Guerre en Ukraine : une adolescente russe enfermée pour avoir fait un dessin anti-guerre, "une tendance beaucoup plus large et terrifiante"

Masha Moskalyova risque une peine encore plus grave.

Juliette Raynal
Image d'illustration.
Guerre en Ukraine : une adolescente russe enfermée pour avoir fait un dessin anti-guerre, "une tendance beaucoup plus large et terrifiante" ©Copyright (c) 2022 diy13/Shutterstock. No use without permission.

Masha Moskalyova est une jeune fille russe âgée de 12 ans à l'histoire tragique. Abandonnée à 3 ans par sa mère, la jeune fille a grandi avec son père Alexeï, à Iefremov, où Alexeï travaille dans une petite ferme.

Comme le rapporte le journal Het Laatste Nieuws, le site web de l'école de la jeune fille témoigne d'une prise de parti claire pour la Russie. Des photos de héros militaires passant avant celles des professeurs, des images en hommage aux troupes russes… L'école glorifie sans détour la Russie et la guerre en Ukraine, soutenant l'armée russe sans faillir.

C'est pourquoi l'enseignante de Masha Moskalyova a demandé en avril à ses élèves de faire un dessin à envoyer aux soldats russes pour leur remonter le moral.

Sauf que Masha ne veut pas soutenir l'armée russe ni la guerre et a dessiné en conséquence. Sur son croquis, on peut voir une femme ukrainienne tenant la main de son enfant, faisant face à des missiles russes s'apprêtant à s'écraser sur eux. Sur le drapeau planté à gauche de la femme, drapeau aux couleurs ukrainiennes, on peut également lire "Gloire à l'Ukraine". À droite, près des missiles, se trouve aussi un drapeau russe avec un message clair : "Je suis contre la guerre".

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Ce dessin a immédiatement provoqué la colère de l'enseignante, qui dénonce l'élève : "C'est ce genre de choses que vous apprenez à votre fille ?", demande la police à Alexeï lors d'un interrogatoire. "Qu'y a-t-il de si spécial là-dedans ? Elle est contre toute effusion de sang. Est-ce que c'est mal ?", a répliqué le père de Masha.

Une enquête en défaveur du père de Masha

Par la suite, la police a continué à enquêter pour tomber sur de multiples posts sur un réseau social appelé 'Odnoklassniki', soit 'camarades de classe'. Il s'agissait de posts anti-guerre dans lesquels Alexeï accuse les soldats russes en Ukraine d'être des violeurs, ainsi que des caricatures de Vladimir Poutine, représenté comme un poulpe qui étend ses tentacules vers tous les anciens pays de l'URSS.

En guise de sanction, Alexeï a reçu une amende de 400 euros pour avoir discrédité l'armée russe.

Depuis cet épisode, le père de Masha est incapable de renvoyer sa fille sur les bancs de l'école : "Elle fait des crises de panique et me supplie de ne plus devoir y aller", a-t-il raconté à un représentant d'OVD-Info, une organisation de défense des droits humains. "Je lui dis alors que tout ça, c'est du passé. Que j'ai payé mon amende et qu'ils devraient nous laisser tranquilles."

Mais l'affaire était loin de faire partie du passé car le Service fédéral de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) avait en réalité ouvert un dossier contre Alexeï. C'est en décembre que l'histoire a pris une tournure dramatique : "Lorsque j'ai regardé à travers la fenêtre, j'ai aperçu trois voitures de police, deux véhicules sans distinction particulière, une voiture du ministère des Situations d'urgence, et un camion de pompier."

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Les forces de l'ordre ont ensuite saccagé sa maison à la recherche de preuves incriminant le fermier. De nombreuses affaires ont été confisquées, ainsi que toutes ses économies. Ensuite, la police a arrêté Alexeï pour l'interroger pendant deux longues heures. Il a ensuite été enfermé dans une pièce où la police diffusait l'hymne national russe à un volume très élevé : "Ils ont mis le volume si fort que les murs vibraient. Cela m'a tellement rendu malade qu'ils ont eu peur pour ma vie. Les médecins qui ont par la suite contrôlé ma pression artérielle m'ont donné deux pilules et une piqûre."

À présent, le père de Masha est assigné à résidence jusqu'au 27 avril en attendant de savoir s'il est reconnu coupable pour discréditation de l'armée russe, risquant alors 3 ans de prison. De plus, Masha a été placée pendant une semaine dans un orphelinat où on l'a privée de tout contact avec son père. Mais elle devra y rester pendant 3 ans si son père est effectivement inculpé. Une procédure a également été engagée pour déchoir Alexeï de ses droits parentaux.

"L'affaire Moskalyov s'inscrit dans une tendance beaucoup plus large et terrifiante. Le gouvernement russe sait que les mineurs sont généralement ceux qui s'opposent le plus à la guerre. Ils ont davantage accès à Internet, ils regardent moins la télévision russe et, dans l'ensemble, ils sont beaucoup plus progressistes", a expliqué le groupe de défense des droits humains OVD-Info.

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