La violence contre les soignants augmente à un rythme alarmant, alertent les médecins européens

En Europe, la violence à l'encontre des professionnels de la santé augmente à un rythme alarmant, selon le Comité permanent des médecins européens (CPME). [Talukdar David/Shutterstock]

Les médecins européens tirent la sonnette d’alarme face à l’augmentation des agressions physiques et verbales à l’encontre du personnel de santé. Une situation qui pourrait aggraver la pénurie de soignants et compromettre la qualité des soins. 

Selon les derniers chiffres publiés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en février 2022, 38 % des professionnels de la santé dans le monde sont victimes de violences physiques à un moment ou à un autre de leur carrière.

L’OMS a également constaté que beaucoup d’autres sont menacés ou exposés à des agressions verbales.

En Europe, la violence à l’encontre des professionnels de la santé augmente à un rythme alarmant, selon le Comité permanent des médecins européens (CPME).

« Nous devons reconnaître l’impact de la violence sur les professionnels de la santé, qui, en fin de compte, affecte non seulement le personnel mais aussi les soins aux patients », a déclaré le Dr Christiaan Keijzer, président du CPME, dans un communiqué publié dimanche 12 mars à l’occasion de la Journée européenne de sensibilisation à la violence envers les médecins et les autres professionnels de la santé.

La violence à l’encontre du personnel de santé comprend la violence physique et verbale qui a de multiples conséquences sur la santé des victimes, telles que des blessures physiques et des impacts sur la santé mentale.

Dans les cas les plus extrêmes, l’agression peut conduire à la mort, ont averti les médecins européens.

En France, la moyenne des professionnels de santé déclarant avoir subi des agressions physiques fréquentes dans les hôpitaux est presque aussi élevée que dans l’UE, avec 37 % des professionnels de la santé hospitaliers régulièrement agressés, selon les chiffres du ministère français de la santé.

C’est pourquoi le ministère a annoncé le 3 février dernier qu’un plan de lutte contre les violences à l’égard des professionnels de santé erait mis en place d’ici l’été.

« Il est essentiel de s’appuyer sur les professionnels de santé ainsi que sur l’ensemble des parties prenantes et des acteurs impliqués dans la sécurité des soignants pour réfléchir à des mesures efficaces qui correspondent à leurs attentes et à leurs contraintes quotidiennes », a déclaré Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé.

L'UE devrait se soucier davantage de son personnel soignant, selon des députés européens

Les premières réactions à la stratégie européenne en matière de soins, récemment dévoilée par la Commission, laissent entendre que l’Union européenne devrait se préoccuper davantage de son personnel soignant.

Les infirmières et les femmes plus exposées

Selon l’OMS, certaines catégories de professionnels de santé sont plus exposées à la violence : les infirmières et les autres membres du personnel directement impliqués dans les soins aux patients, le personnel des services d’urgence et le personnel paramédical.

« Les infirmières en tant que groupe, et les femmes en particulier, semblent être particulièrement vulnérables, avec un risque double d’être victimes de violence », a déclaré la Fédération européenne des associations d’infirmières (FEIA) dans un communiqué de presse publié en novembre 2022.

Une enquête menée par l’AEPN sur la base de données recueillies en 2021 a révélé que 28 associations nationales d’infirmières en Europe ont confirmé presque unanimement que la violence à l’encontre des infirmières est une préoccupation importante et qu’elle ne provient pas toujours des patients.

En 2020, les femmes représentaient 78 % du personnel de santé, selon Eurostat. Dans l’ensemble de l’UE, cette proportion varie de 61 % en Grèce à plus de 90 % en Estonie et en Lettonie.

« Les associations représentatives du Danemark, du Portugal et du Royaume-Uni ont souligné que jusqu’à 30 % des infirmières sont potentiellement victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail », selon l’enquête de l’AEPN, tandis qu’en Allemagne, jusqu’à 41 % des infirmières ont fait état d’abus de la part d’autres professionnels de la santé.

« En ce qui concerne les travailleurs de la santé, ce [harcèlement] est quelque chose qui a été examiné. Les femmes représentent une grande partie du personnel de santé dans l’UE « , a déclaré la commissaire à la santé Stella Kyriakides à EURACTIV lors d’un récent entretien.

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La majorité des soins prodigués dans l’UE sont réalisés gratuitement par des femmes, des « aidantes informelles », fardeau pour leur carrière professionnel accentuant encore plus les inégalités entre les genres, selon un rapport de l’eurodéputée hongroise Katalin Cseh, vice-présidente du groupe Renew.

Appeler la Commission à prendre des mesures

Une autre série de données inquiétantes a été publiée début mars par l’Agence tripartite de l’Union européenne, dont le rôle est de fournir des connaissances dans le domaine des politiques sociales et liées au travail.

L’étude indique que les professionnels de la santé dans l’UE sont trois fois plus susceptibles de signaler une attention sexuelle non désirée. De même, les travailleurs des services de santé et de protection sont deux à trois fois plus susceptibles de signaler des cas d’intimidation, de harcèlement et de violence.

Selon la CPME, l’épuisement professionnel dû au nombre croissant d’agressions devient « un facteur de plus en plus important dans le choix des professionnels de quitter le secteur de la santé ».

À long terme, cela pourrait compromettre la qualité des soins et mettre en péril la prestation des soins de santé, ce que l’OMS considère comme une « perte financière immense » potentielle pour le secteur de la santé.

« Il est essentiel de promouvoir une culture de respect pour les professionnels de la santé et de fournir des ressources pour signaler et soutenir les cas de violence », a déclaré M. Keijzer du CPME.

L’association des médecins a appelé la Commission à soutenir les gouvernements en fournissant des repères pour les capacités minimales du personnel et en abordant la question des professionnels de la santé dans la future approche globale de la santé mentale.

« Le personnel de santé est déjà en crise. Nous appelons les décideurs politiques et le grand public à contribuer à la sécurité des professionnels de la santé », a conclu M. Keijzer.

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