Des Taliban à Kaboul (archives). Crédit : Picture alliance
Des Taliban à Kaboul (archives). Crédit : Picture alliance

Une enquête publiée par le média The Independent révèle que les autorités britanniques ont demandé aux Afghans éligibles au programme de relocalisation en Angleterre de faire attester leurs documents d'identité par le régime Taliban. De telles pratiques exposent les candidats à des risques importants pour leur sécurité.

Les révélations créent la polémique outre-Manche. Selon une enquête du média britannique The Independent, des Afghans candidats au programme de réinstallation vers le Royaume-Uni se sont vus demander de faire valider leurs documents par le gouvernement Taliban.

Le programme de relocalisation et d’assistance afghane (Arap, selon l’acronyme en anglais) vise à réinstaller en Angleterre les Afghans ayant travaillé pour les autorités ou avec les forces armées britanniques avant le retour au pouvoir des Taliban à l’été 2021.

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Les Afghans aspirant à ce programme ont reçu ces derniers mois des emails provenant du ministère britannique de la Défense leur demandant de fournir des certificats de naissance et de mariage en anglais, et portant le cachet du ministère des Affaires étrangères ou de la Justice du gouvernement afghan.

"Arrêt de mort"

Les ressortissants afghans qui ont travaillé pour des pays occidentaux sont menacés par le régime des fondamentalistes religieux, et vivent cachés en attendant leur éventuel transfert. Les exposer ainsi aux Taliban représente un risque important pour eux. Cité par le The Independent, Dan Jarvis, député travailliste et ancien soldat ayant servi en Afghanistan, estime que de telles pratiques "signent leur arrêt de mort". "Ces demandes du gouvernement britannique montrent un mépris total des graves réalités auxquelles sont confrontés les Afghans éligibles, poussant des hommes désespérés dans des situations périlleuses", a-t-il estimé.

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Les défenseurs des droits n’ont pas manqué de réagir. Sara Fenby, de l’ONG Global Witness s’est dite atterrée. "Le fait que des interprètes afghans, qui ont risqué leur vie pour la mission du Royaume-Uni en Afghanistan, soient toujours laissés pour compte, malgré leur éligibilité en vertu de l’Arap, est honteux. [Ces personnes] se cachent, ont peur et sont incapables de travailler pour nourrir leurs enfants", a rappelé la militante à The Independent. "Le fait qu’ils soient ensuite invités, par l’Arap, à apporter leurs documents aux ministères contrôlés par les Taliban pour les faire valider est totalement inacceptable".

Excuses du gouvernement britannique

Après la publication de l’enquête du média britannique, le ministère de la Défense a, dans un premier temps, nié les accusations. Mais un porte-parole a finalement reconnu les faits et affirmé que le ministère avait "rapidement corrigé" l’erreur et "renforçait de toute urgence nos directives et processus internes pour garantir que cela ne se reproduise plus". "Nous nous excusons sans réserve et continuons à travailler sans relâche pour mettre les personnes éligibles en sécurité", a déclaré le porte-parole.

Les candidats au programme Arap ont par ailleurs reçu un mail d’excuses. "Si vous avez reçu l’un de ces messages, celui-ci est incorrect et nous nous excusons pour tout malentendu ou détresse causé par ce message", est-il écrit.

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Le gouvernement britannique a promis de réinstaller 20 000 Afghans mais essuie de nombreuses critiques pour les retards dans le processus. Alors que 11 212 personnes ont été relocalisées en Grande-Bretagne dans le cadre de l’Arap, le nombre d’admissions a chuté fin 2021, après la reprise du pouvoir par les Taliban. Entre juillet et septembre 2021, plus de 6 200 Afghans ont été relocalisés sous l’Arap. Ce nombre est tombé à 732 au dernier trimestre 2021. Et fin 2022, seulement 743 personnes ont été relocalisées au Royaume-Uni.

Selon les estimations du Ministère de la Défense, environ 4 600 personnes, bloquées en Afghanistan, sont éligibles à l’Arap.

 

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