La consommation d'antidépresseurs chez les plus jeunes a augmenté de 62% entre 2014 et 2021

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La consommation d'antidépresseurs chez les plus jeunes a augmenté de 62% entre 2014 et 2021

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Entre 2014 et 2021, la consommation d'antidépresseurs a augmenté de 62% chez les enfants.
Entre 2014 et 2021, la consommation d'antidépresseurs a augmenté de 62% chez les enfants.
© Getty - Dmitry Ageev / EyeEm

Selon un rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, la consommation de psychotropes chez l'enfant et l'adolescent a augmenté de 48% entre 2014 et 2021 pour les antipsychotiques et de 62% pour les antidépresseurs. Un phénomène qui concerne des dizaines de milliers d'enfants.

"Les enfants sont nettement plus exposés que les adultes à la souffrance psychique et aux difficultés psychologiques", voilà le constat alarmant du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) qui a publié le 7 mars un rapport sur la santé psychologique des enfants et des adolescents. Face au manque d'offre de soins, des dizaines de milliers de jeunes se voient prescrire des antipsychotiques, antidépresseurs ou des psychostimulants. Pour la seule année 2021, la consommation d'anxiolytiques chez les enfants et les adolescents a augmenté de 16% en France. Celle d'antidépresseurs est en hausse de 23%. Des augmentations bien supérieures à celle observées dans le reste de la population.

Une hausse de 62% des antidépresseurs chez les enfants entre 2014 et 2021

L'étude du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge se base sur les données de l'Assurance maladie entre 2014 et 2021. Elles montrent une hausse vertigineuse des consommations de psychotropes. Celle des antipsychotiques augmente de 48 %, 62 % pour les antidépresseurs, 78 % pour les psychostimulants et jusqu'à 155 % pour les hypnotiques et sédatifs. La surmédication des jeunes devient un phénomène massif alerte Sylviane Giampino, présidente du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge. "On est quand même arrivé à un niveau de prescription de psychotropes sur presque 5% de la population pédiatrique. Si on se réfère aux Etats-Unis, ils sont à 7%, mais nous ne sommes pas les Etats-Unis, nous avons un système de santé, un système de protection sociale qui est d'une autre nature", explique-t-elle.

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Le nombre d'enfants en détresse psychique augmente. Les enfants sont de moins en moins bien accompagnés et sont confrontés à des phénomènes sociaux et environnementaux anxiogènes comme la crise sanitaire, la guerre en Ukraine ou l'éco-anxiété. Conséquence de l'aggravation de l'état psychologique des enfants, les hospitalisations aux urgences sont de plus en plus nombreuses et les passages à l'acte suicidaire et les suicides chez les enfants et les adolescents augmentent.

Une offre de soins très insuffisante

La HCFEA dénonce un "effet ciseau" entre cette augmentation vertigineuse de la consommation de médicaments et la baisse de l'offre de soin en France. "L’offre pédiatrique, pédopsychiatrique et médicosociale est en recul et ne permet plus d’accueillir dans des délais raisonnables les enfants et les familles", note le rapport. Les délais d'attente pour une prise en charge varient ainsi entre 6 et 18 mois. Faute de spécialistes, la majorité des consultations de l’enfant est donc réalisée par un médecin généraliste. La situation très altérée de la médecine scolaire aggrave encore ce phénomène. Les familles ne savent plus vers qui se tourner déplore Sylviane Giampino. "Il y a beaucoup d'enfants qui ne sont pas soignés et les délais sont longs du coup, les impacts sur leur développement, sur l'aggravation de leurs difficultés sont inacceptables", assure-t-elle.

Faute de prise en charge adaptée, les prescriptions de médicaments psychotropes explosent en 2021. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé constate une hausse de 16 % pour les anxiolytiques, de 224 % pour les hypnotiques et de 23 % pour les antidépresseurs. Des taux qui démontrent que les enfants sont nettement plus exposés que les adultes à la souffrance psychique et aux difficultés psychologiques. Des dizaines de milliers d'enfants sont concernés en France. Par exemple, selon l'ANSM, cette augmentation représente une hausse 99.000 délivrances supplémentaires d'antidépresseurs sur une seule année.

Selon le rapport, les consultations de suivi après la prescription sont trop rares et les consultations en Centre médico-psychopédagogique déclinent à mesure que la consommation de médicaments progresse. En outre, les études internationales montrent que la souffrance psychique et les demandes de soins augmentent à mesure que la prescription médicamenteuse progresse.

La consommation de psychotropes chez les enfants a doublé en dix ans

La dégradation de l'état psychologique des enfants est bien antérieure à la crise sanitaire selon la Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Mais ce phénomène s'accélère selon le HCFEA qui assure que la consommation de psychotropes chez les enfants a doublé en dix ans. Elle pourrait concerner désormais jusqu'à 5 % des enfants et des adolescents. Cette consommation est sans commune mesure avec celle observée dans les autres pays, y compris en Amérique du Nord où l'on observe, selon le rapport, un "effet pallier voire une diminution de la médication chez les plus jeunes."

Parmi les psychotropes les plus utilisés, le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, s'inquiète particulièrement de la prescription pour des enfants de médicaments dédiés aux adultes comme des antiparkinsoniens, des hypnotiques ou des antidépresseurs. Des prescriptions parfois avant l'âge de six ans et sur des durées particulièrement longues. Les enfants les plus jeunes sont ceux pour lesquels les durées de prescription sont les plus longues. Des prescriptions hors diagnostics ou dans le cadre d'autres diagnostics psychiatriques. L'étude relève aussi des co-prescriptions nombreuses et le non-respect des règles de prescription par des médecins spécialistes.

Les jeunes enfants et ceux issus de milieux défavorisés principalement ciblés

Enfin, les études mettent en avant une détermination scolaire et sociale de la prescription de médicaments psychostimulants chez l’enfant et l’adolescent en France. Les enfants les plus jeunes de leur classe ou issus des milieux défavorisés présentent des risques accrus de médication.

Le Haut conseil soulève, en outre, le manque de savoir-faire en France dans la santé mentale des enfants. Il plaide ainsi pour des psychothérapies plus adaptées, mais aussi un savoir-faire éducatif pour mieux accompagner et inclure l'enfant et, enfin, des interventions sociales optimisées pour mieux prendre en compte les facteurs de risques et les troubles mentaux chez les enfants. "Le Haut conseil recommande de renforcer considérablement les moyens structurels dédiés à la santé mentale de l’enfant et au déploiement d’une politique publique ambitieuse en la matière, ce qui implique de renforcer les moyens de la pédopsychiatrie, mais également les moyens dédiés aux approches psychothérapeutiques, éducatives et sociales destinées à l’enfant et à la famille", conclut le rapport.

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