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DROIT DES FEMMES

Une militante polonaise écope de travaux d'intérêt général pour assistance à l'IVG

Une militante féministe polonaise ayant fourni des pilules abortives à une femme victime de violences conjugales a été condamnée, mardi, par un tribunal de Varsovie à des travaux d'intérêt général, a indiqué son organisation Abortion Dream Team.

Des manifestantes polonaises contre l'interdiction quasi-totale de l'avortement en Pologne, à Varsovie, le 8 mars 2021.
Des manifestantes polonaises contre l'interdiction quasi-totale de l'avortement en Pologne, à Varsovie, le 8 mars 2021. © AFP (Archive)
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Accusée d'avoir fourni une aide à l'avortement, Justyna Wydrzynska a été reconnue, mardi 14 mars, "coupable d'avoir prêté assistance" et condamnée à "huit mois de travaux d'intérêt général à raison de 30 heures par mois", a écrit sur Twitter Abortion Dream Team.

La cofondatrice de ce collectif, qui lutte en Pologne pour le droit à l'avortement, encourait jusqu'à trois ans de prison. Elle était poursuivie par la justice polonaise depuis avril 2022 pour avoir fourni des pilules abortives à une Polonaise qui en avait fait la demande.

"C'est la première fois en Europe qu'une activiste risque la prison pour avoir porté assistance à une femme souhaitant avorter", soulignait avant la décision de justice Mara Clarke, co-fondatrice de Supporting Abortions for Everyone (SAFE), qui défend l'accès à l'avortement dans toute l'Europe.

En Pologne, il est légal de donner des informations sur l'IVG. Mais l'avortement reste interdit, sauf en cas de viol, d'inceste ou de mise en danger pour la vie de la mère. Même en cas de malformation grave du fœtus, l'avortement reste quasi-impossible.

>> À lire : en Pologne, les femmes se mobilisent pour permettre aux Ukrainiennes d'accéder à l'avortement

Sur place, les militantes polonaises comme celle du collectif Abortion Dream Team parcourent le pays, informent les femmes, et réalisent un travail de fond délicat et "risqué", comme le souligne Mara Clarke. Mais si quelqu'un a besoin de recourir à une IVG, l'envoi de médicaments abortifs doit se faire depuis un pays extérieur, par une organisation tiers.

C'est dans ce contexte que Justyna Wydrzynska a répondu à l'appel au secours d'Anna, enceinte d'environ 12 semaines et victime de violences conjugales, en lui fournissant dans l'urgence un paquet de pilules abortives qu'elle avait gardé chez elle. "Tout ça s'est déroulé pendant la crise du Covid, en 2020", détaille Mara Clarke. "Les services postaux ne fonctionnaient pas correctement et on ne savait pas si les médicaments seraient livrés à temps depuis l'étranger pour aider cette femme".

"Le mari d'Anna l'avait empêchée une première fois d'aller se faire avorter en Allemagne. Et cette fois-ci, il a confisqué ses médicaments après avoir surveillé ses communications", poursuit la militante.

L'homme, soupçonné de violences conjugales, a ensuite appelé la police et dénoncé Justyna Wydrzynska, dont le domicile a été perquisitionné. La femme a fait une fausse couche quelques jours après que son mari ait alerté la police. 

Un procès pour l'exemple

"Les autorités veulent faire dire à Justyna qu'elle regrette son geste et qu'elle ne le refera plus. Mais elle refuse", raconte Mara Clarke, en contact permanent avec la prévenue. "Elle est fatiguée car l'affaire dure, mais elle est déterminée à poursuivre ses activités".

Pour Mara Clarke, "le fait que Justyna Wydrzynska risqu[ait] trois ans de prison pour avoir répondu à la demande d'aide d'une femme et d'une mère qui tentait d'échapper à une relation abusive est en soi un crime – contre la liberté de disposer de son corps et contre les droits de l'Homme".

Loin d'avoir intimidé les militantes féministes, le sort de Justyna Wydrzynska a ravivé leur combat. À chaque audience, devant le tribunal, des dizaines d'entre elles se rassemblaient avec des banderoles proclamant "J'aurais fait comme Justyna".

Dans une lettre rendue publique le 2 mars par le site d'investigation OKO.press, la femme secourue par Justyna Wydrzyńska, la remercie pour son aide : "C'était une expression d'humanité. Parce que dans une situation où des personnes qui avaient le devoir moral et, pour certaines d'entre elles, le devoir légal de m'aider, se tenaient debout en se lavant les mains, vous seule m'avez donné la main".

"Je n'ai aucun regret"

"L'affaire étant médiatisée, on parle enfin de la réalité des IVG en Pologne", analyse Mara Clarke, qui se réjouit que, d'une certaine manière, "les femmes en entendent parler et savent qu'elles peuvent nous contacter en cas de besoin".

De son côté, Justyna Wydrzynska n'a pas baissé les bras, et dispose même de quelques soutiens politiques. Elle est intervenue le 6 mars devant des députées polonaises du parti de centre-gauche Nowa Lewica pour défendre son action. Très émue, elle a déclaré à propos de l'affaire d'Anna : "Si je pouvais remonter le temps, je le referais. Je n'ai aucun regret".

Le lendemain était débattue au Parlement polonais une proposition de loi intitulée "L'avortement est un meurtre", visant à criminaliser la communication d'informations sur l'IVG. Un texte qui a finalement essuyé le refus d'une très grande majorité de parlementaires.

Pendant ce temps, plusieurs femmes sont décédées en Pologne, en 2021 et 2022, après qu'un avortement leur a été refusé, relate la Rtbf. L'une d'entre elles, Agnieszka, est morte le 25 janvier 2022, après "un choc septique lié à sa grossesse", selon sa famille. Enceinte de jumeaux, elle perd un fœtus, puis un second. Mais les médecins ont tardé à lui extraire, citant la loi sur l'avortement adoptée par le gouvernement polonais.

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