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Le cri du cœur d’une victime de la drogue du viol: un fléau qui nous concerne tous

Le 14 janvier dernier, j’ai été droguée contre mon gré dans un bar. N’étant pas certaine de ce qui m’était arrivé en raison d’un énorme trou de mémoire, j’en ai parlé à peu de personnes. C’est ensuite arrivé à mon amie Rozana Ryan moins d’un mois plus tard. C’est en la voyant, à moitié inconsciente et molle, que certains souvenirs ont ressurgi et que mes doutes ont été confirmés. 

En la voyant presque inerte, apeurée et malade, je me suis rappelé la peur qui m’habitait, la perte de contrôle totale, le besoin soudain d’aller chez moi, en sécurité, dans un endroit familier. J’en ai ensuite parlé à mon entourage et j’ai appris une réalité troublante: c’est beaucoup plus commun que je ne l’aurais imaginé.

Pourtant, quand je sors avec des filles, nous sommes toutes très prudentes, nous ne touchons pas à nos verres quand nous les avons perdus de vue, nous les couvrons constamment de notre main, nous nous tenons en groupe... Mais ce n’est pas assez.

Le danger

Ce n’est pas assez parce que, depuis des années, les femmes sont seules à porter le fardeau de leur propre sécurité.

Nous sommes sensibilisées très jeunes à cette réalité, tandis que plusieurs garçons grandissent sans avoir connaissance des dangers du GHB, en raison d’un manque d’éducation sous prétexte que cette problématique «ne les concerne pas», bien qu’ils en soient souvent la cause. Nous avons pu observer que, souvent, lorsqu’une fille se fait droguer, les garçons présument qu'elle a trop bu et ne savent pas comment agir, tandis que les filles sont les premières à réagir, à prendre en charge la situation.

Plusieurs ne savent pas que cette drogue entraîne souvent un passage à l’hôpital, parfois même le décès. Non seulement le GHB peut être fatal, mais il constitue aussi un acte criminel et puni par la loi si la personne est contrainte à l’ingérer. C’est une agression que d’obliger ou de duper une personne à ingérer une drogue qu’elle n’a pas consenti à prendre, une agression qui mène souvent à des traumatismes.

Aucune ne devrait avoir à sentir ce danger rôder si proche d’elle. Aucune ne devrait avoir à se sentir chanceuse parce qu’il n’est «rien arrivé». On nous a forcées à prendre une drogue, ça a mis notre santé mentale et physique en danger, mais, malgré ça, certaines d’entre nous ne peuvent s’empêcher de se sentir chanceuses parce que d’autres filles se font violer et/ou doivent se rendre aux urgences.

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Les solutions

Sachant tout ça, nous pensons qu’il est de mise que les bars investissent davantage dans la sécurité de leur clientèle, que ce soit en offrant des couvercles antidrogue, des sous-verres qui détectent le GHB ou bien en augmentant le niveau de sécurité et le nombre de caméras aux comptoirs des bars.

Nous pensons qu'il est temps de miser sur des campagnes de prévention, de sensibilisation et de responsabilisation non seulement auprès des femmes, mais aussi et surtout auprès des garçons.

Trop de femmes sentent qu’elles seules sont responsables de leur propre sécurité et trop d’hommes ne savent pas comment agir dans ces situations critiques où l’action rapide et juste est de mise pour sauver la vie de quelqu’un.

La drogue du viol est un véritable fléau au Québec et fait trop de victimes chaque jour. Il est temps d’agir et de dénoncer publiquement ce fléau qui a pris beaucoup trop d’ampleur dans les dernières années.

Photo fournie par Sandrine Pelletier

Sandrine Pelletier

Avec Rozana Ryan, Aïcha Gascon-Vézina, Andréa Bélair Arreola, Léa Tanguay, Manon Massé

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