten Jeppesen, directeur du Centre des Technologies Offshore à l’Université technologique du Danemark (DTU).

Près de Greensand, le géant français TotalEnergies va explorer le potentiel d’enfouissement à plus de deux kilomètres sous les fonds marins avec l’objectif d’emprisonner annuellement 5 millions de tonnes à horizon 2030.

Pionnière du CCS, la Norvège voisine va aussi accueillir d’ici quelques années des tonnes de CO2 liquéfié, en provenance du Vieux Continent.

Principal producteur d’hydrocarbures d’Europe de l’Ouest, le pays posséderait également le plus gros potentiel de stockage de CO2 du continent.

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Solution perfectible

Les quantités stockées restent faibles par rapport aux émissions.

L’Union européenne a, selon l’Agence européenne pour l’environnement, émis 3,7 milliards de tonnes de gaz à effet de serre en 2020, une année pourtant plombée par la pandémie.

Longtemps perçu comme une solution techniquement compliquée et coûteuse à l’utilité marginale, le CCS est désormais jugé nécessaire aussi bien par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) que l’Agence internationale de l’énergie.

Ce n’est cependant pas une solution miracle.

Gourmand en énergie, le processus de captage et stockage du CO2 émet lui-même l’équivalent de 21 % du gaz capturé, selon le think tank australien IEEFA.

Et la technique n’est pas sans risques, prévient le centre de recherche, citant le risque de fuites aux conséquences catastrophiques.

« Le CCS ne doit pas être utilisé pour maintenir le niveau actuel de production de CO2 mais il est nécessaire pour limiter le CO2 dans l’atmosphère », assure M. Jeppesen.

« Le coût du stockage du carbone doit encore être réduit pour que cela devienne une solution durable de mitigation, à mesure que l’industrie gagnera en maturité », ajoute le scientifique.

Chez les défenseurs de l’environnement, la technologie ne fait pas l’unanimité.

« Cela ne règle pas le problème et prolonge les structures qui sont nuisibles », fustige la responsable énergie de Greenpeace Danemark, Helene Hagel.

« La méthode ne change pas nos habitudes mortifères. Si le Danemark veut vraiment réduire ses émissions, il doit se pencher sur les secteurs qui en produisent beaucoup, à savoir l’agriculture et les transports », critique-t-elle.

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