Détresse psychologique, burn-out… la santé mentale reste "l’angle mort" des entreprises. Un salarié sur deux est aujourd’hui en situation de détresse psychologique. Un sur quatre en risque de burn-out. Ces chiffres, issus du dernier baromètre d’Empreinte Humaine, indiquent une dégradation de la santé mentale des salariés, en grande partie liée à leurs conditions de travail. En plein débat sur la réforme des retraites, le rapport au travail des Français a changé... et les entreprises tardent à répondre à leurs attentes.
La santé psychologique des salariés se dégrade. C’est la conclusion du traditionnel baromètre réalisé par OpinionWay pour Empreinte Humaine. Le cabinet note ainsi que 44% des travailleurs sont aujourd’hui en situation de détresse psychologique, soit quasiment un salarié sur deux. Une hausse de trois points par rapport à la dernière édition de ce baromètre publiée en juin 2022. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que 14% des salariés présentent un taux de détresse psychologique élevé soit au moins "36 mois de détresse élevée"


"La situation ne s’améliore pas", indique à Novethic Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine. À qui la faute ? Au Covid-19 en partie, avec un tiers des salariés interrogés estimant que la crise sanitaire impacte encore aujourd’hui leur niveau de fatigue. Mais surtout au travail, pour 74% des travailleurs. Indice phare de ce mal-être : par rapport à la période pré-Covid, le risque de burn-out explose. Près d’un salarié sur quatre, soit 2 millions de personnes affirment être en risque de burn-out. Une tendance qui touche en particulier les femmes (à 49%), les jeunes (55%) et les managers (44%).

Organisation du travail, un "terreau du burn-out"



La France serait même le pays détenant un des taux de burn-out les plus élevés d’Europe, selon une infographie publiée par Alternatives Économiques. "Il faudra observer l’absentéisme, les arrêts maladie, le turnover dans les prochains mois. Les coûts économiques, sociaux et humains sont importants", prévient Christophe Nguyen. Preuve en est, l’explosion des arrêts de travail long. 


Or, "c’est bien l’organisation du travail qui fait le terreau du burn-out : la valorisation du présentéisme, la surveillance accrue des travailleurs par les technologies du numérique, la perte d’autonomie face à des procédures de plus en plus strictes… Tout concourt à mettre le salarié sous pression, à faire éclater les collectifs, à alimenter les tensions interpersonnelles", précise la psychologue Marie Pezé sur le site de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). 



Les entreprises ont-elles conscience de ce phénomène qui se répand chez leurs salariés ? Pas vraiment selon Christophe Nguyen, "la santé mentale reste leur angle mort", précise-t-il. "Les entreprises ont une approche légaliste du sujet. Elles font ce que la loi leur impose. Or il faut aller plus loin". Dans un contexte inflationniste, après les confinements imposés par la crise sanitaire du Covid-19, l’enjeu pour les entreprises est surtout de rattraper leur retard sur leurs objectifs. Quitte à passer à côté des attentes de leurs salariés. Or ces derniers sont en quête de sens. 

La réforme des retraites en question


En pleine réforme des retraites, le rapport au travail des Français pose donc question. D’autant que selon Empreinte humaine, 6 salariés sur 10 pensent que leur état de santé psychologique et physique ne leur permettra pas de travailler jusqu’à la retraite. 9 sur 10 estiment que les conditions de travail doivent être améliorées. "À l’heure où on parle de recul de l’âge de départ en retraite, on ne parle pas du travail pour le rendre plus durable", défend Christophe Nguyen. 


Et les efforts attendus sont grands pour les entreprises. La sociologue Dominique Meda rappelait ainsi le mois dernier à Novethic le classement particulièrement bas de la France sur les conditions de travail. "La dernière vague de l’enquête d’Eurofound, réalisée en 2021 auprès de plus de 70 000 Européens de 36 pays, montre que les contraintes physiques sont plus fortes en France qu’ailleurs", pointait-elle. "Pour plus de 43% des Français, leur emploi implique toujours, souvent, ou parfois de déplacer des charges lourdes (contre moins de 30% aux Pays-Bas et 35% en Europe)." D’où la présence, dans les manifestations contre la réforme des retraites des métiers pénibles comme les éboueurs, les caissières ou les infirmières
Marina Fabre Soundron
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